Contenu du sommaire
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Volume 62, janvier-mars 2009 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- John Ruskin, prophète du désastre dans « Traffic » - Isabelle Cases p. 3-15 En 1864, les citoyens de Bradford invitent John Ruskin, critique d'art craint et respecté, à participer à une conférence au cours de laquelle il pourra donner son sentiment sur la construction d'un bâtiment abritant leur nouvelle Bourse de la Laine. John Ruskin leur répond par un long discours traitant de l'inquiétant état physique et moral de la ville et de la nation entière, publié trois ans plus tard dans un recueil intitulé The Crown of Wild Olive. « Traffic » est une description enflammée du danger menaçant les habitants de Bradford et l'ensemble du pays si des changements drastiques ne sont pas adoptés. S'il est évident que Ruskin tente d'y effrayer les classes industrielles dont il méprise l'attitude outrecuidante en soulignant le déclin artistique et social de la civilisation victorienne, on peut aussi lire ce discours comme l'expression de sa propre terreur face à une décadence architecturale qu'il analyse comme un signe funeste et de sa conviction que l'industrialisation de masse ne peut que mener au chaos. Il s'agit là de thèmes récurrents dans son ?uvre, et l'on peut par ailleurs étudier l'impact de « Traffic » dans le contexte du développement urbain spectaculaire de la période victorienne qui inquiéta nombre de ses contemporains.
- Passing into the great romantic loves of rebellious flesh : medieval religion and the body in Walter Pater's Poems by William Morris and Two Early French Stories - Anne-Florence Gillard-Estrada p. 16-27 La notion d'« esprit médiéval » chez Walter Pater a été relativement peu abordée. À partir de l'étude de deux textes, « Poems by William Morris » et « Two Early French Stories », on s'efforcera de souligner le paradoxe suivant : selon Pater, la réaction contre la religion, qu'elle prenne la forme de l'antinomisme ou d'une libération sensuelle et physique, a pour origine le christianisme lui-même. Notre hypothèse de lecture est aussi que les modalités du discours sur l'amour sont différentes selon que Pater traite du corps féminin ou masculin, l'un évoquant le désordre et l'autre l'harmonie.
- Illustrer The Picture of Dorian Gray : les paradoxes de la représentation - Xavier Giudicelli p. 28-41 The Picture of Dorian Gray d'Oscar Wilde peut se lire comme l'histoire d'un portrait irreprésentable. Pourtant, ce roman a été illustré à plusieurs reprises. Cet article a pour objet d'étudier les modalités et les enjeux de l'illustration de cette ?uvre à travers l'étude d'images tirées de trois éditions illustrées : deux britanniques (Henry Keen, 1925, et Michael Ayrton, 1948) et une édition française récente (Tony Ross, 2000). L'illustration de The Picture of Dorian Gray peut être envisagée comme la tentative de donner à voir ce qui dans l'?uvre de Wilde ressortit à l'irreprésentable : l'illustration réfléchit les fantasmes des artistes et constitue ainsi une mise en abyme de la lecture du roman. La transposition du texte à l'image se fait par ailleurs à travers le filtre de codes esthétiques, mais aussi de constructions idéologiques. L'étude des illustrations de The Picture of Dorian Gray invite enfin à réfléchir à l'inscription du temps dans l'espace du visuel. Envisagées dans une perspective diachronique, les différentes versions illustrées offrent une image changeante de ce roman : derrière elles s'inscrit souvent en filigrane un portrait d'Oscar Wilde.
- The over-aesthetic eye and the monstrous development of a phenomenal larynx : Du Maurier's art of excess in Trilby - Nathalie Saudo-Welby p. 42-55 Dans Trilby (1894), roman fin de siècle, des génies aux capacités surdéveloppées et au sens moral atrophié côtoient des gentlemen plus grands que nature et une foule hystérique. Roman de la dégénérescence, Trilby démontre les inquiétantes déformations physiques et les réactions extrêmes provoquées par l'art. En étudiant les métamorphoses des yeux et de la voix, et en se penchant sur le style du roman, on tentera de mieux cerner son esthétique : témoigne-t-elle d'une participation aux dérives du temps, ou d'une réaction face à ses excès ? Le narrateur jovial à l'optimisme contagieux compense la morbidité de son propos à grand renfort d'hyperboles et de plaisanteries. Les illustrations de l'auteur font triompher une beauté athlétique et aristocratique. Célébration des pouvoirs de l'?il et de la voix, Trilby participe aussi par ses excès aux expérimentations du temps.
