Contenu du sommaire : Révolutions, contestations, indignations

Revue Socio Mir@bel
Numéro n° 2, novembre 2013
Titre du numéro Révolutions, contestations, indignations
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • EDITORIAL

    - Michel Wievioka p. 5 accès libre
  • LE DOSSIER

    • Révolutions, contestations, indignations - Pénélope Larzillière, Boris Petric et Michel Wieviorka p. 7 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Révolutions de couleur dans l'espace postsoviétique, révolutions arabes, mouvements des indignés, la diversité géographique et politique de ces mouvements, et leurs destins différents, ne doit pas masquer ce qu'ils ont en commun : leurs acteurs en appellent à une autre manière de fabriquer le et la politique, avec l'invention de formes d'action qui mettent en cause hiérarchies et appareils et ne se fondent pas sur une idéologie alternative claire. Il ne s'agit pas seulement d'opposer la démocratie à l'autoritarisme, mais de réinventer la démocratie. En ce sens, on peut considérer que ces mouvements relèvent d'une même rupture historique et s'inscrivent dans un nouveau paradigme.
      The geographical and political diversity of the colour-coded revolutions in the post-Soviet sphere, the Arab revolutions or the "Indignados" (the indignant ones) movement and their different destinies should not conceal what they all share: the actors call for another way of producing politics and policies with the invention of forms of action which challenge hierarchies and structures and are not based on a clear alternative ideology. It is not only a question of confronting democracy and authoritarianism, but of re-inventing democracy. In this sense, it can be considered that these movements all belong to the same historical rupture and are set in a new paradigm.
    • Le printemps arabe et le mythe de la nécessaire sécularisation - Olivier Roy p. 25 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Contrairement aux espaces qui ont connu des révolutions démocratiques dans les trente dernières années, dans le monde arabe, le champ politique est marqué par la prégnance du religieux ; les principaux partis d'opposition aux régimes autoritaires sont des partis islamistes. Le paradoxe du printemps arabe est qu'un mouvement démocratique s'est produit après une trentaine d'années d'islamisation de la société et a, dans un premier temps, porté au pouvoir des partis islamistes. Comment penser ensemble islamisation et démocratisation ? En fait, l'islamisation s'est traduite par une diversification du champ religieux, en parallèle à la diversification du champ politique. Les Frères musulmans croyaient avoir le monopole du religieux dans le champ politique, ce qui les a fait peu à peu apparaître comme sectaires et a érodé leur base électorale. De nouveaux acteurs religieux, comme les salafistes, sont entrés dans le champ politique en acceptant les mécanismes de la démocratie (élections et constitution), ce qui les a amenés à accepter de fait l'autonomie du politique. La sécularisation politique, au sens où le politique et le religieux s'autonomisent l'un par rapport à l'autre, est donc possible en dehors de toute sécularisation sociétale ou culturelle. La sécularisation ne dépend pas d'une réforme religieuse.
      Contrary to the areas which have experienced democratic revolutions in the past thirty years, in the Arab world the political sphere is characterized by the strength of the religious; the main parties in opposition to the authoritarian regimes are Islamist parties. The paradox of the Arab Spring is that a democratic movement has been produced after some thirty years of Islamization of these societies and has, in the first stage, brought to power Islamist parties. How can we think of Islamization and democratization together? In fact, Islamization takes the form of a diversification of the religious sphere, parallel to the diversification of the political sphere. The Muslim Brotherhood thought they had a monopoly of the religious in the political sphere, which made them gradually appear to be sectarian and has eroded their electoral base. New religious actors, like the Salafists, have come onto the political stage accepting the system of representative democracy (elections and constitutions) which has led them, in fact, to accept the autonomy of the political sphere. Political secularization, in the sense that the political and religious spheres have become autonomous in relation to each other, is therefore possible quite apart from any societal of cultural secularization. Secularization does not depend on a religious reform.
