Contenu du sommaire : L'invention de la Sainte Russie

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 53, no 2-3, avril-septembre 2012
Titre du numéro L'invention de la Sainte Russie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • In memoriam Gilles Veinstein - Olivier Bouquet p. 283-287 accès libre
  • Avant-propos - Monica Preti p. 289-293 accès libre
  • Introduction - Wladimir Berelowitch, Olga Medvedkova p. 295-299 accès libre
  • La naissance de l'idée

    • Videnie Hrama i Grada - Aleksej Lidov p. 301-318 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au milieu du XIIe siècle, sous le règne du prince Andrej Bogoljubskij, un type architectural inhabituel d'église russe est apparu dans Vladimir, la nouvelle capitale. Il combinait la structure en croix grecque inscrite avec la décoration romane. Selon certaines sources écrites, les premières églises de ce type furent construites par des maîtres de l'Occident latin envoyés au prince Andrej par Frédéric Barberousse. Les décorations sculpturales de ces églises témoignent d'un concept symbolique composite. Cet article soumet l'hypothèse selon laquelle l'iconographie des sculptures de Vladimir et de Suzdal symbolise la Jérusalem céleste. La vision d'Ezéchiel (Ez. 41:17-19), faisant état d'un décor sculptural du Temple céleste en serait la source écrite la plus probable. Cette vision explique l'apparence du décor sculpté sur les façades des églises, alliant les images des chérubins, des palmiers, des lions et des humains. On y trouve aussi la clé des principaux thèmes iconographiques, parmi lesquels les énigmatiques « masques » pourraient être des représentations des chérubins sur toute la muraille du pourtour du Temple céleste. La ceinture d'arcades centrales des façades avaient certainement pour objet d'évoquer le mur de Jérusalem. La représentation du roi David sur son trône, thème principal des trois façades, peut être interprétée dans ce même contexte de Jérusalem. On peut observer de très proches analogies dans l'iconographie romane, notamment dans la décoration des encensoirs représentant la Jérusalem céleste. Dans ce contexte, les « jérusalem d'or » liturgiques, qui avaient probablement fait partie du cadeau de Frédéric Barberousse au prince Andrej, avaient pu être utilisés comme une sorte de modèle pour les nouvelles églises russes et leurs extraordinaires décorations sculpturales.
      A vision of city and temple: Jerusalem symbolism in sculptural icons on facades of twelfth-century Russian churchesIn the mid-twelfth century, under the reign of Prince Andrei Bogoliubskii, an unusual architectural type of Russian church appeared in the new capital of Vladimir. It combined the Byzantine cross-in-square structure with Romanesque decoration. According to some written sources, the first churches of this type were built by masters from the Latin West who had been sent to prince Andrei by Frederick Barbarossa. The sculptural decoration of these churches demonstrates a shared symbolic concept. This paper hypothesizes that the iconography of Vladimir-Suzdalian carvings symbolizes the Heavenly Jerusalem. The most likely literary source for it is the vision of Ezekiel (Ez. 41:17-19) describing the sculptural decoration of the Heavenly Temple. Ezekiel's vision sheds light on the combination of cherubs, palm trees, lions and humans of the carved decoration on the church facades. The same text gives a key for understanding the principal iconographic themes. Among them, the enigmatic “masks,” which could be the depictions of cherubs by all the wall round about in the Heavenly Temple. The arcades in the middle of the facades probably meant to invoke the image of the walls of Jerusalem. The repetition on the three facades of the major theme, the image of King David enthroned, could be interpreted along the same lines. The closest analogy one may find in Romanesque iconography is the decoration of censers depicting the Heavenly Jerusalem. In this context, the liturgical “golden jerusalems,” which probably were part of Frederick Barbarossa's gift to Prince Andrei, could have been used as models for the new Russian churches and their extraordinary sculptural icons.