- « A chalice empty of wine » : l'imaginaire sacramentel dans la littérature fin de siècle en Angleterre - Claire Murray-Masurel p. 56-72 À la fin de l'ère victorienne, une mode catholique se développe dans les milieux littéraires anglais, et nombreux sont les écrivains de la période qui puisent dans le catholicisme comme dans un réservoir d'images. L'attention que les décadents, particulièrement sensibles au rôle prépondérant du signe, du geste, du symbole dans le sacrement catholique, portent à la liturgie et à la dimension esthétique du culte prend racine dans la vision patérienne de la religion, et plus particulièrement du rite chrétien. Dans la littérature fin de siècle, le sacrement est vidé de son caractère sacré, et le signe liturgique perd sa fonction de manifestation pour ne plus être considéré que pour ses qualités esthétiques. L'Eucharistie, en particulier, devient l'élément central d'une religion sans transcendance, une source d'images poétiques, dissociée de tout signifié théologique.
- J. R. R. Tolkien l'antimoderne - Joanny Moulin p. 73-85 L'?uvre de J. R. R. Tolkien a été remise au goût du jour par les versions cinématographiques du Seigneur des Anneaux. Elle a ainsi atteint un public encore plus large que celui des romans, avec sans doute pour résultat d'accroître le nombre des lecteurs, mais aussi l'inconvénient que nombre de spectateurs se contenteront d'avoir vu les adaptations à l'écran. Cela a entraîné certains déplacements dans la réception de Tolkien, qui s'apparentent souvent à des déformations, dues le plus souvent à un manque de connaissance approfondie. L'?uvre de Tolkien mérite d'être replacée dans son contexte de l'histoire des idées du XXe siècle. Il est bon de se souvenir que Tolkien, outre qu'il fut philologue, était aussi un auteur catholique, issu de l'héritage culturel du Mouvement d'Oxford. Nombre de ses idées pourraient lui valoir une place parmi ceux qu'on appelle les « anarchistes de droite », qui ont en commun d'être des critiques éloquents de certains aspects de la modernité.
- Silence ?even against the language?: George Oppen's poetics of infant joy and infant sorrow - Xavier Kalck p. 86-100 Cet article se propose de considérer la question du silence dans l'?uvre poétique de George Oppen comme le dilemme à sa source, en s'efforçant de percer certaines des opacités déterminantes qui entourent encore cette ?uvre. En soulignant la méfiance de ce poète envers le langage au sein de ses expérimentations poétiques, ainsi que les difficultés qu'il rencontra à exprimer l'expérience, cette analyse présente la notion d'enfance comme c?ur implicite des textes.
- Pour une esthétique de l'espionnage : le cas étrange du Dr Pedersen dans The Heroes of Telemark, d'Anthony Mann (1965) - Jean-Pierre Naugrette p. 101-112 Situé pendant la Seconde Guerre mondiale, The Heroes of Telemark (1965), film d'Anthony Mann, raconte la lutte héroïque d'une poignée de résistants norvégiens contre un occupant allemand décidé à fabriquer de l'eau lourde afin de se procurer la bombe atomique. Est-ce pour autant un simple film de guerre ? Un appui sur les Mythologies de Barthes permet de lire le contexte hivernal des années 1960, associé à la Norvège, sous un autre angle. Une comparaison avec Le Rideau déchiré de Hitchcock (1966) met en lumière celui de la guerre froide. Surtout, l'analyse de la scène où le docteur Pedersen (Kirk Douglas) accepte de se rallier à la résistance du fond de son laboratoire à l'université d'Oslo permet de dégager, avec un traitement spécifique des couleurs, de la musique et de la sur-écoute (overhearing), ce que Peter Szendy (2007) définit comme une « esthétique de l'espionnage ».
- John Ruskin, prophète du désastre dans « Traffic » - Isabelle Cases p. 3-15
Étude critique
- Keats revisité : Melencolia II - Denis Bonnecase p. 113-120
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 121-128