Contenu du sommaire : Sociologie, philosophie : la modernité en question
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 76, no 4, octobre 2013 |
Titre du numéro | Sociologie, philosophie : la modernité en question |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Sociologie, philosophie : la modernité en question
- Sociologie, philosophie : la modernité en question - Bruno Karsenti p. 547-551 La collaboration entre sociologie et philosophie est requise en raison des difficultés qu'on éprouve à saisir la signification du terme de modernité, par-delà la critique philosophique qu'une vision postmoderne lui a appliquée jusqu'à présent. Ces limites tiennent à ce qu'on n'a pas suffisamment pris en compte sa genèse sociale, ou encore les conditions socio-historiques de son avènement. Une nouvelle considération émerge dès que l'on tient compte de l'apport des sciences sociales dans la construction des concepts cardinaux de sujet et de pouvoir dans leur forme spécifiquement moderne. On est alors amené à prendre la mesure du déplacement que les sciences sociales opèrent dans le champ de la philosophie politique.Sociology, Philosophy: Modernity in Question
The collaboration between sociology and philosophy is required because of the difficulties which we feel to give a meaning to the term of modernity, beyond the criticism whom we applied it until now. These limits show that we did not enough take into account its social genesis, or the socio-historical conditions of its advent. A new consideration emerges as soon as we take into account the work of social sciences to redefine the cardinal concepts of subject and power in their modern acception. Then, we can take the measure of the shift operated in political philosophy by the sociological perspective. - L'avènement de la modernité : La commune médiévale chez Max Weber et Émile Durkheim - Florence Hulak p. 553-569 La Révolution française a fait naître l'idée d'une modernité opposée au monde ancien, mais cet événement politique ne permet pas en tant que tel de penser ce qui fait la spécificité des sociétés proprement modernes. L'article montre que Max Weber et Émile Durkheim situent tous deux les prémisses de ce monde social nouveau dans la commune médiévale, ce qui leur permet de concevoir la rupture qu'est l'avènement de la modernité sans abolir la continuité historique. Le modèle théorique de Durkheim, qui pense la commune à partir de la corporation, et celui de Weber, qui la pense à partir du serment bourgeois, s'opposent toutefois nettement, en ce qu'ils expriment deux conceptions divergentes de l'identité des sociétés modernes et de la sociologie qui en est la science.The Advent of Modernity
The opposition between modernity and the ancient word arose from the French Revolution, but this political revolution does not by itself explain the specificity of modern societies. This article contends that Max Weber and Emile Durkheim locate the seeds of this new kind of society in the medieval city. It allows them to conceive of modernity as operating a rupture without abolishing historical continuity. However, while Durkheim's understanding of the medieval city rests on the idea of the corporation, Weber's understanding rests on the idea of the burgess oath. These two theoretical models thus stand apart from each other, as they draw from two different conceptions of modern societies' identity and of their particular science, sociology. - La raison pratique des modernes : Sur la sociologie comme éducation à l'autonomie - Francesco Callegaro p. 571-589 Cet article analyse la forme inédite de rationalité pratique qui caractérise, dans les sociétés modernes, l'autonomie de la personne, selon la perspective sociologique d'É. Durkheim. Par une reprise critique de la philosophie kantienne, Durkheim montre que l'autonomie morale, comme revendication d'une volonté rationnelle fondée sur des normes universelles, est une exigence sociale susceptible de varier historiquement en fonction de la conception que les sociétés modernes se font de l'individu en tant que personne. La raison pratique des acteurs sociaux est renvoyée ainsi à la raison théorique du sociologue qui doit clarifier le sens et les configurations multiples de l'idéal universaliste des modernes. Cette redéfinition sociologique de l'autonomie ouvre la voie d'un autre cosmopolitisme, esquissée dans la conclusion.Modern Practical Rationality
This paper analyzes the new form taken in modern societies by practical rationality, as a feature defining the autonomy of the person, according to E. Durkheim's sociological perspective. By a critical transformation of Kantian philosophy, Durkheim shows that moral autonomy, as a claim to a rational will based on universal norms, is a social requirement which changes historically, depending on the conception of the individual as a person developed in modern societies. The practical reason of social actors is thus linked to the theoretical reason of the sociologist who has to clarify the meaning and the different configurations of the universalist modern ideal. This sociological redefinition of autonomy paves the way for a new cosmopolitism, outlined in the conclusion. - Ambition de la sociologie - Cyril Lemieux p. 591-608 La sociologie ne peut pas être définie comme le contraire pur et simple de l'idéologie moderne. L'ambition qu'elle se donne est plutôt de réussir, de l'intérieur du cadre mental de la modernité, à penser la modernité en tant que cadre mental. Cet article explore deux tentatives remarquables ayant visé à atteindre cet objectif au xxe siècle : celle, dumontienne, de l'analyse idéologique ; celle, maussienne, de l'approche praxéologique. En s'efforçant d'évaluer leurs vertus et limites respectives, il s'agit de déterminer de quelle façon la sociologie pourrait aujourd'hui retrouver l'ambition qui – elle l'ignore trop souvent – est à son fondement.Ambition of the Sociology
Sociology cannot be defined as the outright opposite of modern ideology. Its ambition is rather to succeed, from within the mental framework of modernity, to think of modernity as a mental framework. This article explores two remarkable attempts that, at the twentieth century, targeted to achieve this goal : the Dumont's ideological analysis and the Mauss's praxeological approach. By assessing their respective virtues and limits, one seeks to determine how sociology nowadays can regain its founding ambition.
