Contenu du sommaire : Faut-il une sociologie du risque ?

Revue Cahiers internationaux de sociologie Mir@bel
Numéro vol. 114, janvier-juin 2003
Titre du numéro Faut-il une sociologie du risque ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • La modernité du risque - Alain Bourdin p. 5-26 accès libre avec résumé
    Fortement marquée par les grandes peurs contemporaines, la sociologie du risque s'est développée à partir des interrogations provoquées par les catastrophes industrielles, les problèmes environnementaux, de grandes questions de santé publique, la sécurité des personnes, ou les comportements « à risque ». Elle s'est constituée un cadre d'interrogation qui porte sur la construction du risque et les comportements qui lui sont liés. À travers des concepts comme celui de confiance, elle débouche sur des interrogations sociologiques majeures, concernant l'expérience individuelle et le rôle de la connaissance. Ces interrogations sont organisées par la théorie de la modernité réflexive qui fait du risque une catégorie centrale. Cette théorie dynamise la sociologie, mais ses fragilités empêchent qu'elle structure fortement la thématique du risque et qu'elle la lie clairement à celle de l'action rationnelle.
  • La société du risque globalisé revue sous l'angle de la menace terroriste - Ulrich Beck p. 27-33 accès libre avec résumé
    Les thèses développées par l'auteur dans La société du risque (1986) s'appliquent au monde d'après le 11 Septembre. La « société du risque globalisé » développe des risques calculables dus à des « hasards », par exemple les accidents nucléaires ou l'ESB, que les assurances peuvent prendre en compte. Mais les risques terroristes et tous ceux qui sont dus à un acteur qui n'accepte pas les règles du jeu échappent à tout calcul de probabilité. Ils ne peuvent être combattus que par des mesures qui mettent en question les fondements de l'ordre démocratique lui-même.
  • Deux conceptions divergentes de l'expertise dans l'école de la modernité réflexive - Florence Rudolf p. 35-54 accès libre avec résumé
    Un des effets de la radicalisation de la modernité tient à la montée de l'incertitude qui déstabilise les institutions les plus solides de notre culture, dont notamment la science, et à la généralisation de la sémantique du risque qui affecte les processus de prise de décision. Parmi les centres de recherche en sciences sociales spécialisés sur les risques en Europe, deux grands établissements ont retenu plus particulièrement notre attention en raison de leur polarité. Nous établirons des comparaisons entre deux projets menés par Wolfgang Van den Daele, Wissenschaftszentrum (WZB), Berlin, et Robin Grove-White et Brian Wynne, Centre for the Study of Environmental Change (CSEC), Lancaster. L'expérience menée par le WZB autour de l'évaluation des risques associés à la diffusion des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'agriculture et l'alimentation a conduit l'équipe à défendre une procédure strictement technique favorable à la normalisation des biotechnologies. Pour les chercheurs du CSEC, au contraire, l'élargissement des évaluations des innovations technologiques à des considérations éthiques, économiques, politiques et sociales s'impose. Le différend atteste de l'immersion des sciences et de leurs controverses dans des visions du monde et des Weltanschauungen : il compromet l'éventualité d'une entente entre les protagonistes du conflit.
  • La fabrique des risques - Claude Gilbert p. 55-72 accès libre avec résumé
    La désignation de risques comme problèmes publics ainsi que la sélection et la hiérarchisation de ces risques s'expliquent souvent de trois grandes façons : soit comme le résultat d'arbitrages opérés par les autorités publiques ; soit comme le résultat de confrontations entre « société civile » et autorités publiques ; soit encore comme le résultat de la manière dont de multiples acteurs définissent et construisent les problèmes. Une des questions qui se posent est celle du statut de ces explications mobilisées par des acteurs et des chercheurs. Correspondent-elles à des modes d'analyses (savants et profanes) ou bien sont-elles avant tout des discours intégrant les contraintes rhétoriques propres à tout problème public faisant l'objet de nombreuses appropriations, comme c'est le cas aujourd'hui avec les risques collectifs ?
  • Confiance et rationalité de la méconnaissance des risques dans la (co)propriété - Marie-Pierre Lefeuvre p. 73-92 accès libre avec résumé
    Que se passe-t-il lorsqu'un risque menace une activité sociale encadrée par une institution réputée protectrice ? La question est ici posée au sujet d'activités relatives à la propriété immobilière : l'achat et la propriété d'un logement ; la gestion de copropriété. Face aux risques que représente aujourd'hui l'acquisition d'un logement, les acteurs du marché adoptent des comportements préventifs qui consistent surtout à ne pas porter atteinte aux valeurs attachées à la propriété. Quant aux spécialistes de la copropriété, ils entretiennent la confiance dans des règles juridiques qui excluent la notion de risque, en se référant à une représentation fixiste de la propriété. Dans les deux cas, les comportements qui concourent à la méconnaissance des risques sont rationnels : ils visent à entretenir la confiance nécessaire aux activités sociales considérées.