    • De la révolution à la mondialisation : Changement de paradigme en Amérique latine - Yvon Le Bot p. 39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De grandes mobilisations récentes (2011, avant et après) à travers le monde illustrent de manière éclatante un changement profond dans les formes et les contenus des actions collectives : le passage d'acteurs « classiques » (États, nations, partis, syndicats, luttes armées et autres mouvements dirigés et encadrés par des hommes) à des acteurs plus horizontaux et moins structurés, qui recourent massivement aux réseaux sociaux, qui combinent l'occupation de territoires et de lieux symboliques avec la création d'espaces virtuels et globaux, dans lesquels les femmes jouent un rôle essentiel et qui font une large place à l'éthique. Les analyses proposées de l'Amérique latine – notamment celles des nouveaux régimes nationaux-populaires parfois qualifiés de « révolutions du XXIe siècle » – l'enferment souvent encore dans la première de ces figures. Pourtant, durant les dernières décennies, la région a vu refluer les luttes armées et les ruptures révolutionnaires, les dictatures et les États autoritaires, en même temps qu'elle se projetait dans des flux globalisés. L'Amérique latine a souvent été pionnière dans l'émergence des mouvements en réseaux de l'ère de l'information et de la communication : le zapatisme et les autres mouvements indiens, Porto Alegre et le mouvement alterglobal, les mobilisations massives de migrants latinos aux États-Unis (2006). Les récentes manifestations au Brésil, qui font écho à celles qui ont eu lieu en Turquie, en Espagne, aux États-Unis et ailleurs, confirment ce changement de paradigme en Amérique latine.
      The large-scale recent mobilizations throughout the world (2011 and after) are a striking illustration of a profound change in the forms and content of collective actions. There is a move from the ‘classical' actors (States, nations, parties, trade unions, armed struggles and other movements directed and controlled by men) to more horizontal and less structured actors who resort to social networks on a large scale, combining the occupation of territories and symbolic locations with the creation of virtual and global spaces, in which women play a large role and which have a strong ethical component. The analyses offered of Latin America – in particular those of the new national-popular regimes sometimes described as ‘21st century revolutions' – still frequently tend to be restricted to the first of these figures. However, over the past decades the region has witnessed a decline in armed struggles and revolutionary ruptures, dictatorships and authoritarian States while, at the same time, it has been projecting itself into the globalized flows. Latin America has often pioneered the emergence of networks in the age of information and communication: the Zapatista and other Indian movements, Porto Alegre and the alterglobal movement and the large-scale mobilizations of Latino migrants in the United States (2006). The recent demonstrations in Brazil which resonate which those which took place in Turkey, Spain, the United States and elsewhere all confirm this change of paradigm in Latin America.
    • La résonance des "mouvements des places" : Connexions, émotions, valeurs - Geoffroy Pleyers et Marlies Glasius p. 59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 2011, des mobilisations citoyennes massives se développent dans des contextes très différents et autour de revendications essentiellement nationales. Pourtant, certains aspects des révolutions arabes, du mouvement des indignés et d'Occupy ou des manifestations pour plus de démocratie au Mexique ou en Russie partagent certains points communs qui les font résonner les uns avec les autres. Cet article se propose de les explorer en passant en revue les réseaux et connexions, un contexte global, des émotions et des valeurs partagées. La seconde partie du texte montre que cette résonnance repose sur l'articulation de trois valeurs qui sont au cœur des revendications et de l'identité de chacun de ces mouvements: la démocratie, la dignité et la justice sociale. Ces éléments suggèrent la nécessité de dépasser le cadre analytique des nouveaux mouvements sociaux, notamment en raison de l'articulation étroite de considérations culturelles et socio-économiques dans chacun de ces mouvements mais aussi de s'interroger sur les limites ontologiques du rapport au monde et au politique de ces mouvements et qui deviennent saillants lorsque les enjeux qu'ils ont soulevés dans la société se placent dans l'arène de la politique institutionnelle.
      Since 2011, wide-scale mobilization of citizens has developed in very different contexts and around basically national demands. Nevertheless, certain aspects of the Arab revolutions, the ‘Indignados' movement and Occupy or the demonstrations for more democracy in Mexico or in Russia share certain points in common which means that they resonate with one another. This article aims to explore these by reviewing the networks and connections, a global context, and the shared emotions and values. The second part of the text shows tht this resonance is based on the articulation of three values which are at the core of the demands and the identity of each of these movements: democracy, dignity and social justice. These elements suggest the need to go beyond the analytical framework of the new social movements, in particular because of the close relation between cultural and socio-economic considerations in each of these movements. But there is also the need to question the ontological limits of the relationship to the world and to the political sphere of these movements; these become salient when the issues which they have raised in society are located in the arena of institutional politics.
