Contenu du sommaire : Critique de la participation et gouvernementalité

Revue Participations Mir@bel
Numéro no 6, mai 2013
Titre du numéro Critique de la participation et gouvernementalité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Critique de la participation et gouvernementalité

    • Gouvernementalité et participation : Lectures critiques - Guillaume Gourgues, Sandrine Rui, Sezin Topçu p. 5-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'enjeu d'une analyse des critiques de la démocratie participative ne peut aucunement se limiter à une délimitation fictive entre approches distanciées et approches normatives. L'examen de la pluralité et des mutations des postures critiques qui traversent les recherches sur la participation et la délibération publique nous permet de dégager une partition plus significative entre des perspectives surplombantes et celles faisant une place aux évaluations, aux modes d'engagement et aux jugements des acteurs sociaux, généralement sévères à l'égard de l'offre publique de participation. Par-delà la diversité des cadres théoriques mobilisés, se dégage un mouvement général : la critique sociale joue un rôle actif dans toutes réflexions et orientations relatives à la participation, qu'il s'agisse de la production de l'ordre ou au contraire des résistances dont les pratiques participatives font l'objet. Cette consubstantialité des critiques théoriques et sociales invite alors à retenir une approche en termes de « gouvernementalité », afin d'apprécier si, au regard de l'analyse singulière des rapports de pouvoir qu'elle défend, il y a là une posture et une voie analytique propre à renouveler la critique de la participation.
      Participation and governmentality
      Critical analysis of participatory democracy cannot be limited to a problematic separation between “normative” approaches and those that would be more “reserved” or “distant” vis-à-vis public engagement practices. The study of the plurality as well as the transformations of critical positions, which have a permanent influence on research on public participation and deliberation, offers the opportunity to elaborate a more appropriate differentiation between simplistic perspectives and those that are more careful to evaluations, to mobilization forms and to social actors' judgments (who are rarely satisfied with participatory politics). Indeed we observe not only an increasing number of critical theoretical frameworks but also a more general wave of social and public criticism : social actors actively contribute to the reflection on and to the orientation of participatory practices, both in terms of the production of order, and of the resistances generated by such an order. Based on such consubstantiality between theoretical and social critical views, we argue that the “governmentality” perspective provides a fruitful hypothesis for studying the power relationships that surround the settlement of public par and could serve as a renewed academic approach.
    • La problématisation de la participation à travers l'histoire de la gouvernementalité - Pierre Sauvêtre p. 35-63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article distingue deux modes de problématisation dans les travaux contemporains sur la participation – la problématisation « citoyenne » et la problématisation « critique » – et explique qu'il est possible de les articuler l'une à l'autre dans la problématique foucaldienne de la gouvernementalité. Il analyse ensuite la problématisation de la participation dans les années 1968 et montre comment une critique interne au dispositif participatif étatisée du gaullisme a fait émerger des pratiques participatives liées à un processus de véridiction et de gouvernementalsation alternatives : la res nullius.
      The problematization of participation through the history of governmentality
      The article distinguishes two ways of problematization in the contemporary works on participation (the “civic” problematization and the “critical” problematization) and explains how to articulate them within the foucaultian perspective of governmentality. It analyzes then the problematization of participation during the 1968s and shows how an internal criticism of De Gaulle's state-dominant participative device rose up participative practices bound to a new regime of truth: the res nullius.
    • « Où donc est le danger ? » : Participation et usages de Foucault - Sandrine Rui p. 65-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Peu mobilisée pour penser la sphère publique, la pensée de Foucault fait cependant l'objet d'usages diversifiés. Cet article propose un aperçu de cette diversité qui tient tout autant aux bifurcations et aux contradictions de son œuvre, qu'aux lectures différenciées. Si Foucault est volontiers convoqué pour penser les effets de pouvoir et de police, il l'est moins pour saisir les effets de subjectivation politique, individuels et collectifs. L'article insiste sur tout l'intérêt des travaux qui, sans occulter les premiers, ont su tirer profit d'intuitions heureuses pour penser les seconds au motif que là où il y a pouvoir, il y a résistance.