  • La force des dispositifs faibles : la politique de réduction des risques en matière de drogues - Jean-Yves Trépos p. 93-108 accès libre avec résumé
    La conversion de la France à une politique de « réduction des risques » (correspondant à ce qu'ailleurs on appelle « harm reduction policies »), est généralement interprétée comme l'indice d'un changement de paradigme en matière de toxicomanie. Il est néanmoins possible de la voir comme une forme de réagencement politique du monde des consommations de drogues, visant à définir de nouveaux seuils, les plus bas possibles, pour l'entrée dans des dispositifs de soin et de service. L'examen des visions du monde sur lesquelles reposent ces équipements politiques, en France comme dans le reste de l'Union européenne, montre d'ailleurs que la vision du monde autonomiste y compose avec d'autres, compensatoires et additives, plus anciennement implantées. C'est sans doute pourquoi on retrouve, à divers niveaux, un véritable décalage entre les mesures volontaristes liées à ces politiques publiques et les contextes dans lesquels elles sont mises en œuvre : qu'il s'agisse des promoteurs, professionnels ou amateurs, ou qu'il s'agisse des destinataires, tout le monde semble s'accommoder d'un fonctionnement minimal de ces dispositifs, vérifiant ainsi une fois de plus la force des liens faibles.
  • L'insécurité et son traitement politique en Belgique - Christine Schaut p. 109-124 accès libre avec résumé
    En Belgique, comme dans d'autres pays, l'insécurité s'impose dans les débats publics depuis le début des années 1990. Mais que recouvre cette notion ? Que nous dit-elle des risques sociaux et physiques vécus par les habitants des quartiers populaires ? Comment est-elle construite politiquement ? L'analyse de la mise en œuvre concrète des nouveaux dispositifs sociopénaux nous permet d'étudier comment, en se centrant sur la petite délinquance urbaine, ils réduisent la complexité de la question de l'insécurité, participent d'une approche gestionnaire des risques et produisent des effets sociaux ambigus. L'instauration de ces nouveaux dispositifs et leur approche des risques liés à l'insécurité révèle l'importation, dans l'action publique, de principes de management jusqu'alors propres à l'entreprise.
  • Interprétation et quantification des prises de risque délibérées - Patrick Peretti-Watel p. 125-141 accès libre avec résumé
    Les sociétés contemporaines entretiennent un rapport ambivalent au risque : elles sont promptes à s'alarmer pour des risques collectifs, tout en valorisant les prises de risque individuelles. Cet article s'attache à resituer les interprétations sociologiques de ces prises de risque délibérées, en particulier celles de Lyng et Le Breton, dans le cadre de la société du risque décrite par Beck et Giddens. Les prises de risque apparaissent alors comme la réaction à un environnement devenu très incertain et anxiogène. Ce cadre interprétatif invite aussi à nuancer l'opposition entre prises de risque adultes et adolescentes. Si les premières se concrétisent plus souvent dans la pratique d'un sport extrême, tandis que les secondes s'avèrent plus transgressives, il est possible que ce contraste traduise surtout des moyens matériels différenciés. Les données quantitatives du Baromètre Santé 2000 permettent enfin de tester empiriquement quelques hypothèses relatives à ces interprétations.
  • Théorie de la décision et risques routiers - Claudine Pérez-Diaz p. 143-160 accès libre avec résumé
    La théorie de la décision a inspiré des modèles du risque qui formalisent des choix de comportement dont la diversité tient à des facteurs individuels, sociaux et environnementaux. Comme le droit routier cherche à modifier les comportements, ces modèles ont inspiré des politiques publiques et des réformes juridiques ou judiciaires. Leurs effets sont limités par la diversité des déterminants des comportements et l'éclatement des groupes qui prennent des risques. Ces modèles n'en restent pas moins un guide pertinent pour l'action générale de l'État, surtout si des actions spéciales la complètent. Celles-ci pourraient porter sur des cibles spécifiques avec des démarches appropriées, appuyées par l'éducation et la prévention.
  • Guerre et sociologie du risque - Rémi Baudouï p. 161-174 accès libre avec résumé
    La sociologie du risque apparaît être un domaine scientifique pertinent pour conduire l'étude des guerres et l'analyse des conditions de l'action d'urgence en situation extrême. Même si la guerre a longtemps relevé d'un épiphénomène pour la sociologie, les évolutions récentes des conflits armés renvoient précisément à la production d'effets induits tels que la définit la sociologie du risque dans le champ environnementaliste. La guerre ne peut désormais plus être analysée comme la seule relation entre des objectifs recherchés et des résultats acquis. Elle est plus que jamais un rapport entre des objectifs et une somme d'effets induits. Les conditions de « sortie » de guerre relèvent de modalités spécifiques de gestion de crise qui doivent intégrer les enjeux de gestion des incidences du conflit au plan social, humain et technologique.
  • L'expertise scientifique à destination politique - Céline Granjou p. 175-183 accès libre
  • Comptes rendus - p. 185-196 accès libre
  • Faut-il une sociologie du risque ?

    - Numéro coordonné par Alain Bourdin
  • Note de recherche