    • Contested Meanings in the Egyptian Revolution - Sarah Anne Rennick p. 81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La révolution égyptienne s'est caractérisée par l'absence de toute idéologie sectaire ou politique. Deux ans plus tard, cependant, la scène post-révolutionnaire semble très différente : le pays est profondément polarisé et la vision politique de ce que l'Égypte devrait devenir est vivement contestée. On évoque le soi-disant détournement de la révolution par les islamistes, mais cela implique que la révolution ait un sens défini dont les paramètres sont reconnus. Je me prononce contre cette idée. En utilisant le concept de mobilisation multi-sectorielle de Dobry (1983), l'article décortique le mythe d'un mouvement de masse unifié et plaide plutôt en faveur de la « mobilisation dispersée ». Les différences d'interprétation des slogans de la révolution sont exposées, révélant la contestation idéationnelle des demandes et des objectifs et la façon dont ceux-ci sont convertis en batailles politiques spécifiques. En ce sens, la révolution ne doit pas être conçue comme seulement les dix-huit jours de protestation anti-Moubarak, mais plutôt comme un processus continu et toujours en cours.
      The Egyptian revolution was carried out under a banner notable for its distinct lack of divisive sectarian or political ideology. Yet, two years later, the post-revolutionary scene looks strikingly different: the country is profoundly polarized and the political vision of what Egypt should become is hotly contested. A common narrative is the so-called hijacking of the revolution by Islamists; however, this implies that the revolution has one defined meaning whose parameters are recognized by all. I argue against this. Using Dobry's (1983) concept of multisectorial mobilization, the article dissects the myth of a unified mass movement and argues instead in favor of “dispersed mobilization”. The differences in interpretation of the revolution's slogans are set out, revealing the ideational contestation in demands and goals and how these are translated into specific political battles. In this sense, the revolution should not be conceived as merely the 18 days of anti-Mubarak protest but rather a continuous process still underway.
    • Cycle révolutionnaire et histoire globale - Matthias Middell p. 99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après quelques années au cours desquelles a dominé le doute sur une éventuelle fin de l'ère des révolutions, la révolution est de retour, à la fois en tant que processus sociétal et problème pour les sciences sociales et historiques. L'article pose la question des continuités entre les révolutions qui ont secoué ces vingt à trente dernières années l'Europe centrale, l'Europe de l'Est et le monde arabe; mais il s'interroge parallèlement sur les possibilités d'apporter dans le cadre de « l'histoire globale » une nouvelle interprétation à la simultanéité factuelle de plusieurs révolutions dans différents lieu.
      After a few years dominated by doubt as to the possible end of the age of revolutions, the revolution is back once again, both as a societal process and as a problem for history and the social sciences. The article poses the question of the continuity between the revolutions which, over the past twenty or thirty years, have shaken Central and Eastern Europe and the Arab world; but it questions, in parallel, the possibilities of providing in the context of ‘global history' a new interpretation of the factual simultaneity of several revolutions in different places.
