Contenu du sommaire : Le syndicalisme révolutionnaire
Revue | Mil neuf cent |
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Numéro | no 24, 2006 |
Titre du numéro | Le syndicalisme révolutionnaire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - p. 3-4
Le syndicalisme révolutionnaire
- La charte d'Amiens, cent ans après : Texte, contexte, interprétations - Jacques Julliard p. 5-40 La charte d'Amiens a cent ans. Considérée traditionnellement comme un manifeste de neutralité politique, elle affirme au contraire la vocation du syndicalisme à rivaliser avec les partis et à dessiner lui-même les voies de la société future. Dirigée contre les socialistes de nuance guesdiste, elle a été votée conjointement par les révolutionnaires et par les réformistes. En dépit des apparences, elle indique un infléchissement de la direction confédérale vers une pratique plus réformiste. Plus profondément, elle est le signe de la situation schizophrénique de la classe ouvrière : inclusion politique dans le pacte républicain, mais exclusion sociale. Cette exclusion, la CGT l'a transformée en sécession délibérée.The Charter of Amiens is hundred years old. Traditionally considered as a manifesto of political neutrality, it affirms on the contrary, the vocation of syndicalism as a rival to the parties and as a means of describing for itself the outlines of the future society. Directed against the Guesdist tendency within socialism it was voted for jointly by the revolutionaries and the reformists. Despite appearances, it indicated a change in direction on the part of the leadership towards a more reformist strategy. More profoundly, it was the expression of the schizophrenic position of the working class: political inclusion within the republican pact combined with social exclusion. The CGT transformed this exclusion into deliberate secession.
- Le mythe de la charte d'Amiens - Daniel Lindenberg p. 41-55 La « charte d'Amiens » est le mythe fondateur par excellence du syndicalisme français. Mais le sens qu'elle a conservé de façon durable dans la mémoire collective est-il conforme aux intentions des auteurs de ce qui ne fut en octobre 1906 qu'un « ordre du jour » dans un Congrès fertile en rebondissements ? Cette étude voudrait revenir sur la captivante mutation de l'ordre du jour en « Charte » quasiment constituante et le glissement progressif de ce qui se voulait surtout peut-être avant tout l'esquisse d'un projet de société propre à l'avant-garde syndicale vers une interprétation réduite à la mise à l'écart des partis politiques. Que cette réduction soit le fruit de la lutte contre la main-mise communiste sur la CGT ne saurait surprendre. Qu'elle soit un bouc émissaire commode pour ceux qui se lamentent sur l'état déprimé de la gauche française non plus. Mais que la « Charte » fasse aujourd'hui l'unanimité, aussi bien chez les héritiers distanciés du bolchevisme que chez ceux qui ont réussi le pari de la « déconfessionalisation » du syndicalisme chrétien est un de ces paradoxes dont l'histoire sociale des idées est plus coutumière qu'on ne le croit.The “charter of Amiens” is the foundation myth of French syndicalism. But does the sense that it has since come to have in the collective memory conform to the intentions of the authors for whom in October 1906 it was part of an “agenda” for a conference that was full of developments? This study seeks to explore the fascinating mutation of this agenda item into a “Charter” that was almost constitutive of the movement itself, specifically the progressive slippage of a document which sought perhaps above all to be a sketch of a society relevant to the syndicalist avant-garde into a document that did exclude the political parties. That this reduction should be the outcome of the battle against the communist takeover of the CGT should not be surprising. That it should be a convenient scapegoat for those who lamented the depressing state of the French left should likewise not surprise. But that the “Charter” today should receive unanimous interpretation from the distant inheritors of Bolshevism as well as from those who have succeeded in bringing about the “deconfessionalisation” of Christian syndicalism is one of the paradoxes of which the social history of ideas is more familiar than one might think.
- L'invention du syndicalisme révolutionnaire en France (1903-1907) - Marco Gervasoni p. 57-71 Le syndicalisme révolutionnaire est une « idée révolutionnaire nouvelle » qui a germé, en tant que théorie, chez des auteurs comme Lagardelle, Berth, Guieysse et dans les revues le Mouvement socialiste et Pages libres. Il fut défini comme un « révisionnisme révolutionnaire » fondé sur l'autonomie ouvrière incarnée par le syndicat. Sorel emboîta le pas de cette « nouvelle école » en un second temps. Contrairement à celui-ci, Lagardelle et Berth inclinèrent ensuite vers un certain corporatisme mâtiné de productivisme.Revolutionary syndicalism was a “new revolutionary idea” which, as theory, germinated amongst authors such as Lagardelle, Berth, Guieysse and in the reviews le Mouvement socialiste and Pages Libres. It was defined as a “revolutionary revisionism” based upon working class autonomy expressed through the syndicat. Sorel followed in the steps of this ‘new school' soon after. In contrast to the latter, Lagardelle and Berth subsequently moved towards a corporatism mixed with productivism.