      « Where is the danger? »While Foucault's work is little mobilized for thinking of the public sphere, it entails to various uses. This article proposes an outline of this diversity which proceeds as much from the breaks, changing stances and contradictions of his thought that from the differentiated readings. If Foucault is usually used to think of the effects of power and police, his work is less used to seize the effects of subjectivation, individual as well as collective. The article insists on all the interest of some works that benefit from foucaultian intuitions to think of the second without ignoring the first. Because where there is power, there is resistance.
    • Une idée sur le déclin ? : Évaluer la nouvelle critique de la délibération publique - Luigi Pellizzoni, Laurent Vannini p. 87-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La démocratie délibérative s'est répandue à toute vitesse, sans distinction de tradition politique ou étatique. Un débat s'est développé tout aussi rapidement à propos de ses vertus et limites ; il s'est orienté progressivement de la théorie vers la pratique ; son centre de gravité s'est déplacé des arènes de la délibération vers leur contexte politique et institutionnel ; mais il n'a pas remis en question la nature et les implications fondamentalement bénéfiques de la délibération publique. Néanmoins, il semble que nous soyons aujourd'hui à un tournant. Un nombre grandissant de travaux académiques développe un autre type de critique, plus virulente, au centre de laquelle se trouvent non pas la revitalisation de la démocratie et le rôle joué par les forums délibératifs dans la « nouvelle ère » de la gouvernance, mais la « néolibéralisation de la société », et l'intégration, à l'œuvre dans ce processus, de la démocratie délibérative dans une rationalité de gouvernement. Par conséquent, certaines questions posées depuis longtemps y sont interprétées ou hiérarchisées différemment, tandis que d'autres sont soulevées avec plus d'insistance, notamment celles qui traitent de la politique et « du politique ». Cet article analyse les principaux arguments propres à cette seconde catégorie de travaux, qui font voir « faiblesses » et « désavantages » non pas comme des éléments fortuits et corrigibles, mais comme des qualités en grande partie intentionnelles, et responsables du succès même de la délibération. Néanmoins, plutôt que de souligner le destin tragique auquel serait vouée par nature la démocratie délibérative, cette étude suggère une refonte du programme de recherche qui en a fait son objet.
      Sloping down?
      Deliberative democracy has spread quickly, regardless of differences in political and administrative traditions. An equally fast-evolving debate has addressed its virtues and problems, gradually shifting from theory to practice and from a focus on deliberative arenas to a concern for their policy and institutional context, without questioning the fundamentally benign nature and implications of public deliberation. We might however be confronted with a turning point. A growing literature is developing a different, more corrosive type of critique, the underlying theme of which is not the “revitalization of democracy” and the role of deliberative forums in the framework of governance, but the “neoliberalization of society” and the acquisition of deliberative democracy to the rationality of government at work in this process. As a consequence, well-known problems are read or ranked differently and new questions gain salience, as especially related to politics and “the political”. The article discusses the basic arguments of this literature, where “weaknesses” and “drawbacks” do not look incidental and redeemable but largely purposeful and responsible for the very success of deliberation. Rather than to the ill-fated character of deliberative democracy, however, this critique points to a renewed research agenda.
    • « Perúpetro est ton ami » : un gouvernement des contestataires en Amazonie péruvienne - Doris Buu-Sao p. 119-139 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Amazonie péruvienne, les acteurs de l'extraction pétrolière se saisissent de l'appareil de la participation de manière à pacifier les conflits suscités par leur activité. Les mécanismes participatifs se présentent comme des instruments adaptables aux modalités de contestation. Ils vont de pair avec les techniques des compagnies privées pour établir des relations « harmonieuses » avec les populations locales. L'ethnographie d'un de ces interstices institutionnels de la participation, où des acteurs publics et privés du secteur extractif tissent des relations d'« amitié » avec certaines élites locales, donne à voir un « gouvernement des contestataires », producteur d'un leadership indigène technique qui consent et participe à l'extraction pétrolière.
      “Perúpetro is your Friend”: a Government of Protesters in Peruvian Amazon
      In Peruvian Amazon, actors of oil extraction seize participation apparatus to pacify the conflicts provoked by their activity. Participative devices serve as tools that fit to the modes of protest. They go together with private companies' techniques for establishing “harmonious” relationships with local populations. The ethnography of one of these institutional interstices of participation, where public and private actors of extractive sector forge “friendship” relation with some local elite, shows how a “government of protesters” generates a technical indigenous leadership that agrees to oil extraction and takes part in it.