    • Paradoksy «Svjatoj Rusi» i «russkoe» v kul´ture Moskovskogo gosudarstva 16-17 vv i fol´klore 18-19 vv - Mihail Dmitriev p. 319-331 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Très souvent le thème de la « Sainte Russie », prenant forme dans les sources littéraires russes à l'époque moscovite et largement présent dans le foklore russe postérieur, suscite l'ironie de la part de ceux qui écrivent sur la Russie. On y voit, dans la plupart des cas, une expression d'un nationalisme naissant mégalomane et démesuré. Et cependant, l'article montre que le phénomène de la « Sainte Russie » est beaucoup plus complexe. Il s'agit de l'équation totale, non-allégorique et non-métaphorique, de la « Sainte Russie » à la « véritable » et unique Terre sainte de Palestine. Dans l'ensemble, nos sources témoignent de ce que dans les textes littéraires d'avant Pierre le Grand et dans les textes folkloriques russes tardifs la représentation de la « Sainte Russie » n'avait rien à voir avec « l'ethnicité » ou la « nationalité », et que la géographie imaginaire de la « Sainte Russie » était une géographie métaphysique, sans lien direct avec les réalités spatiales de la Russie historique. La « Sainte Russie » apparaît dans ces discours comme une hypostase de la Terre sainte du Proche Orient. Pourquoi une telle démarche mentale n'est-elle pas du tout concevable dans la culture chrétienne occidentale ? Et cette particularité bizarre de la Russie par rapport à l'Occident, que révèle-t-elle ? De quoi relève-elle ? Ces questions attendent d'être explorées en profondeur.
      The paradoxes of “Holy Russia”: “Holy Russia” and “Russianness” in sixteenth- and seventeenth-century Muscovite culture and eighteenth- and nineteenth-century folklore. The concept of Holy Russia gained currency in Russian literary sources in the eighteenth century and later became very common in Russian folklore. It is usually considered as the expression of early megalomaniac “nationalism.” The article shows that the reality is much more complex and intriguing. A closer and non-a priori look at our sources leads us to the conclusion that “Holy Russia” was viewed not as similar or equal to Palestine in terms of dignity and holiness, but as identical to the Holy Land of Palestine, without allegoric or metaphorical interpretation of this parallelism. Thus Holy Russia appears as a hypostasis of the Palestinian Holy Land. This astounding and paradoxical discourse has nothing to do with the ethnic or cultural identity of a “nation.” The corresponding deviations of Muscovy's (and Russian folklore's) allegedly “proto-national” discourses from Western patterns deserve deeper exploration.
    • Formirovanie predstavlenij o Svjatoj Rusi i ih otraženie v russkoj ikonopisi - Irina Buseva-Davydova p. 333-348 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de « Sainte Russie » s'est pour l'essentiel formée à la fin du XVIe siècle et était présente dans la culture populaire du XVIIe siècle. La canonisation d'un grand nombre de saints russes, la profusion d'édifices religieux, les phénomènes d'icônes miraculeuses, la fondation, par le patriarche Nikon, du monastère de la Résurrection, dit de la Nouvelle Jérusalem, sont autant de raisons qui ont contribué à faire de la terre russe une terre sainte. Aux XVIIIe-XIXe siècles, cette conception s'est maintenue chez les vieux-croyants et s'est reflétée dans leur iconographie (voir, par exemple, l'apparition de l'iconographie de « l'Assemblée des saints russes »). Dans la « série des ménologes », icônes figurant les saints pour chacun des jours de l'année et réalisées dans le dernier quart du XIXe siècle par les peintres d'icônes renommés I.S. Čirikov et M.I. Dikarëv du village de Mstëra, les représentations des saints s'élèvent sur un fond de paysages garnis de monts, d'herbes et de « palais ». La combinaison de l'idéal (monts peints selon les canons de l'iconographie) et du réel (vues reconnaissables de villes ou de monastères) mène à la sacralisation du représenté, la sainteté se perçoit comme une qualité inaliénable du pays russe. On peut découvrir ce sentiment, à des degrés divers, chez les représentants des différentes couches de la société de la fin du XIXe et du début du XXe siècle alors que la Sainte Russie est véritablement devenue le paradigme universel de la renaissance religieuse et nationale russe.
