Contenu du sommaire : Penser l'écologie politique en france au XXe siècle

Revue Ecologie & politique Mir@bel
Numéro no 44, 2012
Titre du numéro Penser l'écologie politique en france au XXe siècle
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Penser l'écologie politique en France au XXe siècle

    • Du manque de visibilité de l'écologisme français et de ses penseurs au xxe siècle - Jean-François Mouhot, Charles-François Mathis p. 11-27 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Vue des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, la France paraît en retard en matière de protection de la nature et de l'environnement. Pourtant, les penseurs français de l'écologie sont nombreux et plusieurs ont même été des précurseurs. Comment, dès lors, expliquer ce manque de visibilité de la France et de ses intellectuels dans les histoires globales de l'environnementalisme qui ont été écrites ces dernières années ? Par une prépondérance des historiens anglo-saxons dans le nouveau champ de l'histoire de l'environnement ? Par l'engagement plus marqué ou le plus grand pragmatisme des auteurs américains ? Autant de questions auxquelles nous tentons d'apporter des éléments de réponse tout en présentant et en introduisant les différentes contributions de ce dossier.
      Viewed from the USA or the UK, France's record on nature and environmental protection appears to be lagging behind other countries. However, French thinkers' contributions to environmental ideas are numerous, and several authors have even been important precursors. How, then, can we account for the lack of visibility of France and its intellectuals in global histories of environmentalism published in the last few years? By the preponderance of Anglo-Saxon historians in the new field of environmental history? By the greater willingness of American authors to engage in political contestation or their greater pragmatism? We provide some elements to answer these questions, as well as introduce and present the various contributions included in this special issue on “thinking about the environment in France in the 20th century.”
    • Les natures changeantes de l'écologie politique française, une vieille controverse philosophique. Robert Hainard, Serge Moscovici et Bernard Charbonneau - Jean Jacob p. 29-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'écologie politique française est traversée depuis ses origines par des conceptions très différentes de la nature. Celles-ci ont notamment été formalisées par trois penseurs de premier plan : Robert Hainard, Bernard Charbonneau et Serge Moscovici. Elles ont même donné lieu à de vives confrontations philosophiques jusqu'alors complètement ignorées par la recherche scientifique.
      Political ecology in France has been spanned since its origins by very different conceptions of nature. These have in particular been formalised by three leading thinkers: Robert Hainard, Bernard Charbonneau and Serge Moscovici. They have even resulted in lively philosophical confrontations, which have so far been entirely ignored by scholarly research.
    • Bertrand de Jouvenel et l'écologie - Olivier Dard p. 43-54 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir été une figure marquante des relèves « réalistes » du tournant des années 1930, une plume remarquée de la presse doriotiste jusqu'à Munich, puis, au lendemain du second conflit mondial, un théoricien libéral salué, tout particulièrement à l'étranger, du pouvoir et de la souveraineté, Bertrand de Jouvenel enrichit sa palette à la fin des années 1950 en s'imposant comme un pionnier de l'écologie, démarche consacrée avec l'essai Arcadie, publié en 1968. Cette contribution est articulée en trois temps. Après l'examen des racines de l'écologie jouvenelienne (empreinte de Colette, des relèves des années 1930, références anglo-saxonnes), puis de son contenu et de ses spécificités (ancrage sur l'économie et la fonction d'expertise), il s'agira d'en proposer un essai d'interprétation rapporté à l'itinéraire de celui qui se proclamait « un voyageur dans le siècle ».
      Once a key figure of the “realist” project in the 1930s, a noted pen of the Doriotist press until Munich, and, in the aftermath of the second world war, a liberal theorist of power and sovereignty, particularly hailed outside of France, Bertrand de Jouvenel expanded its range at the end of the 1950s by prevailing as one of the pioneers of environmentalism, after the publication of his essay Arcadie published in 1968. This article is made of three parts: after an examination of the roots of Jouvenel's environmentalism (the legacy of Colette, the “relève” of the 1930s, and Anglo-Saxon influences), and its content and specificities (emphasis on economics and on the role of experts), it will attempt to interpret it in light of the itinerary of the author who considered himselfa “traveler in the century.”
    • Denis de Rougemont et l'écologie : une crise spirituelle d'abord - Nicolas Stenger p. 55-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Essayiste de renommée mondiale depuis la parution en 1939 de son livre sur L'amour et l'Occident, militant européen après la seconde guerre mondiale, Denis de Rougemont fut dans les années 1970-1980 un ardent défenseur des causes environnementales. Il est aujourd'hui considéré comme une figure pionnière de l'écologie, au même titre que Bertrand de Jouvenel, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou Ivan Illich. Dans un contexte d'essoufflement des mouvements fédéralistes nés après la guerre, Rougemont trouva dans le combat écologique une possibilité de réinvestir son engagement pour l'Europe et de mobiliser les plus jeunes générations. Président de l'association Ecoropa, membre fondateur du Groupe de Bellerive, Rougemont en appelait, au-delà du Marché commun, à promouvoir une Europe régionale et fédérale. Dans L'avenir est notre affaire, son dernier grand essai de philosophie politique publié en 1977, Rougemont a détaillé les paramètres de la crise écologique et donné aux mouvements militants en Suisse et en France une partie de leurs fondements éthiques et théoriques. Notre article se donne pour objectif de dégager les grandes lignes de sa pensée et les circonstances de son engagement.
