Contenu du sommaire : Le réformisme radical
Revue | Mil neuf cent |
---|---|
Numéro | no 30, 2012 |
Titre du numéro | Le réformisme radical |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Avant-propos
- Actualité du réformisme - Jacques Julliard p. 3-4
Dossier
- Nouveaux regards sur le réformisme : Introduction - Christophe Prochasson p. 5-20
- Réformisme et historiographie révolutionnaire : Georges Renard et Eugène Fournière, historiens du XIXe siècle - Julian Wright p. 21-38 Georges Renard et Eugène Fournière, disciples de Benoît Malon, ont tenté de conférer au socialisme français une cohérence doctrinale. Opposés au courant marxiste en France, ils s'adossèrent aux doctrines de Saint-Simon, Proudhon, Fourier et autres précurseurs du XIXe siècle. Renard surtout était fasciné par les fortunes et infortunes du réformisme social de 1848. Renard et Fournière croyaient surtout que, sans perdre toute l'ardeur du socialisme idéaliste du xixe siècle, le socialisme contemporain devait se pencher plutôt sur la question du temps et des rythmes de la réforme sociale. La leçon qu'ils tiraient des précurseurs les encourageaient à penser que le socialisme progresserait plus par une voie pragmatique que dans l'« éblouissement » de l'attente révolutionnaire.Georges Renard and Eugène Fournière, disciples of Benoit Malon, were concerned to find a way of bringing greater intellectual cohesion to the story of French socialism. As opponents of the Marxist current in France, they reflected on the way in which Saint-Simon, Proudhon, Fourier and other nineteenth-century precursors could be recuperated and made relevant once more in the very different context of the early twentieth century. Georges Renard in particular reflected deeply on the cause of social reform in 1848. From their historical writings, a deeper philosophical point emerged that gives real definition to the variety of associationist reformism that they espoused. Renard and Fournière believed that, without losing the optimism of the “socialist idealists” of the nineteenth century, contemporary socialism had to think afresh about time and the flow of social reform. The lesson of the nineteenth century was that socialism had to pay greater attention to the daily, pragmatic development of socialism, rather than being blinded by future promises of revolution.
- Frédéric Rauh, le socialisme, la réforme et la morale - Christophe Prochasson p. 39-53 Frédéric Rauh (1861-1909) ne se compte pas parmi les théoriciens socialistes de premier plan. Il est ignoré par la plupart des historiens du socialisme auxquels on ne peut tout à fait reprocher cette négligence d'érudition tant Rauh consacra peu sa réflexion à ce grand mouvement qui emportait l'attention de ses contemporains et qu'il demeura au seuil d'engagements qui furent beaucoup plus nets parmi nombre de ces proches, anciens élèves de l'École normale ou non. Sa biographie n'atteste pas moins quelques faits qui montrent que Rauh fut bien loin d'être indifférent au socialisme de son temps. Il fut sensible au développement du mouvement ouvrier et participa de la grande rencontre entre intellectuels et ouvriers qui marqua le tournant du siècle. Il développa une approche du socialisme qu'il définissait comme une doctrine morale, adossée à une critique du marxisme, fondée sur l'expérience des individus. On peut le considérer comme l'un des théoriciens oubliés du socialisme réformiste.Frédéric Rauh (1861-1909) is not amongst the most important socialist philosophers. Many historians of socialism have ignored him. Of course Rauh have not written many texts about socialism but his thought got influence upon many close socialist friends, often former students of Ecole normale supérieure where he was himself student then teacher of philosophy. Rauh was very sensible to the socialist movement of his times. His socialism was a kind of moral doctrine with a critical approach of Marxism. One can consider him as one of the forgotten philosophers of reformist socialism.