      The concept of Holy Russia: Its inception and reflection in Russian iconography
      The concept of “Holy Russia” appeared towards the end of the sixteenth century and gained currency in seventeenth-century popular culture. The canonization of a large number of Russian saints, the abundance of religious buildings, the appearance of wonder-working icons, and the foundation by Nikon of the Resurrection (the New Jerusalem) Monastery contributed to the sanctification of the Russian land. The concept was preserved by Old Believers in the eighteenth and nineteenth centuries and transpired in their iconography (in icons depicting gatherings of saints, for instance). In the menological series, i.e., icons depicting a saint for each day of the year, created during the last quarter of the nineteenth century by the famous Mstëra icon-painters I.S. Chirikov and M.I. Dikarëv, the saints are depicted standing on a rock ledge above a stylized representation of the ground (pozëm) with hillocks, grass, and “palaces.” The combination of the ideal (canonical, stylized hills) and the real (recognizable panoramas of towns and monasteries) led to the sacralization of the depicted object in such a way that holiness was perceived as an inalienable quality of the Russian land. This feeling prevailed to various degrees among representatives of the different layers of society at the turn of the twentieth century, when Holy Russia definitely became the universally recognized paradigm of the Russian national and religious renaissance.
    • Dva etapa disciplinarnoj revoljucii v Rossii: xvii-xviii stoletija - Victor Živov p. 349-374 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La révolution disciplinaire fut l'un des processus les plus importants de la modernisation de la société dans l'Europe du début des Temps modernes. L'auteur avance l'hypothèse de deux étapes dans la révolution disciplinaire en Russie. La première débuta peu après le Temps des Troubles et se poursuivit tout au long du XVIIe siècle. Les premiers partisans de la réforme religieuse étaient membres du clergé, même si avec le temps leurs efforts furent soutenus et en partie remplacés par la politique de l'État. Les autorités séculières et spirituelles certes collaborèrent mais luttèrent aussi pour s'assurer chacune la domination. Cette lutte prit fin avec la victoire totale de Pierre le Grand qui s'appropria toutes les politiques en matière de gouvernance religieuse et les adopta afin de créer un « État régulier ». Avec cette appropriation, la coercition prévalut définitivement sur l'intériorisation, ce qui conduisit à l'échec de la révolution disciplinaire comme processus de modernisation en Russie.
      The two stages of disciplinary revolution in Russia: the seventeenth and eighteenth centuries
      Disciplinary revolution was one of the most important processes involved in the modernization of society in Early Modern Europe. The author postulates two stages in disciplinary revolution in Russia. The first stage began not long after the Time of Troubles and continued throughout the seventeenth century. The first proponents of religious reform belonged to the clergy, and in the course of time their efforts were supported and partly replaced by state policy. Secular and spiritual authorities partly collaborated but also partly struggled for dominance. This struggle ended in the complete victory of Peter the Great, who appropriated all policies of religious disciplining and adopted them for the task of building a “regular state.” With this appropriation, coercion prevailed over internalization and ensured the failure of disciplining as a modernization process in Russia.
    • La construction de la sainte Russie : Les pèlerinages des gouverneurs moscovites au XVIIe siècle - Aleksandr Lavrov p. 375-384 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les sources sur lesquelles s'appuie cet article sont relativement peu connues, voire inconnues du milieu scientifique. À ce que nous en savons, les requêtes que soumettaient les gouverneurs pour obtenir l'autorisation de laisser pour un temps les devoirs qui leur avaient été confiés, dans le but d'accomplir un pèlerinage vers le lieu saint de leur choix, n'ont jamais attiré l'attention des chercheurs spécialistes de la religiosité russe. Rédigées selon un formulaire type, ces requêtes sont avares de détails sur les raisons du choix et le caractère du vœu. Cependant, grâce à ces documents, nous disposons presque toujours de données sur le rang du requérant et l'époque du pèlerinage, détail important par rapport au calendrier liturgique. Pour autant, la part étudiée de ces requêtes ne constitue vraisemblablement qu'une fraction de ce que recèlent les fonds de la chancellerie et il semblerait prématuré de tirer des conclusions à ce stade de la recherche.
      The construction of Holy Russia: Muscovite governors' pilgrimages in the seventeenth century
      This article examines sources that have never attracted scholarly attention, i.e., the petitions of Muscovite governors who asked for permission to leave their duties and go on a pilgrimage to a holy site. These petitions have a strictly formalized structure. They contain laconic data about the reasons governing the choice of shrines and about the nature of the petitioners' vows. They do, however, provide information on the ranks of the petitioners and the times of year when the pilgrimages were to take place. Even the smallest detail is important with regard to the liturgical calendar. However, the petitions studied so far are but a small fraction of the number of petitions held in the archives of the Military Chancellery. It is therefore impossible to make generalized conclusions at this stage of research.