      Prominent essayist since Love and the Western World published in 1939, European activist after the World War II, in 1970s-1980s Denis de Rougemont became a strong supporter of environmental causes. Today he is considered as a pioneer of ecology, as well as Bertrand de Jouvenel, Jaques Ellul, Bernard Charbonneau and Ivan Illich. While the federalist movements born after the war were fading away, Rougemont reinvested his commitment to a united Europe and to mobilize the younger generations by the way of the ecological struggle. Chairman of the association Ecoropa, founder member of the Groupe de Bellerive, Rougemont wanted to give prominence to a regional and federal European organisation beyond the Common Market. In his last major essay on political philosophy published in 1977, L'avenir est notre affaire, Rougemont detailed the parameters of the ecological crisis, creating an important part of the theoretical and ethical basis of the Green Movement in Switzerland and France. Our objective is to outline his major ideas and thoughts as well as the circumstances of his commitment.
    • Bernard Charbonneau et Jacques Ellul : Aux sources de l'écologie radicale du xxie siècle - Frédéric Rognon p. 67-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Bernard Charbonneau et Jacques Ellul sont deux précurseurs de l'écologie en France. Dès les années 1930, ils ont développé une pensée radicale qui n'était pas seulement une critique de la croissance sans limites, mais une remise en question de la société technicienne elle-même. Cependant, leur œuvre est le fruit de vifs débats entre eux deux, notamment au sujet de la responsabilité du christianisme dans la crise écologique.
      Bernard Charbonneau and Jacques Ellul are two forerunners of ecology in France. As early as 1930s, they built a radical thought which was not only a critic of bound-less growth, but also a will to question the technological society itself. Nevertheless, their work is the fruit of warm debates between these two, especially about the responsibility of Christianity in the ecological crisis.
    • André Gorz était-il un écologiste ? - Françoise Gollain p. 77-91 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      André Gorz fut un représentant éminent d'un courant antiproductiviste, anticapitaliste et critique de la technoscience. Cependant, son engagement durable envers l'existentialisme place son œuvre en tension avec certaines prémisses de l'écologie et lui confère une position unique au sein du marxisme vert contemporain. Cette contribution explore, avec une référence particulière à ses ouvrages moins connus antérieurs aux années 1970, la nature particulière du matérialisme et de l'antidéterminisme gorziens. L'influence des thèses phénoménologiques de Husserl et Merleau-Ponty et du concept sartrien du « pratico-inerte » sur sa conceptualisation des facteurs écologiques est mise en exergue. L'analyse conduit alors à apprécier la richesse et les limites d'une orientation anthropocentrique radicale dans le champ de l'écologie, qui se manifeste par une forte relativisation de la détermination par la nature, et est indissociable d'une définition du mouvement écologique en termes culturels comme défense du « monde vécu ». En conclusion, l'auteur, à la suite d'une approche nuancée des écrits gorziens, invite à développer une histoire et une pensée complexes de l'écologie politique, en posant la question toujours ouverte des racines de la crise actuelle du capitalisme.
      A leading thinker of the French school of thought characterised by a radical anticapitalist critique of productivism and the domination of science, André Gorz's enduring commitment to existentialist philosophy leads nonetheless to tensions between his analyses and some fundamental Green premises, and places him in a unique position within Green Marxism. This paper explores the nature of Gorz's materialism and anti-determinism, with reference to his lesser known publications written prior to the 1970s. Attention is drawn to the influence of Husserl's and Merleau-Ponty's phenomenological theses, as well as of the Sartrean concept of “pratico-inerte” on his theorisation of ecological factors. The analysis leads to an appreciation of both the richness and the limitations of such a radically anthropocentric stance in Green philosophy, which is expressed by downplaying the role of natural determinism, and is related to his definition of the Green movement primarily in cultural terms as a defence of the “lived world.” The author concludes with an invitation to develop a complex history of Green thought and a subtle approach to Green theoretical matters generally, most particularly regarding the unresolved issue of the roots – ecological, technical, financial, etc. – of the current crisis of the capitalist system.