- L'antiréformisme de la minorité de guerre et la naissance du Parti communiste en France (1914-1925) - Romain Ducoulombier p. 55-71 Cet article a pour but de déterminer le rôle de l'anti-réformisme dans la naissance du Parti communiste en France en 1920. Il s'agit de décrire l'appropriation, la déformation et le redéploiement des argumentaires anti-réformistes par la relève militante et générationnelle de l'immédiat après-guerre, rassemblée sous le nom de « minorité de guerre ». Dans un premier temps, cette contribution étudie les conditions de formation, à la fin du xixe siècle, d'un discours anti-réformiste structuré, autour d'enjeux essentiels des organisations socialistes et syndicales naissantes, comme la représentation politique. Elle décrit, dans un second temps, la reconfiguration de cet héritage pendant la Première Guerre mondiale, par une génération de militants qui traverse une véritable « crise de conscience » et pour laquelle 1914 devient une césure radicale. L'anti-réformisme s'avère être un véhicule privilégié de la pénétration des idées bolcheviques en France. Après 1920, cet anti-réformisme est réinvesti par le Parti communiste : il inspire certaines des mesures essentielles des communistes à l'égard, par exemple, des élus. Il conclut à l'efficacité indéniable, et à l'attraction positive que cet anti-réformisme a exercée sur la « génération de l'armistice » fondatrice du Parti communiste en France.This article deals with the impact of anti-reformism in the birth of the French Communist Party in France at the beginning of the 1920s. It describes the various processes of reappraisal and redeployement of a wide range of anti-reformist ideas by a new generation of young revolutionary militants, eager to overthrow their former socialist leaders. This paper therefore examines the formation of anti-reformist discourse in the late 19th-century around key issues of nascent socialist organizations and trade unions, such as political representation. It then describes the reinstatement of this heritage during the First World War by a generation of militants known as the “minorité de guerre” and striken by a deep crisis of their “socialist conscience” after the collective collapse of 1914. Anti-reformism is thus a key issue in the massive transfer of Bolshevik ideas in France. After 1920, anti-reformism inspires the nascent French Communist Party in some of its most innovative measures, such as the strict control of the communist parliamentary group. Anti-reformism hence had a true effectiveness, and a great influence over the first communist generation.
- Mineurs français et britanniques : Un réformisme syndical ? - Marion Fontaine p. 73-88 Le syndicalisme minier français d'avant 1914 a été très souvent étudié, et presque aussi souvent critiqué, à travers le concept de « réformisme » qui lui a été accolé. Loin de vouloir entreprendre un nouveau procès en trahison, ou en réhabilitation, cet article vise plutôt à creuser la notion de « réformisme » quand elle appliquée à ce type d'action syndicale, en se penchant sur le cas français, mais en questionnant tout autant l'identité postulée avec la situation britannique. Des deux côtés de la Manche, on voit alors à quel point ce réformisme est constitué par le regard des sciences sociales, au moins autant que par ceux qui en sont historiquement les acteurs.The trade unionism of the French miners before 1914 has thoroughly been analysed and almost systematically criticized through the concept of “reformism” to which it has always been associated. The aim of this article is neither to speak out for or against it but rather to look further into the notion of “reformism” when applied to that particular kind of actions led by trade unions. We will not only analyse the French case but also draw a parallel between this case and the British situation. On both sides of the Channel it seems, “reformism” was built almost as much by the way social sciences look at it as by the historical players of the process.
- Les présupposés du réformisme : Autour de la Société fabienne (1884-1914) - Emmanuel Jousse p. 89-114 La Société fabienne, fondée en 1884, est l'organisation la plus emblématique du réformisme travailliste. En cela, elle manifeste de façon extrême les possibilités et difficultés d'une voie qui mène à la révolution sans passer par l'insurrection, par le progrès naturel et pacifique de l'histoire. La Société, menée par Sidney et Beatrice Webb, ainsi que par George Bernard Shaw, contredit l'idée que le réformisme n'est qu'une pratique sans théorie. Celle-ci est élaborée entre 1884 et 1889, selon les controverses de l'heure et dans un contexte où les oppositions dogmatiques ne sont pas encore fixées. La difficulté majeure du réformisme, éclairée par le cas fabien, ne serait donc pas la définition d'une doctrine, mais plutôt la possibilité de sa mise en œuvre, soumise à l'impératif de compétence qui garantit l'efficacité et la légitimité de la réforme. Après 1910, le rôle de la Société est celui d'un think-tank, à la voix rendue inaudible devant la force croissante du Labour. Le défaut d'une courroie de transmission pour mettre les réformes en application, patent avant 1914, est finalement surmonté avec la Grande Guerre, qui lie plus étroitement la Société aux travaillistes, au point qu'ils fournissent les fondements du programme du parti en 1918.The Fabian Society, incepted in 1884, remains the most figurative reformist organisation, both in Labour movement and in European socialism. As such, it sharply highlights the opportunities as well as the strong hardships of a specific path towards social revolution, that would not go through violence, but would follow the lines of natural and peaceful progress. The Society, headed by Sidney and Beatrice Webb, and by George Bernard Shaw, challenges the idea of a mere pragmatic reformism, without any clear doctrinal basis. This theory was worked out between 1884 and 1889, according to contemporary controversies, where theoretical oppositions were not settled. Therefore the main difficulty facing reformism, as illustrated by the Fabian case, was not the definition of a doctrine, but rather its practical implementation, submitted to a required competence that would ensure reforms' efficiency and legitimacy. Without neither party support nor political advocates, the Society was reduced to the role of a mere think tank after 1910, with an unheard voice compared to the rising influence of Labour Party. The lack of a channel through which reforms could be voted and applied was obvious before 1914, and was overcome during the war: Fabians were increasingly tied to Labour, so that they gave the main principles of the party programme in 1918.
