Contenu du sommaire : Retour sur les situations révolutionnaires arabes

Revue Revue Française de Science Politique Mir@bel
Numéro Vol. 62, no 5-6, 2012
Titre du numéro Retour sur les situations révolutionnaires arabes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Retour sur les situations révolutionnaires arabes

    • Pour une sociologie des situations révolutionnaires : Retour sur les révoltes arabes - Mounia Bennani-Chraïbi, Olivier Fillieule p. 767-796 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Dans ce texte, nous défendons une approche réfutant tout causalisme et centrée sur les situations révolutionnaires. Une revue de la littérature sur les récentes « révoltes arabes » montre à quel point une telle orientation est rare. Nous proposons, à partir de là, de ne pas nous en tenir à la description des propriétés des situations révolutionnaires pour tenter de retracer les séquences d'action, définies comme des chaînes d'interaction complexes mais observables, conduisant ­ ou pas ­ à ces situations. À partir de la mise en regard d'un certain nombre de situations révolutionnaires dans la région, nous tentons d'identifier dans les événements qui y conduisent une série de processus relationnels et cognitifs. L'on peut ce faisant approcher les modes de transformation d'états propres aux situations révolutionnaires.
      In this paper, departing from a non causalist epistemology, we focus our attention on the study of revolutionary situations, instead of background conditions or revolutionnary outcomes which, as a literature review on the “Arab uprisings” shows, have received the lion's share of research in the field. Furthermore we argue that one should move away from describing the recurrent properties of revolutionary situations to study the sequences of action – here defined as complex chains of interaction – which contribute to produce these situations. Based on a comparison of various cases in the MENA region, we identify a series of relational and cognitive processes which can able us to better understand how revolutionary situations are produced and develop.
    • Réseaux dormants, contingence et structures : Genèses de la révolution tunisienne - Choukri Hmed p. 797-820 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Une enquête ethnographique dans la région de Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne de 2010-2011, permet de montrer que, contrairement à la plupart des analyses sur la question, on ne peut ni parler de « spontanéité » du mouvement révolutionnaire, ni, à l'inverse, rabattre ce dernier sur des « causes » structurelles et exogènes. Les entretiens menés auprès des protagonistes soulignent plutôt la présence de réseaux dormants formés par des militants politiques et syndicalistes, finement articulés à des mobilisations localisées de groupes plus faiblement politisés, et mobilisés à la faveur de facteurs en partie contingents. On montre ainsi les ressorts pratiques de la politisation et de la désectorisation permettant tout à la fois le passage au politique de groupes hétérogènes et la remise en cause du régime.
      An ethnographic fieldwork conducted in the region of Sidi Bouzid, the birthplace of the Tunisian Revolution of 2010-2011, shows that, contrary to most analyses of the issue, one can not speak of the “spontaneity” of the revolutionary movement, nor in contrast bind it strictly to structural and exogenous “causes”. Interviews with the protagonists rather emphasize the presence of abeyance networks formed by political activists and trade unionists, finely articulated with local mobilizations of less politicized groups that are mobilized partly because of contingent factors. The article describes the conditions and the practices of politicization and of the de-sectoring processes allowing at the same time the transition to politics of heterogeneous social groups and finally the challenging of the regime.
    • Trajectoires « révolutionnaires » en Tunisie : Processus de radicalisations politiques 2007-2011 - Amin Allal p. 821-841 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Derrière un unanimisme de façade, le moment révolutionnaire est vécu différemment et diverses dynamiques de radicalisation sont à l'œuvre. Si une majorité d'individus s'engagent sans être des opposants encartés, il faut éviter le piège de « l'immaculée contestation ». Pour cela, nous analysons d'une part, l'épreuve que constituent les protestations qui se multiplient depuis 2008 dans la Tunisie de « l'intérieur », et d'autre part, les contre-conduites qui se muent sous certaines conditions en contestation du régime. L'étude diachronique, basée sur des entretiens répétés depuis 2006, identifie les ressorts de ces mobilisations : situations socioprofessionnelles, sociabilités de quartiers et familiales, (en)jeux générationnels, mémoires des luttes passées et expériences de répression. Simultanément l'approche ethnographique révèle la part de contingence de ces implications dans un soulèvement populaire aussi intense que rapide.
      Despite apparent unanimity among actors, individuals experience the revolutionary moment quite differently. Diverse dynamics of radicalization operate. In order to understand how a multitude of individuals who weren't in the opposition per se engage in collective action, one must avoid the “immaculate contestation” trap. Therefore I focus on 1/ increased engagement in contentious collective actions in the “inner Tunisia” since 2008, and 2/ emerging ambivalent counterconducts among different social groups, that are transformed under certain circumstances into anti-regime protests. Throughout repeated interviews carried out since 2006, the diachronic study identifies these mobilizations' grounds fundaments : socioprofessional situations, neighborhood and family sociabilities, generational stakes, past struggles' memories and repression experiences. Simultaneously, the ethnographic approach reveals how contingent are engagements in a both intense and fast-spreading uprising.
    • Sur les sentiers de la révolution : Comment des Égyptiens « dépolitisés » sont-ils devenus révolutionnaires ? - Youssef El Chazli p. 843-865 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les événements ayant secoué l'Égypte au début de l'année 2011, et ayant pris depuis le nom de « Révolution du 25 janvier », soulèvent de nombreuses questions. Parmi celles-ci, l'interrogation sur la participation massive d'une population considérée comme apathique ou dépolitisée est centrale. En effet, on peut penser qu'il n'y a rien de particulièrement « révolutionnaire » à voir des militants aguerris protester collectivement une énième fois. En revanche, élucider le passage à l'action de ces dizaines de milliers de personnes qui n'avaient jamais participé politiquement pose problème. Cet article tente de contribuer à la compréhension de ce phénomène à partir de l'étude localisée de la mobilisation de jeunes Cairotes fin janvier/début février 2011.
      The events that shook Egypt early in 2011, since named the “Egyptian Revolution”, raise many questions. One of these interrogations is to understand how a population largely considered as apathetic and depoliticized, participated massively in street demonstrations. It is possible to safely consider that there is nothing particularly “revolutionary” in seeing experienced activists mobilize for the hundredth time. Nevertheless, revealing the mechanisms behind what pushed tens of thousands of Egyptians that had never participated in politics before to take the streets is paramount. This article tackles this issue by studying a localized mobilization of young Caireners during the “January uprising”.
    • La dynamique protestataire du Mouvement du 20 février à Casablanca - Mounia Bennani-Chraïbi, Mohamed Jeghllaly p. 867-894 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Au-delà du discours vantant « l'exception marocaine », un large mouvement de protestation s'est développé dès le mois de février 2011 dans l'ensemble du pays. Loin d'être le produit d'un effet domino, le Mouvement du 20 février est notamment tributaire d'un processus d'attribution de similarité, de la réactivation de relais organisationnels et de réseaux plus ou moins dormants. Une large coalition s'est constituée au sein d'un champ d'alliance et d'opposition à la jonction entre scène politique instituée et espace protestataire, par-delà les clivages entre réseaux de gauche et islamistes. Dans un jeu d'échelles entre le local, le national, le régional et l'international, un faisceau d'actions, d'interactions et d'événements a contribué autant à l'enracinement de la coalition qu'à sa désagrégation.
      Beyond the narrative which praises “the Moroccan exception”, an extensive contentious movement has developed throughout the country. Far from being the product of a domino effect, the February 20 Movement stems notably from a process of building assumptions of similarity, from the reactivation of more or less abeyant structures. A wide coalition has developed within a field of both alliance and opposition, at the intersection of formal political sphere and contentious politics, regardless of cleavages between leftist networks and Islamists. On a variety of scales involving the local, national, regional and international levels, an array of actions, interactions and events have contributed as much to the coalition taking roots as to the process of its erosion.
    • La structuration de la révolution yéménite : Essai d'analyse d'un processus en marche - Laurent Bonnefoy, Marine Poirier p. 895-913 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      En s'intéressant aux mobilisations nées du processus révolutionnaire yéménite engagé en janvier 2011, cet article, né d'une longue expérience de terrain partagée, étudie les interactions entre des pratiques émergentes et les « propriétés structurelles des systèmes sociaux ». Il fait l'hypothèse d'une dualité du processus révolutionnaire qui apparaît comme produit par les acteurs qui le portent mais aussi comme contraint par une structure historique, sociale et politique. Il interroge ainsi la capacité de l'événement révolutionnaire à générer de l'innovation militante mais également à poindre lui-même du croisement entre les pratiques émergentes et la reprise en main du processus par des réseaux de mobilisation existants et des acteurs politiques déjà institutionnalisés.
      This article studies the mobilisations that have developed since the beginning of the Yemeni revolutionary process in January 2011. Built on shared and extensive fieldwork, it examines the interactions between emerging practices and the “structural properties of social systems”. It assumes the duality of the revolutionary process that appears both produced by the actors that carry it and constrained by a historical, social and political structure. This paper thereby questions the capability of the revolutionary event not only to generate innovations but also to emerge at the intersection of emerging practices and the process' confiscation by former mobilisation networks and institutionalised political actors.
    • Lectures thématiques : Lire au sujet du « printemps arabe » - p. 915-939 accès libre
  • Varia

