Contenu du sommaire : Nouvelles du monde

Très tôt dans l'histoire de l'information imprimée, l'international s'impose aux côtés de la vie nationale (structurée autour des grands personnages et par quelques événements spécifiques comme les naissances, les mariages, les entrées) et des « faits divers » (meurtres sanglants, sexualités hors-normes, monstres, phénomènes célestes, catastrophes). La couverture des campagnes d'Italie constitue sans doute le point de départ de l'« information internationale » imprimée en France. Elle s'y pense, donc, dès ses débuts, en regard d'une glorification militaire de la Nation, des grands, du roi. Cependant, c'est avec les troubles civils et religieux de la seconde partie du siècle que l'information internationale prend son essor. Dans un espace religieux, diplomatique et militaire largement européen, on est à l'affût des nouvelles venues des Pays-Bas, d'Espagne, d'Allemagne, d'Angleterre, de Suisse ou d'Italie, comme le prouvent les répertoires tenus par le meilleur témoin de l'époque, Pierre de L'Estoile toujours à la recherche des bruits et des feuilles volantes provenant de l'étranger. Pour des raisons commerciales, ces feuilles sont souvent regrattées comme beaucoup des canards de l'époque. Mais la « manipulation » de l'information internationale ne s'arrête pas là : jouant sur une proximité de la forme et des réseaux de production et de diffusion, les libelles politiques n'hésitent pas à se présenter comme des lettres venues de l'Angleterre, de l'Espagne ou de l'Italie (parfois même de terres nouvelles bien plus éloignées) : l'un de leur ressort, le sentiment national, se nourrit de la fixation de stéréotypes étrangers.

L'année 1648 est fondamentale pour l'histoire européenne. A Münster et Ösnabrück sont réunis des représentants de presque tous les pays du continent (une grande première) pour négocier la paix qui mettra un terme à la guerre de Trente Ans le 24 octobre. On est donc tenté de chercher dans la Gazette de Renaudot un écho de cet événement fondateur. Le gazetier bénéficie pour étayer son information des réseaux de Mazarin, qui soutient son entreprise, et d'informateurs en Allemagne. Il est donc à même de suivre l'évolution des négociations de paix et, ceci, pendant plusieurs années, ce dont il se fait l'écho avec plus ou moins de régularité dans son journal. En fait, la Gazette résonne toujours du bruit des batailles, des victoires françaises de préférence, et les négociations n'y tiennent qu'une portion modeste, ce qui est un témoignage sur le fonctionnement de l'information en ce milieu du XVIIe siècle.

Cet article présente l'analyse d'un système d'information à travers l'exemple de la Gazette des années 1683, 1685 et 1689. 2232 nouvelles en provenance de tout l'espace européen sont constituées en base de données et témoignent de l'adaptation d'un périodique tourné en priorité vers l'actualité internationale. Dans un contexte de fort développement d'un marché européen de l'information, la structure du périodique se resserre sur un noyau restreint de capitales européennes : Vienne puis Londres témoignent de l'importance que la presse attache alors à des événements majeurs de l'histoire européenne comme le siège de Vienne (1683) ou la Glorieuse Révolution qui apporte avec elle un nouveau langage politique (1689). Cartes et graphiques témoignent du profit que l'analyse de la presse peut tirer d'une méthode d'analyse à la fois qualitative et quantitative fondée sur une instrumentation électronique.

Les journaux savants dont le nombre s'accrut constamment en Europe au cours du XVIIIe siècle participèrent à la constitution d'un système d'échange scientifique particulier. L'analyse de ces journaux (forme, édition, diffusion, contenu), l'étude de bibliothèques privées ou publiques, enfin celle de nombreuses correspondances de savants permettent de renouveler la présentation de leur place dans la République des lettres. S'étendant petit à petit au centre de l'Europe, puis gagnant ses périphéries, la production de ces périodiques d'un genre particulier trace dans cet espace des réseaux complexes. S'y articulent des archipels de lieux de production et un feuilletage d'échanges, du local au transnational, qui correspond aussi à différents lectorats visés. Le « curieux », le professionnel, le savant (lettré ou scientifique) s'y retrouvent, les premiers participant aussi à la construction des savoirs, tandis-que les derniers, acteurs majeurs, utilisent divers journaux du « feuilletage » transnational à des fins stratégiques, dont l'analyse pourrait renouveler la vision classique des Lumières européennes.

Dans quelle mesure l'Espagne des Lumières, qui est aussi celle de l'Inquisition et de la double censure (d'Etat en amont, inquisitoriale en aval), réussit-elle à s'ouvrir à l'information internationale ? Nous nous attacherons ici à démontrer comment la presse espagnole ou du moins certains périodiques contribuèrent activement, à la fin du XVIIIe siècle, à la diffusion de ce type d'information. A cette fin, sera analysée la stratégie éditoriale de l'Espíritu de los mejores diarios que se publican en Europa (1787-1791) qui, de par une démarche innovante et audacieuse (du moins en Espagne), s'attira incontestablement les grâces du public, mais fut condamné prématurément au silence en 1791, les autorités craignant alors la contagion des idées de la Révolution française.