- Le « socialisme libéral » de Carlo Rosselli et le réformisme - Serge Audier p. 115-132 Dans l'histoire du socialisme réformiste, le militant socialiste antifasciste Carlo Rosselli (1899-1937) occupe une place singulière. Il fut en effet le théoricien d'un « socialisme libéral » qu'il défendit dans son seul livre. La formule évoque aujourd'hui une idéologie d'adaptation à la globalisation libérale, mais Rosselli avait autre chose en tête. Revenant sur le contexte et la genèse du « socialisme libéral » de Rosselli, cet article montre que cette doctrine voulait rompre avec le vieux libéralisme, le communisme, mais aussi avec le réformisme évolutionniste du leader socialiste Filippo Turati. Nourrie de républicanisme et de volontarisme éthique, guidée par la lutte contre le fascisme, la pensée de Rosselli évoluera vers une nouvelle synthèse combinant libéralisme, anarchisme, socialisme et même communisme.In the history of reformist socialism, the antifascist socialist activist Carlo Rosselli (1899-1937) occupies a singular place. He was indeed the theorist of a “liberal socialism” which he defended in his only book. The formula now suggests an ideology of adaptation to the liberal globalization, but Rosselli had something else in mind. Returning on the context and the genesis of the “liberal socialism” of Rosselli, this paper shows that this doctrine would break with the old liberalism, communism, but also with the evolutionary reformism of the socialist leader Filippo Turati. Fed by republicanism and by ethical voluntarism, guided by the struggle against fascism, Rosselli's thought will evolve towards a new synthesis combining liberalism, anarchism, socialism and even communism.
- Le révisionnisme n'est-il qu'un réformisme ? : Sur quelques aspects de la première révision du marxisme - Jean-Numa Ducange p. 133-147 Après un bref retour sur l'historiographie des socialismes, l'article revient sur un des premiers grands débats du socialisme international, la querelle révisionniste au tournant des XIXe et XXe siècles. Contre une lecture trop simple, mais répandue, qui établit un lien direct entre ceux qui s'inscrivent dans une révision qu'ils jugent nécessaire du marxisme et le réformisme politique, l'article montre que le révisionnisme, au moins dans sa phase initiale, a été aussi perçu comme un « appel d'air » face à une orthodoxie qui avait stérilisé la réflexion politique et historique.After a brief survey of the historiography of socialisms, the article revisits one of the first great debates of international socialism, namely the revisionist controversy at the end of the nineteenth century. Against a simplistic, but broadly accepted, reading which establishes an immediate link between those figures who called for a revision of Marxism and political reformism, the article demonstrates that revisionism, at least in its initial phase, was perceived as a “breath of fresh air” in the face of an orthodoxy which had sterilised all reflection on politics and history.
- Vérité du réformisme - Jacques Julliard p. 149-160 C'est par abus de termes que l'on pense en parallèle réforme et révolution. La première est un but, la seconde n'est qu'un moyen. Il y a un réformisme modéré et un réformisme radical.Thinking in parallel reform and revolution is a misuse of language. The first is a purpose, the second is only a means. There is a moderate reformism and radical one.
Documents
- Un milieu réformiste : Fragments de la correspondance de Georges Renard - Christophe Prochasson p. 161-174 Ex-communard exilé en Suisse, puis directeur de la Revue socialiste, Georges Renard a été à la confluence de tous les réformismes. Présentés par Christophe Prochasson, les fragments de la correspondance avec Benoît Malon et Charles Andler en donnent un aperçu. À eux trois, ils incarnent un milieu politique œuvrant à la mise au jour d'une nouvelle doctrine socialiste, « socialisme intégral » ou « socialisme libéral », qui, pendant un temps, a été à même de faire pièce à l'hégémonie doctrinale du marxisme.Former “communard”, Georges Renard has been exiled in Switzerland. Director of la Revue socialiste, he was at the center of french socialist reformism. Christophe Prochasson chooses and comments fragments of his correspondance with Benoit Malon et Charles Andler. These three men tried to invent a new socialist doctrine (socialisme intégral, socialisme libéral) between collectivism and liberalism against the marxist hegemony.
- Un milieu réformiste : Fragments de la correspondance de Georges Renard - Christophe Prochasson p. 161-174
Lectures
- Lectures - p. 175-184