    • Quand participation rime avec institutionnalisation : Société civile, santé reproductive et critiques féministes au Mexique - Alicia Márquez Murrieta p. 141-165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 1997, on observe, à Mexico, une interaction importante entre le secteur de la santé publique et les organisations de la société civile (OSC) proches d'un certain discours féministe. Et on observe notamment ce phénomène dans le secteur de la santé reproductive. Les travaux actuels portant sur ce thème n'abordent pas, ou peu, les tensions et les critiques qui émergent de cette relation. Notre objectif est double. Il s'agit, d'abord, d'analyser le type de relation entre ces organisations de la société civile et le secteur de la santé de la ville. Ensuite, nous allons tenter de comprendre les tensions que cette relation a provoquées à l'intérieur de ces organisations, ainsi qu'avec d'autres courants du mouvement féministe.
      When participation becomes institutionalised
      Since 1997 we can observe in Mexico City an increasingly important interaction between public health institutions and organisations from civil society close to certain feminist arguments. More specifically, we can see the development of this phenomenon in matters of reproductive health. Recent works on this subject have treated the tensions and criticisms generated by this relationship and its implications lightly or not at all. Our objective is twofold. On one hand, we will analyse the type of interactions between organisations from civil society and Mexico City's public health sector; on the other, we attempt to understand the tensions this relationship has created within these organisations and different currents within the feminist movement.
    • L'enrôlement des gens ordinaires : L'évitement du politique au c?ur des nouvelles stratégies gouvernementales ? - John Clarke, Laurent Vannini p. 167-189 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les stratégies récemment adoptées pour « gouverner le social » ont fait grand cas de la participation des gens ordinaires à leurs processus. Cette foi accordée à la valeur des gens ordinaires rapproche certaines initiatives prises au Royaume-Uni, dans les domaines des services publics et de la citoyenneté, d'innovations apportées aux stratégies de développement dans les pays émergents. L'auteur s'interroge sur ce qui rend les gens ordinaires si attrayants au regard des stratégies gouvernementales. Il avance l'hypothèse que cet attrait est lié à leur posture présumée a-politique ainsi qu'à leur capacité à véhiculer des valeurs, des connaissances et de nombreuses autres ressources inaccessibles à l'État. L'auteur soutient que gouverner sans faire de politique est probablement une ambition gouvernementale, mais qu'il ne faut pas compter sur les gens ordinaires pour assumer ce rôle-là.
      Enrolling ordinary people
      Recent strategies for “governing the social” have placed a premium on recruiting ordinary people to their processes. This commitment to the value of ordinary people links UK initiatives in public services and citizenship to innovations in development strategies in the global south. This paper asks what it is that makes ordinary people such a desired object of governmental strategies and suggests that it is their assumed a-political character and their capacity to bring values, knowledge and other resources that are beyond the state. This article suggests that keeping politics out of governing may be a governmental ambition, but ordinary people cannot be relied on to perform in such ways.
  • Varia

    • L'introuvable délibération : Ethnographie d'une conférence citoyenne sur les nouveaux indicateurs de richesse - Rémi Lefebvre p. 191-214 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose une approche ethnographique d'une conférence de citoyens tenue en novembre 2009 sur les nouveaux indicateurs de richesse, commandée par le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Il montre que ce qui se joue dans ce type de dispositifs ne peut s'appréhender au prisme exclusif de la délibération qui fonde pourtant leur légitimité. Ce qui est en jeu dans le jury considéré, c'est moins la délibération que les stratégies de préservation de la « face » des participants, la constitution du groupe et les logiques de sociabilité, les inégalités de participation et les effets de cadrage de l'équipe d'animation.
      The untraceable deliberation
      The article deals with an ethnographic approach of a citizens jury held in November 2009 about the new indicators of wealth and ordered by regional council of Nord Pas de Calais. It shows that what is at stake in that kind of procedure cannot be analyzed through the exclusive focus of the deliberative theory. What matters in the case we considered is less deliberation than the constitution of the group, the sociability, the inequalities and the effects of the organizers' framing.
  • Lecture critique