Le projet Corpus de l'agence nationale de la recherche sur les archives de l'AFP a ouvert aux chercheurs des archives d'entreprises inédites : celles de la troisième agence de presse mondiale comportant des dossiers réalisés par le service de la documentation sur des pays, des thématiques et des personnalités ainsi que des photos. En tant que chercheuse participant à ce projet, et en complément d'un travail de numérisation documentaire, notre approche teintée des apports des sciences de l'information et de la communication et de la sociologie des médias nous a conduit à travailler sur ces archives en cherchant à comprendre comment les exploiter. Ce travail nous a permis de produire une analyse portant à la fois sur la compréhension des événements au travers de ces sources agencières et sur le décryptage méthodique de ces documents qui traitent moins des événements eux-mêmes que des mutations, transformations et permanences du journalisme d'agence. Une entrée par la notion « d'événement », pertinente aussi bien en Histoire et en Sciences de l'information et de la communication montre dans quelle mesure les archives de l'AFP sont un riche matériau historiographique, témoin de l'histoire et des évolutions de l'agence elle-même.

L'examen de l'arrivée de l'homme sur la lune, événement vécu à l'échelle internationale en juillet 1969, est traité ici à travers la couverture de ses anniversaires à 10, 15, 20 et 40 ans. Il s'appuie sur un échantillon composé d'archives textuelles de l'Agence France-Presse (AFP), autant d'éléments permettant d'appréhender les dispositifs de mobilisation écrite autour de cet événement. Les angles, différents lors des anniversaires successifs, sont observés pour interroger les pratiques journalistiques en matière de commémoration. L'analyse et la réflexion proposées visent à mieux cerner à la fois les choix rédactionnels de l'AFP et la manière dont évoluent dans le temps les tonalités des discours sur un événement.

Les archives des principales agences internationales de presse - Thomson-Reuters (situées principalement à Londres), Associated Press (à New York), et les agences françaises : Havas, OFI, AFP (à Paris) - sont en train d'être re-cataloguées et numérisées (pour partie). Les principales agences datent du milieu du 19e siècle. Ici, nous centrons sur les archives qui portent sur l'histoire des sociétés ou des organisations qui les impulsaient, plutôt que sur les nouvelles ou informations qu'elles produisaient. Cette analyse pointe des traits communs, mais aussi des marqueurs distinctifs qui les caractérisaient. On les tient, peut-être abusivement, pour les premiers des acteurs médias multinationaux.

Longtemps au XIXe siècle, les nouvelles provenant de l'Amérique du sud étaient fournies principalement par les grandes agences de presse, la française, Havas, en premier. Avec la guerre hispano-américaine, l'agence basée à New York, l'Associated Press, devenait également un acteur majeur. Comment le dispositif de couverture se mettait-il en place ? Quelles nouvelles de cette région du monde transmettait-on ? Aux questions apparemment simples, réponses plutôt complexes.

Comment le grand reportage, apparu en France à la veille de la loi de 1881 a-t-il pesé sur la place tenue dans l'opinion et la vie politique françaises par les affaires internationales jusqu'en 1939 ? Installé dans les grandes quotidiens à 5 centimes, il a fait entrer la politique internationale dans les préoccupations des classes populaires en les intéressant aux conquêtes coloniales puis surtout à la construction de l'alliance franco-russe. Après 1918, il porte la question des rapports entre la France et la Russie bolchevik et celle de la place du communisme en France au cœur des débats et des conflits de la société française. Avec la montée en Europe des régimes de dictateurs, le grand reportage a plus que jamais de fortes résonances dans la vie politique intérieure jusqu'à l'époque du Front populaire et de la guerre d'Espagne.

Entre 1994 et 2008, rares sont les conflits africains transformés en événements médiatiques majeurs par les rédactions françaises. Seule une petite minorité de conflits comme les événements rwandais de 1994, la première guerre du Congo (1996-1997), la guerre civile au Darfour (en 2004 puis en 2006-2007) ou encore le conflit ivoirien (en 2002-2003 puis en novembre 2004) attire durablement l'attention des médias français. L'intensification de la couverture de ces quelques conflits résulte d'un ensemble de facteurs complexes appartenant à la fois au fonctionnement interne des médias mais aussi aux interrelations qui existent entre ces derniers et d'autres acteurs. Il faut relativiser le poids de la loi médiatique du coefficient morts/kilomètre. En fait, l'accès aisé aux images, la possibilité d'offrir un regard national sur l'événement ou l'existence d'acteurs susceptibles d'imposer un cadrage interprétatif favorable à la couverture sont déterminants. La transformation de ces faits en événements médiatiques dépend dès lors moins de leurs caractéristiques propres que des cadrages interprétatifs construits par certains acteurs influents comme les humanitaires, les belligérants ou les autorités françaises.

L'effectif des photographes chinois inscrits au concours du World Press Photo (WPP) pourrait bientôt dépasser celui des Etats-Unis. La WPP date de 1955 et l'organisation qui en a la charge maintenant, de 1960. Comme le montre un questionnaire adressé à des centaines de photographes et des entretiens individuels avec une vingtaine d'entre eux, cette « fièvre du WPP » provient à la fois des raisons communes aux photographes du monde entier et d'autres spécifiques à la Chine. Dans la première catégorie se range le souci de promouvoir la carrière professionnelle ; la deuxième reflète une volonté de s'affranchir de certaines règles de la censure.