Contenu du sommaire : Les Balkans, l'Europe et les guerres de 1912-1913

Le terme de « balkanisation » apparaît dans le contexte du règlement de la Grande Guerre, quand le précédent des guerres balkaniques semble devoir s'étendre à l'Europe entière. Les circonstances de la naissance du concept de balkanisation étant connues, on cherche ici à en reconstituer la genèse au XIXe siècle. Les Etats balkaniques paraissent co-produits par les grandes puissances européennes et les mouvements nationaux balkaniques selon des critères à la fois scientifiques – l'ethnographie - et politiques – le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. A ce titre, les Balkans constituent le théâtre d'une ingénierie cartographique impériale comme dans le monde colonial, à ceci près que les acteurs locaux y disposent d'une marge de manœuvre plus importante. Au XXe siècle, le concept de balkanisation est utilisé tant dans le langage courant que dans le langage scientifique, même si la géographie et la géopolitique tendent à lui substituer celui d'« entre-deux », qui permet la comparaison avec d'autres espaces. Le succès du terme de balkanisation est certainement dû aux guerres balkaniques, moment matriciel de la médiatisation de la violence.

L'article se propose de confronter les événements du début du XXe siècle en Macédoine – pour lesquels l'historiographie est en plein renouveau – avec l'histoire consulaire de Salonique. Si l'aspect politique semble dominer la période, l'étude d'un rouage local de la « machine diplomatique » permet de nuancer cette idée et de contribuer au renouvellement des approches de l'histoire diplomatique.

L'éclatement de la Première Guerre balkanique permit à la Grèce de reprendre son extension septentrionale. Mais la conquête de l'Epire, région comprenant d'importantes populations hétérogènes approchées par d'autres nationalismes concurrents (principalement albanais et italien), conduisit le pays à s'interroger sur les critères de l'hellénisme ainsi qu'à préciser son propre modèle national.

Dans cet article l'auteur analyse la fonction et la portée des deux événements organisés le 24 août 1913 à Belgrade : la célébration de la rentrée victorieuse des armées serbes des champs de batailles des Guerres balkaniques et l'inauguration du monument à Karadjordje, chef de la première insurrection serbe contre l'Empire ottoman en 1804. Il démontre une société plaine des contradictions qui oscillait constamment entre la volonté de paix et les appelles à des nouvelles sacrifices.

Susana Sueiro aborde dans son article la question du Maroc comme « terrain de jeu » des relations internationales pour les grandes puissances coloniales européennes dans les années 20. Les stratégies successives adoptées par Primo de Rivera pour en faire l'espace privilégié de l'expression de la politique méditerranéenne espagnole y sont notamment mises en perspective.

René Pélissier retrace la généalogie de ce qu'il nomme le troisième empire colonial portugais au prisme des deux empires qui l'ont précédé et qui, bien que disparus, laissent des traces sensibles sur leur successeur. Ce troisième et dernier empire, luso-africain, qui se déploie essentiellement en Angola et au Mozambique est étudié à la fois de l'intérieur et dans ses ramifications et rapports complexes avec le pays d'origine jusqu'à la phase de décolonisation ultime (1975). Une mise en perspective historique et historiographique précise permet de mieux comprendre certains des attributs du modèle colonial portugais.