  • Les résurgences, entre les textes et les images

    • Fedor Buslaev (1818-1897) : À l'origine de l'histoire de l'art médiéval russe - Olga Medvedkova p. 385-404 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article retrace les principales étapes de la formation et de la carrière scientifique de Fedor Buslaev, professeur à l'université de Moscou, linguiste, premier historien de l'art russe au sens propre, véritable artisan de la découverte des « primitifs russes », créateur de l'école dite iconographique. En l'introduisant dans le dossier consacré à l' « Invention de la Sainte Russie », nous insistons sur le rôle pionnier de Buslaev dans la découverte de l'art russe national et sur l'importance de ses intuitions. Tout en avançant sur des territoires à la fois inconnus et chargés de passions, il sut rester libre de toute construction dogmatique. De fait, il n'y a, dans l'œuvre de Buslaev, aucune « formule » idéologique concernant la « Sainte Russie ». En revanche, une quantité remarquable de réflexions fournissent des éléments incontournables pour l'histoire même de cette notion.
      Fëdor Buslaev (1818-1897), the father of the history of medieval Russian art
      The article traces the main stages of Fëdor Buslaev's education and scientific career. A linguist and professor at the University of Moscow, Buslaev was literally the first historian of Russian art, the architect of the discovery of “Russian primitives,” and the founder of the so-called iconographic school. Including him in this special issue devoted to the “Invention of Holy Russia” is our way to highlight his pioneering role in the discovery of Russian national art and the importance of his intuitions. Even though he explored unknown fields which roused passions, he could remain free from dogmatism. In fact, there is no ideological “formula” about “Holy Russia” to be found in his work. However, one finds quite a number of reflections providing major elements that one cannot ignore to penetrate the history of this notion.
    • La découverte des « cantiques spirituels » par les folkloristes et ethnographes russes du XIXe siècle - Wladimir Berelowitch p. 405-440 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article vise à retracer les différentes étapes par lesquelles est passée en Russie, en Ukraine et en Biélorussie la découverte des chants populaires à contenu religieux depuis les années 1840, par Petr Kireevskij, Pavel Jakuškin, Petr Bessonov, Stepan Ševyrev, Varencov, Rybnikov, etc., dont beaucoup étaient proches de la mouvance slavophile ou nationaliste officielle. Définis dès cette époque comme un genre particulier et chantés par une population particulière (les mendiants aveugles), ces chants firent, depuis les années 1860, l'objet d'un enregistrement, puis d'une publication systématique par les ethnographes et firent partie des différents programmes de collecte des textes de littérature orale. De leur côté, des slavistes, à commencer par Fedor Buslaev, puis Tihonravov, Veselovskij, etc. « découvrirent » ces chants à leur manière en recherchant systématiquement leurs sources dans des écrits, le plus souvent apocryphes, des mondes byzantin et occidental. Malgré cette reconnaissance, qui alla croissant jusqu'au début du XXe siècle, ces chants firent toujours objets d'une méfiance persistante pour des raisons à la fois ecclésiastiques (entre autres en raison de leur proximité avec les cantiques des vieux-croyants) et « laïques » car les ethnographes étaient davantage intéressés par les chants épiques et « rituels ».
      The discovery of spiritual verses (dukhovnye stikhi) by nineteenth-century Russian folklorists and ethnographers. The article aims to trace the different stages of the discovery of popular songs with religious content in Russia, Ukraine, and Bielorussia by Pëtr Kireevskii, Pavel Iakushkin, Pëtr Bessonov, Stepan Shevyrëv, Varentsov, Rybnikov, etc., who for the most part were close to the official Slavophile or nationalist movements. They were by then already defined as a specific genre and recited by a specific population (blind beggars), and starting in the 1960s were recorded, then systematically published by ethnographers, and were part of different oral literature collection programs. Slavicists, first among them Buslaev, then Tikhonravov, Veselovskii, etc., “discovered” these songs in their own way by systematically looking for their sources in Byzantine and Western manuscripts of apocryphal literature, for the most part. In spite of this recognition, whose increase continued up to the early twentieth century, these songs were persistently regarded with distrust by the Church – because, notably, of their proximity to Old Believers' hymns – as well as by laymen, since ethnographers were more interested in epic and “ritual” songs.