    • Incertitude du temps révolutionnaire - Sophie Wahnich p. 119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'incertitude du temps révolutionnaire que nous analysons ici concerne aussi bien les historiens ou spécialistes de sciences sociales qui observent les événements passés et présents que le vécu des acteurs. Ces deux dimensions du temps, temps observé et catégorisé et temps vécu, sont appréhendées dans une approche résolument comparative entre notre présent de « Révolutions, contestations, indignations » et la période de la Révolution française. L'objectif est de comprendre ce qui est de fait aujourd'hui récusé quand le mot « révolution » est déclaré inadéquat à la compréhension de notre présent. En revisitant la période de la Révolution française, l'article montre que c'est souvent la méconnaissance de cet événement qui a pourtant donné sa réserve empirique au concept de révolution des temps modernes, qui conduit à cette mise en doute. Il s'agit donc de montrer les analogies entre divers moments révolutionnaires ou nommés tels par les acteurs, pour tenter de saisir en quoi ce concept de révolution des temps modernes reste adéquat à l'analyse de notre temps, mais aussi de montrer ses limites et la nécessité de feuilleter à nouveau la sémantique historique du mot « révolution ». À ce titre, en historienne de cette sémantique, il nous paraît peu pertinent de récuser les mots des acteurs, même si nos représentations de la révolution sont parfois éloignées de ce que nous observons. Cependant, s'il faut prendre la mesure du neuf et du singulier, il nous paraît tout aussi important de tenter de mettre au jour un nomos du temps révolutionnaire. Non pas pour affirmer que toute révolution est avènement d'un temps glorieux reconnaissable à ce titre, mais pour montrer que l'ouverture du temps révolutionnaire s'opère dans un double mouvement. Celui que l'on pourrait nommer la grâce du précipité révolutionnaire où le temps se condense et s'emballe dans des moments de crises qui effacent les barrières sectorielles, les barrières de classe, de genre et d'âge, mais surtout donnent le sentiment d'un dépassement inouï du champ d'expérience comme de l'horizon d'attente. Celui de l'utopie des lignes brisées où le temps devient plus chaotique et où la conflictualité reprend ses droits. Le temps du précipité est alors aussi bien ce qui arrive, que ce qui bien sûr arrive par les acteurs mais à leur insu. Ce temps du précipité est avènement irréversible non dans ses effets empiriques et sociaux mais dans ses effets subjectifs. De tels événements marquent un avant et un après et le désir partagé par les parties prenantes de l'événement révolutionnaire de porter le projet ouvert par cet événement de façon à ce que la césure événementielle ne soit pas escamotée par le devenir. La peur d'une réversibilité et l'espérance d'une conquête sont alors les modalités subjectives émotives qui accompagnent cette temporalité. À ce titre, le temps révolutionnaire appelle le courage. Ce courage doit se déployer d'une manière plus lucide dans la séquence d'utopie des lignes brisées car alors que la grâce est vécue d'une manière synchrone, désormais règne un sentiment de chaos lié à une grande désynchronisation sociale. Le double risque révolutionnaire est alors le découragement lié à la déception, mais aussi la guerre civile liée à cette conflictualité désynchronisée. La question des effets de sillage des révolutions pose la question importante d'une synchronie possible entre des sociétés qui n'ont pas la même histoire, celles du Nord face à ces sociétés des printemps arabes. Nous proposons ici de prendre la mesure de cet écart mais aussi du commun, une requête de dignité, de reconquête d'humanité, de reconquête démocratique. À ce titre, il s'agit de redonner forme à la possibilité de penser non seulement « global », puisque la déshumanisation peut apparaître aujourd'hui telle à nombre d'acteurs, mais sans doute aussi « universel ». S'il n'y a pas synchronie des lieux de révolution et d'indignation, chaque lieu singulier semble bien receler une revendication de ré-humanisation qui, sans certitude, pourrait bien être révolutionnaire.
      The uncertainty in revolutionary time which we analyze here concerns not only the historians or social science specialists who observe past and present events but also the experience of the actors. These two dimensions of time, time observed and recorded and time experienced are addressed in an approach which compares our present day ‘revolutions, challenges and ‘indignados' with the period of the French revolution. The aim is to understand what is in fact being objected to today when the term ‘revolution' is declared inadequate for an understanding of our present. By going back to the time of the French Revolution, the article demonstrates that it is often our lack of understanding of this event which is the origin of our reserve concerning the concept of revolution in the modern era. It is therefore a question of showing the analogies between various revolutionary periods, or referred to as such by the actors, in an effort to grasp how this concept of revolution in modern times remains relevant to the analysis of our own times. We also wish to show its limits and the need to take another look at the history of the semantic of the word ‘revolution'. Hence, as a historian of this semantics, it seems to us of little interest to refute the words of the actors, even if our representations of the revolution are sometimes remote from what we see. However, while we must assess the new and the unusual, it seems to us to be equally important to endeavor to update a nomos of revolutionary time. This is not to assert that any revolution is the coming of a glorious time recognizable under this title, but to show that the beginning of revolutionary time takes place in two phases. The phase which could be called the gift of the revolution, a precipitate in which time is condensed and races out of control in times of crises which erase sectorial barriers of class, age