- Maxime Leroy, la réforme par le syndicalisme - Alain Chatriot p. 73-94 Maxime Leroy a par son œuvre proposé une description et une théorie du développement du syndicalisme français. Autour de 1900, jeune juriste atypique, il se passionne pour les différentes formes de mobilisation ouvrière. Si La coutume ouvrière, publiée en 1913, reste sans doute son livre le plus remarquable, il continue sa réflexion après la Première Guerre mondiale sur les « techniques nouvelles du syndicalisme ». Il affirme ainsi une vision du politique qui se veut d'abord syndicale.Through his work Maxime Leroy outlined both a description and a theory of French syndicalism. Around 1900, this unusual legal expert became impassioned about the different forms of working class mobilisation. If La coutume ouvrière (1913) remains without doubt his most remarkable book, after the First World War he continued to reflect upon “the new techniques of syndicalism”. He thus affirmed a vision of politics that was sought to be first and foremost syndicalist in character.
- Le syndicalisme révolutionnaire en Italie (1904-1925) : Les hommes et les luttes - Willy Gianinazzi p. 95-121 Apparu au sein du parti socialiste, le syndicalisme révolutionnaire italien, avec à sa tête des intellectuels et des militants itinérants, prôna, contre le gouvernement et le parlementarisme socialiste, l'autonomie ouvrière qu'il tenta de réaliser en quittant le parti, en 1907, en se séparant de ses intellectuels et en créant sa propre base syndicale. En 1912-1913, il parvint à concurrencer la CGT réformiste et majoritaire. Divisé sur l'attitude face à la Grande Guerre, une aile constitua un syndicalisme réceptif à l'idée de patrie, alors que l'autre resta fidèle à la lutte de classe sans condition. Ses bastions furent aussi bien situés dans les campagnes (Émilie, Pouilles) que dans les centres industriels du Nord.Born from within the socialist party, Italian revolutionary syndicalism, with at its head various rootless intellectuals and activists, advanced an argument for working class autonomy against governmental liberalism and parliamentary socialism: this they attempted to do by leaving the party in 1907, in separating themselves from its intellectuals and through the creation of their own trade union base. Divided in their response to the First World War, after the war one strand formed a syndicalism receptive to the idea of the homeland, whilst another remained faithful to unconditional class struggle. Its bastions were situated in the countryside (Emilia, Puglia) rather than the industrial centres of the north.
- Une famille agitée : Le syndicalisme révolutionnaire en Europe de la charte d'Amiens à la Première Guerre mondiale - Wayne Thorpe p. 123-152 En 1906, lorsque la CGT adopte la Charte d'Amiens, elle constitue la seule organisation ouvrière en Europe à se réclamer du syndicalisme révolutionnaire. En 1912, c'est dans une douzaine de pays européens que des syndicats ou des groupes de propagande inspirés par la France ont embrassé la cause. Il ne s'agit pas pour eux d'importer sans le critiquer un modèle français spécifique, ils conçoivent plutôt leur appartenance à une famille internationale, au sein de laquelle les Français font figure de frère aîné. Si l'inspiration hexagonale de tous ces mouvements européens n'est pas en cause, les traits communs qu'ils présentent entre eux dépassent largement ceux qu'ils possèdent avec la CGT. Tous minoritaires contrairement à elle, ils font très peu de place aux voix réformistes ; assiégés par de puissants adversaires, ils restent très attachés à leur autonomie révolutionnaire. Enfin, leur exclusion du très social-démocrate Secrétariat syndical international aggrave leur différence d'avec la CGT qui s'y implique de manière croissante alors même que se dessine le projet d'une internationale révolutionnaire parallèle.Jusqu'à l'éclatement de la guerre en 1914, la CGT et les révolutionnaires européens encore organisés partagent le sentiment d'appartenir à une famille internationale, mais sans parvenir à agir en tant que telle.In 1906 when the CGT endorsed the Charter of Amiens, it was the only self-proclaimed revolutionary syndicalist organization in Europe. By 1912 trade union or propaganda organizations in a dozen European countries, which drew inspiration from France, espoused the creed. They saw themselves not as uncritically importing a distinctive French model, but rather as members of an international family within which the French were the elder brothers. Despite the inspiration they drew from their Gallic brethren, national syndicalist organizations outside France appeared to have more in common with one another than any of them did with the CGT. Unlike the CGT, they were all minority movements within which reformist voices were relatively muted. Unlike the CGT, they were beleaguered by larger union opponents, but remained committed to maintaining their own revolutionary unions. Compounding these differences, they were all barred from the social-democratically dominated International Secretariat of National Trade Union Centres, to which the CGT belonged and to which its commitment grew just as its fellow revolutionary syndicalists increasingly pondered establishing their own international revolutionary alternative. Up to the outbreak of war in 1914, the CGT and the remaining national syndicalist organizations in Europe saw themselves as an international family, but were not able to act as one.
