Contenu du sommaire : Aux racines sociales du droit : variations autour de quelques thèmes luhmanniens
Revue | Droit et société |
---|---|
Numéro | no 47, janvier 2001 |
Titre du numéro | Aux racines sociales du droit : variations autour de quelques thèmes luhmanniens |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Présentation - André-Jean Arnaud p. 9-15
- La restitution du douzième chameau : du sens d'une analyse sociologique du droit - Niklas Luhmann p. 15-73
- Les multiples aliénations du droit : sur la plus-value sociale du douzième chameau - Gunther Teubner p. 75-99 Sur la base de l'essai de Niklas Luhmann, l'auteur traite de quelques conséquen-ces de l'autopoïèse en droit, mais déplace le centre de l'auto-référence interne du droit vers les relations externes entre le droit et la société. Il emploie l'idée de « re-entry » de Spencer Brown pour analyser la relation problématique entre le juridique et le non juridique, dévoilant une aliénation multiple du droit par rap-port à ses origines sociales. Il définit quatre thèmes de théorie sociale du droit : le rôle de l'argument juridique dans le litige, la co-évolution des régimes de produc-tion juridiques et sociaux, la capacité des sciences sociales à construire la réalité juridique et le retour de l'acteur collectif.
- Et si le douzième chameau venait à manquer ? Du droit expropriateur au droit envahi - Marcelo Neves p. 101-121 L'auteur signale les limites empiriques des interprétations du douzième chameau faites par Luhmann et Teubner. Elles ignoreraient des situations dans lesquelles la positivité en tant qu'autonomie du système juridique ne se réalise pas ou n'est pas satisfaisante (États périphériques de la société mondiale contemporaine). L'article souligne, en outre, les déficiences de la dogmatique juridique dans le ca-dre d'un droit insuffisamment différencié, la disproportion entre redondance et variété dans le domaine du droit et dans le contexte social ainsi que l'absence de concordance, dans les décisions, entre leur consistance au niveau de l'argumentation juridique et leur adéquation sociale.
- Le chameau dans le laboratoire. La théorie des systèmes et l'étude de la communication juridique quotidienne - Pierre Guibentif p. 123-153 La théorie des systèmes proposée par Niklas Luhmann, et notamment sa théorie du droit, accorde une place centrale au concept de communication. Étant donné que ce concept vise des événements d'ordre micro-sociologique, il devrait se prê-ter à une opérationnalisation empirique. C'est ce que nous essayons de faire, en l'utilisant pour analyser des entretiens menés dans le cadre d'une recherche sur les rapports entre médias et représentations sociales du crime, récemment menée au Portugal.
Etudes
- Monétarisation, généralisation de l'envie et paradoxe du droit - Jean Clam p. 155-182 La centralisation et la redistribution sociale du produit monétaire dans les sociétés démocratiques modernes génèrent pour Luhmann une problé¬matique qui engage le droit et révèle ses paradoxes originaires. Emprun¬tant à une théorie assez éloignée de son propre style réflexif, Luhmann voit dans le « désir mimétique » (R. Girard) un champ de tension premier sur lequel le droit va s'enter et devenir indécidable. Dans un contexte de monétarisation généralisée, d'accessibilité universelle des biens par la monnaie et de redistribution centrale du pouvoir d'achat, la rivalité invidiaire se généralise et le partage des dotations se politise. Le droit fait place à une lutte politique, à une « violence » de laquelle il naît.
- La communication sur les risques, la police et le droit - Richard V. Ericson, Kevin D. Haggerty p. 185-204 Le caractère central du droit pénal dans les activités de maintien de l'ordre ressort parfaitement de la désignation courante de la police comme organisation chargée de « l'application de la loi ». C'est ce rapport entre droit et travail de police que l'article propose de discuter. Le droit pénal s'est effacé au profit d'autres disposi-tifs juridiques utilisés dans la gestion des risques, pendant que la police devenait médiatrice d'un savoir sur les risques auprès d'institutions gérant une multitude de risques. En conséquence, le cadre juridique qui tend à s'imposer est davantage basé sur le respect des règles que sur des dispositifs de dissuasion. Le secteur de l'assurance illustre ces changements généraux dans les modes de gestion du ris-que.
- Gouvernance et légitimité : la politique de la drogue en Suisse comme cas exemplaire - Yannis Papadopoulos, Sonja Wälti, Daniel Kübler p. 205-235 Cet article traite des problèmes liés à la coordination de l'action publique dans des environnements complexes et fragmentés, à l'exemple de la politique de la drogue dans les principales agglomérations suisses. Deux lignes de conflit principales sont identifiées : les tensions résultant de l'implication de services administratifs et de groupes professionnels aux systèmes de valeurs différents ; et celles entre communes concernant la prise en charge des coûts de la politique de la drogue. Puis, sur la base d'entretiens semi-directifs, l'article explore dans quelle mesure des mécanismes de coordination remédient à ces conflits. Enfin, il met en évi-dence les problèmes de légitimation démocratique induits par cette forme de conduite de l'action publique.
- « Représentation miroir » vs parité. Les débats parlementaires relatifs à la parité revus à la lumière des théories politiques de la représentation - Catherine Achin p. 237-256 Le recours discursif au schème théorique de la « représentation miroir » est ré-current dans l'histoire des théories de la représentation politique. La spécificité des débats contemporains sur la parité réside toutefois dans la réussite du proces-sus constitutionnel et dans la construction d'une image de la société vue avant tout comme structurée par la différence des sexes. Les arguments des parlemen-taires favorables à la parité témoignent ainsi d'un dévoiement des principes cons-titutifs de la République française, au nom de la pratique et des bénéfices politi-ques de la mise en avant d'une « représentation figuration » de la société compo-sée à égalité d'hommes et de femmes.
- Monétarisation, généralisation de l'envie et paradoxe du droit - Jean Clam p. 155-182
Chronique bibliographique
- Le sentiment de responsabilité dans les mentalités contemporaines - Jean Kellerhals, Noëlle Languin, Massimo Sardi p. 257-275 Cet article vise à rendre compte de la conception dominante de la responsabilité civile dans la population d'aujourd'hui. Il le fait sur la base d'un échantillon repré-sentatif d'une population adulte urbaine (N = 600, 1997). Le sentiment de res-ponsabilité qui se dégage de nos analyses des mentalités contemporaines est mar-qué par un certain providentialisme : l'indi¬vidu devrait être libre de prendre les risques et engagements qu'il veut, mais devrait pouvoir s'en dédire de manière assez arbitraire et être couvert très généralement contre les conséquences de ses actes, même fautifs. L'État ne devrait pouvoir intervenir que marginalement dans les diverses prises de risque de l'individu. On examine en conclusion les différen-tes variantes qu'abrite ce portrait général et la distribution de ces types selon l'identité, les ressources et l'ancrage social des personnes interrogées.
- À propos de - p. 279-300
- Lu pour vous - p. 301-320
- Le sentiment de responsabilité dans les mentalités contemporaines - Jean Kellerhals, Noëlle Languin, Massimo Sardi p. 257-275