and gender but above all, give the impression of exceeding in an unprecedented manner both the field of experience and the horizon of expectations. This is the utopia of blurred lines where time becomes more chaotic and where conflictuality reigns supreme. The point at which the revolution precipitates is then both what happens, as well as what happens through the actors but unknown to them. This moment of the precipitate is irreversible – not in its empirical and social effects but in its subjective effects. Events of this type are watersheds; they mark a before and after and the desire shared by the parties involved in the revolutionary event to advance the project thus launched to ensure that the opportunity not be lost. The fear of reversibility and the desire for victory are then the subjective, emotive modes which accompany this phase. Thus the revolutionary moment calls for courage. This courage must be deployed in a more lucid manner in the phase of the utopia of blurred lines for, while the moment of grace is experienced as synchronous, there is now a feeling of chaos associated with the massive social de-synchronization. The two-fold risk with revolutions is then discouragement linked with disappointment, but also civil war associated with this desynchronized conflictuality. The question of what happens in the wake of revolutions raises the important question of a possibility of harmony between societies which do not have the same history, those in the North are confronted with those of the Arab Spring. We intend here to assess this distance, but also what is shared: a demand for dignity, rediscovery of humanity, a recovery of democracy. In this respect it is a question of restoring the possibility of thinking not only ‘globally', since today dehumanization may appear to be global to many actors, but also undoubtedly ‘universally'. While the locations of revolution and indignation may not be synchronous, each individual place does seem to harbor a demand for re-humanization which, while nothing is less certain, could well be revolutionary.
    • LE DEBAT
    • L'ENTRETIEN
    • CHANTIERS
      • Hugo Chavez : de l'aura du progressisme à la dérive autoritaire - Paula Vasquez Lezama p. 205 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Le président Hugo Chávez a gouverné le Venezuela de 1998 à 2013 et a conçu et mis en œuvre une « révolution » pour transformer la société. Cet article dresse un portrait succinct tant du système politique que de son leader en montrant ses acquis, ses ambiguïtés et ses contradictions. La toile de fond de ce bilan sommaire est une profonde crise sociale et institutionnelle qui affecte ce pays totalement dépendant de la manne pétrolière.
        President Hugo Chavez governed Venezuela from 1998 to 2013 and conceived of and implemented a ‘revolution' to transform society. This article gives a brief description both of the system and of its leader, showing its achievements, its ambiguities and its contradictions. The background to this summary assessment is a profound social and constitutional crisis which affects this country, totally dependent on its oil wealth.
      • Soulèvements contemporains et mobilisations visuelles - Alain Bertho p. 217 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Entre la crise de la représentation et la confrontation au pouvoir du spectacle, les mobilisations contemporaines tracent un nouveau chemin, un nouveau langage de la révolte et du rassemblement : celui de l'image partagée sur Internet. La communauté subjective qui s'y manifeste est temporaire et sans appartenance, à la fois singulière et anonyme. Tout comme les actes émeutiers, ces images constituent un langage à déchiffrer. Ce nouveau répertoire visuel, véritable contre-spectacle conduit le chercheur à renouveler ses terrains et son épistémologie.
        Between crisis in political representation and confrontation with the power of a theatrical show, present-day mobilizations are opening up a new path, a new language of revolt and rally: that of the image shared on Internet. The subjective community which appears there is temporary and has no sense of belonging, both individual and anonymous. Like the actions of the rioters, these images are a language to be decoded. This new visual repertory, true counter-spectacle, leads researchers to renew their fields of research and their epistemology.
  • L'ETAT DE LA QUESTION : COMPTER LES HUMAINS

    • Le recensement : miroir ou prescripteur ? : La force performative des catégorisations ethniques dans la vague de recensements des années 2010 - Elena Filippova et france Guérin-Pace p. 229 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le recensement de population constitue le principal fournisseur de données sur la composition de la population d'un pays. Il est censé répondre à deux questions fondamentales : « Combien sommes-nous ? » et « Qui sommes-nous ? ». Cet article s'intéresse à la manière dont le recensement dresse le portrait d'une nation par le recueil d'informations sur les « origines » ou les « appartenances » ethniques ou raciales des populations, dans la vague des recensements des années 2010. Il fait un examen critique des catégorisations établies à cet effet dans différents pays du monde et met au jour une profonde contradiction entre une volonté de disposer de données statistiques fiables sur la composition des populations et une vision de plus en plus subjectiviste des appartenances qui privilégie une auto-identification des individus. Les auteurs analysent les enjeux des statistiques « ethniques » autour de trois directions principales : décrire et mesurer la diversité de la population d'un pays, renforcer l'égalité des chances et lutter contre les discriminations, adapter une offre commerciale aux besoins spécifiques de communautés. Elles mettent en garde contre les effets performatifs des catégorisations ethniques et raciales qui contribuent au maintien des clivages sociaux existants et font émerger de nouvelles lignes d'exclusion au sein des nations.