    • L'impensé écologiste de l'extrême gauche française avant 1968 - Philippe Buton p. 93-102 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lors de la décennie précédant Mai 1968, l'attitude des organisations de l'extrême gauche française envers l'écologie permet de distinguer trois groupes. En premier lieu, les hermétiques ou réfractaires à toute préoccupation écologiste. Il s'agit des multiples groupes néoléninistes : trotskystes, maoïstes, bordiguistes. Le deuxième groupe est composé des anarchistes. À l'inverse des néoléninistes, ils s'ouvrent à de nombreuses questions de société (femmes, sexualité, vie quotidienne...) sans pour autant prendre en compte explicitement l'écologie avant 1968. Enfin, un troisième groupe, représenté par le Parti socialiste unifié, s'ouvre précocement à la préoccupation écologiste. Le croisement de deux paramètres permet de comprendre cette typologie : la relation au marxisme et le rapport à la notion de modernité.
      During the decade preceding May 1968, three different kinds of attitudes towards environmentalism can be observed within the French extreme left. Firstly, many revolutionary organizations are impervious to environmental issues. That is the case of all the Neo-Leninist organizations : Trotskysts, Maoists, Bordiguists... A second attitude is shown by Anarchists. Contrary to the Neo-Leninists, Anarchists become precociously aware of society issues, such as feminism, sexuality or everyday life, except for environmentalism before 1968. Finally, a third group, represented by a real pioneer, the Parti socialiste unifié, became aware, ahead of his time, of environmental issues. This classification can be understood by two different criteria : the relationship of these groups with the notion of modernity, and with Marxism.
    • Vertitudes. Interpréter les différences entre Les Verts et les Greens - Florence Faucher p. 103-114 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article s'appuie sur des recherches documentaires, des entretiens et des observations conduites sur plusieurs années auprès des Verts et du Green Party pour réfléchir aux différences entre les manières dont les militants écologistes pensent leur engagement politique. Il montre comment, au-delà d'une analyse des opportunités et des contraintes politiques, il est nécessaire de comparer les racines culturelles des attitudes et des pratiques vertes afin de comprendre les singularités d'organisations politiques qui partagent des objectifs de promotion de la démocratie participative et de la société « durable ».
      The article draws from archival research, interviews and observations collected over several years in both Les Verts and the British Green party to reflect on the differences between the ways party members conceive their commitment to green politics. It argues that, beyond an analysis of political opportunities and constraints, one needs to compare the cultural roots of green attitudes and practices to understand the singularities of political organisations that share a broad commitment to sustainable politics and democracy.
    • Les écologistes et la protection de la nature et de l'environnement dans les années 1970 - Alexis Vrignon p. 115-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le rapport de l'écologie politique à la protection de la nature et de l'environnement dans les années 1970. La politisation de l'écologie semble dans un premier temps impliquer une prise de distance à l'égard de cette thématique : l'« environnementaliste » ne serait pas considéré comme un militant politique ne s'intéressant qu'aux conséquences de la pollution au lieu d'en supprimer les causes. Cependant, une étude des réseaux politiques et de l'action des groupes écologistes locaux permet de déconstruire la notion d'« environnementalisme » en soulignant la variété des pratiques et des modes de politisation des mouvements écologistes dans les années 1970.
      This article analyses the relations of political ecology with nature conservation in the 1970s. At first sight, the politicization of ecology seems to imply to move away from this topic: nature conservationists could not be activists because they would focus on pollution consequences instead of trying to put an end to their origins. Yet, a study of ecology political networks and local groups leads to challenge this cliché by underlining the numerous way of politicization of environmentalism in 1970s France.
  • Variations

    • La solidarité écologique : prémices d'une pensée écologique pour le xxie siècle ? - Raphaël Mathevet, John Thompson, Marie Bonnin p. 127-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Apparu pour la première fois dans le droit de l'environnement lors de la réforme de la Loi sur les parcs nationaux français, le concept de solidarité écologique ne se limite pas aux actions de protection des espèces ou habitats remarquables. Il fonde un compromis entre écocentrisme et anthropocentrisme, et contribue au débat sur notre modèle de société en insistant sur les interactions socio-écologiques. Il permet la prise de conscience : (1) des interdépendances fonctionnelles écologiques et sociales ; (2) des besoins de transparence pour lutter contre les inégalités et injustices environnementales ; (3) des limites de la biosphère et de l'importance de borner collectivement nos activités. La solidarité écologique participe ainsi à la transition vers un nouveau contrat naturel par lequel nous fixerons les limites de l'action humaine sur la nature.
      Introduced for the first time into environmental policy as part of the reform of the French national park system in 2006, the concept of ecological solidarity is built on a compromise between ecocentric and anthropocentric ethics. In addition to providing a basis for ecological and social cohesion in policy for protected areas, this concept contributes to the debate for a new model of society which highlights social and ecological interdependency, the need to diminish environmental inequalities and injustice and the limits of the biosphere. In this way, ecological solidarity provides for a new natural contract to establish the limits of human actions on nature.
    • Contre les marchands de doute, vive l'écologie ! - Jean-Paul Deléage p. 139-152 accès libre
    • Fukushima, sortie du nucléaire et occasions manquées - Christophe Sabouret p. 153-166 accès libre
  • Sources et fondements

  • Notes de lecture