    • Analyse et compréhension du vote lors des élections présidentielles de 2012 : L'apport de la géographie électorale - Michel Bussi, Jérôme Fourquet, Céline Colange p. 941-963 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les élections présidentielles 2012 s'inscrivent dans la continuité des changements politiques géographiques observés depuis une quinzaine d'années : progrès de la gauche dans l'Ouest de la France et dans les centres-villes, forte implantation du Front national dans les espaces périurbains et dans les territoires ouvriers, recul de la droite à l'exception des zones résidentielles tertiarisées. Cet article, à partir d'une base de données originale à l'échelle du canton, analyse les évolutions récentes de la carte électorale (2007-2012), confronte à moyen terme (1981-2012) ces résultats à certaines variables socio-économiques du recensement de population, et propose quelques pistes d'analyses spatiales (principalement la distance à la ville).
      In 2012, the French presidential election confirmed the geographical political changes that have been observed for the last fifteen years in France : progress of the left-wing in Western France and in city-centres, strong presence of the National Front in the working class suburbs and in the suburban areas, and decrease of the right-wing, except in the service-based residential areas. This article, based on an original database at the canton level, analyzes the recent developments of the electoral map (2007-2012) and for the 1981-2012 period. It compares these results to socio-economic variables extracted from the population census, and offers spatial analyses (mainly according to the distance from the city).
  • Chronique bibliographique approches historiques du politique

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