      The population census constitutes the main provider of data on the composition of the population of a country. It is supposed to answer two fundamental questions: ‘How many are we?' and ‘Who are we?' This article focuses on the way in which the census paints a picture of a nation by collecting data on the ethnic or racial ‘origins' or ‘belonging' of populations, in the 2010 censuses. It makes a critical examination of the categorizations established to this end in different countries in the world and reveals a profound contradiction between a desire to obtain reliable statistical data on the composition of the populations and an increasingly subjectivist vision of belonging which prioritizes the self-identification of individuals. The authors analyse the issues raised by ethnic statistics in three key areas: describing and measuring the diversity of the population of a country, reinforcing equality of opportunity and anti-discrimination measures, adapting commercial offers to the specific needs of communities. They warn against the performative effects of ethnic and racial categorizations which contribute to the maintenance of existing social divisions and lead to new lines of exclusion within nations.
    • Les trois démographies - Hervé Le Bras p. 273 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les historiens de la démographie repèrent trois dates cruciales pour la fondation de la discipline, la parution des Natural and political Observations en 1661, l'article d'Alfred Lotka en 1907 fondant la théorie des populations stables et la réunion de Genève, au Bureau international du travail (BIT), en 1927, au cours de laquelle l'Union internationale pour l'étude scientifique des problèmes de population est fondée. Nous montrons que chacune de ces trois dates marque l'apparition d'une composante particulière de la démographie : statistique en 1661, mathématique en 1907 et politique en 1927. Par une alchimie particulière où le néomalthusianisme (contrôle des naissances) et l'eugénisme jouent un rôle important, la démographie se constitue à la fois scientifiquement, sociologiquement et paradigmatiquement en 1927. L'une des principales conséquences en est l'apparition et la généralisation de la méthode de projection démographique, appelée « par composantes », encore presque universellement en vigueur aujourd'hui. Après plus d'un siècle de cette démographie, chacune des trois sources de la démographie a évolué si bien que leur synthèse, donc la discipline qu'elles ont construite, est menacée de revenir à ses origines dispersées.
      The historians of demography identify three crucial dates for the founding of their discipline: the publication of Natural and political Observations in 1661, Alfred Lotka's article, in 1907, founding the theory of stable populations and the meeting in Geneva at the International Labour Office (ILO) in 1927 when the IUSSP – International Union for the Scientific Study of Population was founded. We show that each of these dates marks the appearance of a specific component of demography: statistics in 1661, mathematics in 1907 and politics in 1927. A particular alchemy in which neo-Malthusianism (birth control) and eugenics played an important role, demography was developed both scientifically, sociologically and paradigmatically in 1927. One of the main consequences was the emergence and generalization of the method of demographic projection, known as the ‘cohort component method', still almost universally in use today. After more than a century of this demography, each of the three sources of demography have evolved with the result that the synthesis of these disparate origins, and therefore the discipline which they have constructed, may have to be re-examined.
  • VARIA

    • La pensée politique au Japon. Pourquoi l'histoire du Japon de la période Tokugawa et du début de l'ère Meiji est-elle si intéressante ? - Hiroshi Watanabe p. 291 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Cet article, issu d'une conférence donnée au Foreign Correspondents Club of Japan en mars 2013,  revient sur l'histoire intellectuelle du Japon de la période Tokugawa et du début de l'ère Meiji ».
      This article, the text of a lecture given to the Foreign Correspondents' Club of Japan in March 2013, looks back at the intellectual history of Japan in the Tokugawa Period and at the beginning of the Meiji Era.