- La charte d'Amiens, cent ans après : Texte, contexte, interprétations - Jacques Julliard p. 5-40
Documents
- Les intellectuels contre les ouvriers (1910) - Georges Sorel, Michel Prat p. 153-169 Dans cet article inédit en français, paru au début 1910 dans la revue italienne il Divenire sociale, Sorel attaque vigoureusement les intellectuels révolutionnaires comme des adversaires de l'autonomie ouvrière. Et ce à propos d'une polémique opposant Gustave Hervé, directeur de la Guerre sociale, à Georges Yvetot, rédacteur de la Voix du peuple, l'organe de la CGT. Revenant sur les critiques qu'a suscitées sa prise de position lors de l'affaire Ferrer, Sorel réaffirme son hostilité à toute subordination du syndicalisme à des objectifs démocratiques.In this article, previously unpublished in French and which first appeared at the beginning of 1910 in the Italian review il Divenire sociale, Sorel vigorously attacked revolutionary intellectuals as the adversaries of working class autonomy. This was in the context of a polemic between Gustave Hervé, editor of la Guerre sociale and Georges Yvetot, editor of la Voix du peuple, the official organ of the CGT. Returning to the criticisms that his stance on the Ferrer affair had evoked, Sorel reaffirmed his hostility to any subordination of syndicalism to democratic objectives.
- Les intellectuels contre les ouvriers (1910) - Georges Sorel, Michel Prat p. 153-169
Études
- Psychologies expérimentales : Leipzig-Paris-Würzburg (1890-1910) - Jacqueline Carroy, Henning Schmidgen p. 171-204 Histoire croisée de « systèmes expérimentaux » entre France et Allemagne, cet article montre comment fut reçu en France le programme de recherche de « psychologie physiologique » que Wilhelm Wundt mena dans le laboratoire qu'il fonda à Leipzig en 1879. Un laboratoire de psychologie physiologique fut créé à la Sorbonne en 1889, censé importer méthodes et instruments allemands portant sur la mesure des temps de réaction. Les débats français sur la valeur de ces expériences de « psychométrie » amenèrent Alfred Binet à transformer le sens des expériences de Wundt en faisant un appel systématique à l'introspection. Si Wundt ignora ces expériences et critiqua la psychologie expérimentale pathologique et hypnotique française, ses élèves dissidents de l'école de Würzburg se référèrent à Binet. Ainsi au « transfert » qui eut lieu de Leipzig à Paris répondit de façon différée un « contre-transfert » de Paris à Würzburg.An intersected history of “experimental systems” in France and Germany, this article shows how the research programme of “physiological psychology” led by Wilhelm Wundt in the laboratory that he established in Leipzig in 1879 was received in France. A physiological psychology laboratory was created at the Sorbonne in 1889, intended to import German methods and instruments relevant to the measurement of speeds of reaction. The debate in France about the value of these “psychometric” experiments led Alfred Binet to abandon the use of the preferred instrument of Leipzig, the Hipp chronoscope, and to transform the sense of Wundt's experiments by making a systematic appeal to introspection. If Wundt ignored these experiments and criticised French experimental pathological and hypnotic psychology, his dissident pupils from the Wurzburg school referred to Binet. Thus, to the “transfer” which took place between Leipzig and Paris there occurred in a different way a “counter-transfer” between Paris and Wurzburg.
- Psychologies expérimentales : Leipzig-Paris-Würzburg (1890-1910) - Jacqueline Carroy, Henning Schmidgen p. 171-204
Lectures
- Lectures - p. 205-217