    • Rublev do Rubleva : Obraz Andreja Rubleva v russkoj kul´ture do otkrytija ego podlinnyh proizvedenij - Levon V. Nersesjan p. 441-452 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Andrej Rublev fait partie de ces rares artistes russes du Moyen âge qui jouirent de renommée et d'autorité déjà dans des temps anciens, son nom figure dans les manuscrits et les sources hagiographiques, et tant les écrivains russes que les documents d'église du XVe au XVIIe siècles y font référence. Les mentions de l'artiste s'accroissent singulièrement en nombre au XIXe siècle, quand apparaît un intérêt marqué pour la culture russe médiévale et ses remarquables œuvres d'art. Pourtant, avant la découverte des fresques d'Andrej Rublev et de Daniil dans la cathédrale de la Dormition à Vladimir (1882) et, le plus important, avant celle de son illustre icône de la Trinité de la Laure de la Trinité-Saint-Serge (1904), aucune des œuvres, qui sont aujourd'hui le plus attachées au nom de l'artiste, n'était accessible aux chercheurs ou à un public plus large.L'analyse des propos conservés sur la vie et l'œuvre de Rublev, tenus avant la découverte de ces créations, permet d'observer comment dans les yeux d'un public russe éclairé, le personnage à la courte légende hagiographique de l'époque du Moyen âge tardif se transforme en mystique et visionnaire dont l'œuvre s'inspirait de révélations et devenait elle-même révélation pour les autres. Cette image de l'artiste s'est révélée incroyablement vivace, elle a même survécu aux longues années de l'hégémonie des méthodes soviétiques dans la science historique, et détermine encore pour beaucoup notre relation actuelle à Rublev.
      Rublëv before Rublëv: Andrei Rublëv's image in Russian culture before the discovery of his authentic worksAndrei Rublëv belongs to the few medieval Russian artists who enjoyed popularity and authority from the start. His name appears in hagiographical sources and the chronicles, and both Russian religious writers and church documents between the fifteenth and seventeenth centuries refer to him. The number of references to the artist sharply rose in the nineteenth century, when interest for medieval culture and its prominent artistic achievements intensified. However, before the discovery of Andrei Rublëv's and Daniil's frescos in the Dormition Cathedral in Vladimir (1882) and, above all, of his celebrated HolyTrinity icon in the Trinity Lavra of St. Sergius (1904), none of these works, which are now closely connected with the artist's name, were accessible to scholars or the general public. Analysis of accounts of Rublëv's life and work written before the discovery of his works allows us to observe how in the eyes of the enlightened Russian public, the character of a late medieval short hagiography turned into a mystic and visionary whose work was inspired by revelations and became revelation to others. This image of the artist turned out to be enduring – it even survived the long decades of Soviet historiographical methods – and in many ways determines our present relationship to Rublëv.
    • Kollekcionirovanie pamjatnikov hristianskoj drevnosti v Russkom Muzee Aleksandra III - Nadežda Pivovarova p. 453-465 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La présente recherche, basée sur des sources issues des archives de Moscou et de Saint-Pétersbourg, traite de l'histoire des collections d'art russe ancien de la Russie impériale rassemblées à Saint-Pétersbourg et explore la période comprise entre le début du XVIIe siècle et les années 1910. Elle s'attache aux collections d'antiquités privées et publiques, et inclut le musée de l'Académie impériale des beaux-arts (1856-1895), ainsi que les collections P. Sevastianov, M. Pogodin et P. Korobanov d'icônes, d'objets sacrés et de sculptures. Une partie de l'étude est consacrée à la collecte et à l'organisation des collections d'art russe ancien au Musée russe de l'empereur Aleksandr III.