- Sociologie, philosophie : la modernité en question - Bruno Karsenti p. 547-551
Kierkegaard et la raison philosophique
- Présentation - Philippe Chevallier p. 609-610
- Kierkegaard et la dialectique. Un poète-dialecticien - André Clair p. 611-633 Kierkegaard a un rapport intrinsèque à la dialectique ; il se qualifie de poète-dialecticien. Il occupe un lieu singulier dans la famille dialectique, notamment par rapport à Platon et à Hegel. De même il se distingue des romantiques, dont il est parfois proche. Il élabore une dialectique paradoxale qui se réfère finalement au paradoxe absolu, une dialectique où le paradoxe est à la fois l'objet et le sujet de la pensée.Kierkegaard and the Dialectic. A Poet-Dialectician
Kierkegaard's relation to dialectic is intrinsic: he calls himself a « poet-dialectician ». Kierkegaard holds a special place in the dialectical school, particularly with regard to Plato and Hegel. Similarly, he is clearly different from the Romantics to whom he is sometimes close. He develops a paradoxical dialectic finally referring to the absolute paradox – when the paradox is in the same time object and subject of the thinking. - Saut qualitatif et rationalité : La position philosophique de Kierkegaard - Mathieu Horeau p. 635-649 En opposant l'existence au système, Kierkegaard récuse l'automouvement de la dialectique spéculative au profit d'une dialectique ouverte qui ne conclut que par un saut. De la sorte, il est si loin de succomber à l'irrationalisme qu'on lui a parfois prêté qu'il exprime une authentique position philosophique, définie à partir d'Aristote et de Leibniz. C'est ensuite la confrontation avec Hegel qui fournit au philosophe danois l'occasion d'articuler la justification du saut et la requête de continuité propres à la perspective existentielle. Afin de contester la théorie hégélienne de la mesure, Kierkegaard se réapproprie le paradoxe du sorite, inventé par les mégariques. Simultanément, il explicite le sens de sa propre démarche à travers l'analyse du saut qualitatif.Qualitative Leap and Rationality
By bringing into opposition the existence and the system, Kierkegaard rejects the self-movement of the speculative dialectic in favor of an open dialectic which concludes by the mean of a leap. In this way, he is so far from succumbing to irrationalism that he expresses a genuine philosophical position drawn from his reading of Aristotle and Leibniz. It is then the confrontation with Hegel that provides the Danish philosopher the opportunity to articulate the justification for the leap and the request of continuity in the existential perspective. To challenge the Hegelian theory of measure, Kierkegaard appropriates the sorites paradox, invented by the Megarics. Simultaneously, he explains the meaning of his own approach through the analysis of qualitative leap. - Intériorité et extériorité chez Kierkegaard - Philippe Chevallier p. 651-659 Kierkegaard penseur romantique n'opposant aux systèmes philosophiques que sa subjectivité solitaire : tel est le reproche fréquent que semble renforcer la place dans son œuvre du rapport individuel à Dieu. Or c'est justement par sa pensée religieuse que Kierkegaard échappe au subjectivisme, appliquant au domaine de l'émotion individuelle des déterminations conceptuelles qu'il n'appartient pas au sujet de régir. La révélation que prétend avoir reçue un contemporain de Kierkegaard, le pasteur Adler, est l'occasion pour le penseur danois d'accentuer encore la séparation entre la vérité chrétienne et l'intériorité.Exteriority and Interiority in Kierkegaard
A romantic thinker whose only alternative to philosophical systems is his solitary subjectivity : such is the frequent criticism of Kierkegaard that the place in his work of the individual relationship with God seems to strengthen. However it is precisely by his religious thought that Kierkegaard escapes subjectivism, applying to the field of individual emotion conceptual determinations which the subject is not in a position to govern. The revelation which a contemporary of Kierkegaard, Pastor Adler, claims to have received is the occasion for the Danish thinker to accentuate the gap between the truth of Christianity and the field of interiority. - Anne ou la patience d'être soi selon Kierkegaard - Emmanuel Housset p. 661-684 Selon la philosophie moderne la pensée est une production de la subjectivité, la volonté est une auto-détermination et le temps est une auto-affection. Kierkegaard offre une autre compréhension de la vie volontaire en envisageant une volonté brisée par le prochain, par le temps et par Dieu. La patience n'est pas pour Kierkegaard un accident de notre caractère, mais la condition pour devenir une personne. Cela suppose de laisser de côté toute compréhension purement psychologique de la patience. La vraie persévérance s'oppose totalement à l'obsession de se blinder par rapport au monde. Entre l'endurance stoïcienne et la patience chrétienne comme patience dans l'espérance il n'y a pas d'essence commune. Kierkegaard montre que la patience de l'amour est une passivité qui est la voie du salut.Ann and the Patience to Be Oneself
For modern philosophy meaning is a product of subjectivity, will is a self-determination, and time is a self-affection. Kierkegaard gives us another meaning for a voluntary life by considering desire that is broken by the will of another man, time and God. Patience is not for Kierkegaard an accident of character but is the condition to becoming a person. It is necessary to ignore a purely psychological understanding of patience. True perseverance is radically opposed to an obsessive existence blinded to the world. Between the stoic conception of endurance and Christian patience there is no common essence. For Kierkegaard, the patience of love is a form of passivity that can save Mankind.
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 685-688
- Bibliographie : Ouvrages envoyés à la rédaction - p. 689
Bulletin de littérature hégélienne XXIII
- Bulletin de littérature hégélienne XXIII (2013) - p. 691-724
Bulletin de bibliographie spinoziste XXXV