    • Qu'est-ce que la précarité ? - Régis Pierret p. 307 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La présente contribution se propose de clarifier la notion de précarité. En effet, le terme de précarité a souvent été employé en lieu et place de la pauvreté ou pour rendre compte de nouvelles formes de pauvreté. Dans cet article, l'auteur distingue la pauvreté de la précarité. Se référant aux écrits d'Alexis de Tocqueville, de Frédéric Leplay, d'Émile Durkheim, de Louis Chevalier, il montre la proximité voire la similitude entre le paupérisme et la précarité. Si la précarité se confond avec le paupérisme, elle n'épouse pas les contours de la pauvreté. La précarité, plus qu'un concept est un paradigme, la vulnérabilité sociale n'est plus seulement liée à l'expérience du chômage mais également à son éventualité. Afin de distinguer les différentes formes qu'elle recouvre, il est question des « précarisables » et des précarisés, mais également de haute, moyenne et basse précarité. Pour relater l'expérience de la précarité, l'auteur recourt à une sociologie du sujet. Enfin, tout en s'appuyant sur la société française, il met en évidence que la précarité n'est pas une spécificité hexagonale.
      This contribution aims to clarify the term ‘precarity'. Indeed, precarity is often employed to mean poverty or new forms of poverty. In this article, the author distinguishes between precarity and poverty. Referring to French classical authors including Alexis de Tocqueville, Frederic Leplay, Emile Durkheim and Louis Chevalier, the extreme proximity between precarity and pauperism is demonstrated. While precarity can be confused with pauperism, it cannot be confused with poverty because poverty and precarity do not have the same contours. Precarity, more than a concept, is a paradigm. Social vulnerability, is no longer associated only with the experience of unemployment but also with the possibility of unemployment. In order to explain what precarity is, the contributor distinguishes two categories of vulnerable people – those who are liable to precarity and those who are already living in precarity. The author also sets out levels of vulnerability: high, medium and low. In discussing the experience of precarity, this study refers to the sociology of the Subject. Finally, although the example is French society, the author shows that precarity is not restricted to France.
  • DROIT DE SUITE

    • Unspeakable Things : Indigenous Research and Social Science - p. 331 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Historiquement, les peuples autochtones connaissent les sciences sociales comme une forme de violence, faisant partie des processus de dénomination et d'appropriation des peuples, des terres et des histoires autochtones par et pour les colonisateurs. De 1800 à 1958, des dizaines de milliers d'individus autochtones étaient enlevées à leurs foyers et à leurs familles et exposés de façon « scientifique », pendant que la craniométrie était utilisée afin de prouver « scientifiquement » l'infériorité des peuples autochtones, justifiant au passage le génocide et l'assimilation forcée. Aujourd'hui, les connaissances autochtones sont tolérées à l'Université dans la mesure où elles se conforment aux normes de recherche coloniale et, de plus en plus, dans la mesure où ces recherches démontrent leur profitabilité. Contre cette science coloniale, les peuples autochtones font de la recherche avec leurs propres termes, et pour leurs propres communautés, ancrée dans les ontologies et épistémologies autochtones. Leurs relations distinctes avec la Nature et les ancêtres et leurs responsabilités envers les générations à venir façonnent la recherche autochtone et engendrent des pratiques uniques qui ont comme objectif ultime politiquement explicite la décolonisation et la libération.
      Aboriginal peoples historically know the social sciences as a form of violence, part of the naming and claiming of Aboriginal peoples, their lands and histories for the colonizers. From the 1800s to 1958, tens of thousands of Aboriginal individuals were taken from their homes and families and exhibited, while craniometry was used to ‘scientifically' prove the inferiority of Aboriginal peoples, so justifying genocide and forcible assimilation. Today, Aboriginal knowledge is tolerated at the university insofar as it conforms to colonial standards of science and increasingly, insofar as it can demonstrate its profitability. Against such colonial science, however, Aboriginal peoples are undertaking research on their own terms and for their own communities, drawing on Aboriginal ontologies and epistemologies. Distinct relations to the natural world and ancestors, and responsibilities to future generations shape Aboriginal research as unique practices that have as their ultimate aim the explicitly political goals of decolonization and liberation.
  • RESUMES / ABSTRACTS

    - p. 348
  • BIOGRAPHIES DES AUTEURS

    - p. 363