      The collection of early Christian art in the Russian Museum of His Imperial Majesty Alexander III. The article deals with the history of the collections of Old Russian art in St. Petersburg between the early seventeenth century and the 1910s. The study focuses on the history of state and private collections of antiquities and includes the Museum of Old Russian Art of the Academy of Arts (1856-1895), P. Sevastianov's, M. Pogodin's, and P. Korobanov's collections of icons, church plates and carvings. The history of the gathering and organization of the collections of Old Russian art at the Russian Museum of His Imperial Majesty Alexander III is studied in a separate section. This research relies on archive documents of Moscow and St. Petersburg.
    • Le moine-peintre et le primitif : L'invention des « Primitifs » russes dans une perspective internationale - François-René Martin p. 467-477 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « redécouverte » des vieux peintres russes et des icônes est contemporaine de ce que l'on appelle la seconde redécouverte des primitifs en Europe, autour de 1900. Qu'il s'agisse des peintres français, allemands ou même italiens du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, ils devinrent, grâce à des expositions d'envergure à visée nationaliste, comme l'exposition des Primitifs français de 1904, les principaux garants de l'existence d'écoles spécifiquement nationales de peinture. Dans ce vaste mouvement de publicisation, qui suivit une phase de redécouverte strictement érudite, les collectionneurs et les artistes de l'avant-garde ont pu jouer un rôle essentiel. Or ce mouvement, qui a été souvent étudié nation par nation, est en réalité aussi international que concurrentiel. La Russie relève de ce mouvement, mais avec des spécificités qui tiennent tant aux caractéristiques des œuvres elles-mêmes qu'aux constructions intellectuelles des principaux historiens de l'art russe, celles, particulièrement, de Pavel Muratov.
      Monk-painters and primitives: The invention of Russian “primitives” in international perspective
      The “rediscovery” of early Russian painters and icons was contemporaneous with the second rediscovery of primitive art that took place in Europe around 1900. Large-scale exhibitions serving nationalist purposes turned fifteenth- or early sixteenth-century French, German or even Italian painters into tokens of the existence of truly national schools of painting. A good example of this was the 1904 exhibition of the French Primitives. Art collectors and avant-garde artists played an essential role in this vast publicizing campaign which followed the rediscovery of these works by scholars. However, even though this movement has often been studied nation by nation, it was as international as it was competitive. Russia pertained to it while displaying specific features due as much to the characteristics of the works themselves as to the intellectual constructs of major Russian art historians, particularly Pavel Muratov.
    • Le paysage russe comme lieu de méditation dans les Récits d'un pèlerin russe - Bernard Marchadier p. 479-487 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir présenté l'historique de la composition de ce grand classique de la spiritualité russe qui voit le jour dans les années 1880, l'auteur de cette étude s'attache à situer l'errance spirituelle du Pèlerin à la fois dans l'histoire de la mystique, dans la société et dans le paysage russes. Même s'il apparaît que, pour le Pèlerin, la Russie est bien « Nouvelle Jérusalem » – et donc lieu d'une imitatio Christi – le Pèlerin n'en tire aucune conclusion quant au rôle messianique que, selon les auteurs du courant slavophile et néo-slavophile, elle serait appelée à jouer, et il ne mentionne jamais la « Sainte Russie ». Signe sans doute de la profonde authenticité de l'expérience spirituelle du Pèlerin : sa piété n'est guère idéologisable. L'auteur de cette étude voit aussi une preuve de la valeur supranationale de cette mystique dans les rapprochements pertinents qui peuvent être faits avec la spiritualité d'un saint Ignace de Loyola.
      Russian nature as a place for meditation in The Way of a Pilgrim
      After introducing the background of this great classical book on Russian spirituality composed in the 1880s, the author tries to place the spiritual wanderings of the Pilgrim within the history of Russian mystical thought, society and landscape. Even though it appears that, in the eyes of the Pilgrim, Russia is really the “New Jerusalem” and hence the ground for an imitatio Christi, the Pilgrim draws no conclusion as to the messianic role which, according to the Slavophile and neo-Slavophile schools of thought, Russia is supposed to play, and he never mentions “Holy Russia.” As it does not readily lend itself to being transformed into an ideology, the Pilgrim's spiritual experience bears the marks of authenticity. The author also sees evidence of the supranational value of the Pilgrim's mystical life in the fact that it shares many relevant features with the spirituality of Saint Ignatius Loyola.