Contenu du sommaire : Le pragmatisme : une idée américaine

Revue Revue française d'études américaines Mir@bel
Numéro no 124, 2ème trimestre 2010
Titre du numéro Le pragmatisme : une idée américaine
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Le pragmatisme : une idée américaine

    • Le pragmatisme : une idée américaine - Arnaud Schmitt p. 3-10 accès libre
    • Pragmatism, Pluralism, and Public Democracy - John R. Shook p. 11-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les années 1920 et 1930, les arguments développés en faveur d'une démocratie pluraliste et participative contribuèrent à l'émergence de mouvements tels que le pacifisme, la défense des travailleurs et des minorités ethniques et le combat en faveur des droits civiques. En matière de pluralisme et de démocratie libérale, des penseurs pragmatistes, au nombre desquels figuraient John Dewey, Horace Kallen, Randolph Bourne, Jane Addams et W. E. B Du Bois, développaient alors des théories analogues à même de justifier les causes progressistes. Les écrits de Du Bois démontrent qu'il était sensible à la distinction, également présente chez d'autres pragmatistes, entre deux versions du multiculturalisme, l'une fondée sur la coexistence de groupes étanches entre lesquels existe un rapport de concurrence, et l'autre, bien préférable, sur l'interpénétration partielle de groupes sociaux aux frontières sans cesse fluctuantes. Selon Dewey, la démocratie participative correspond le mieux à la structure d'une société caractérisée par ce genre de multiculturalisme diffus. Les arguments de Dewey en faveur du multiculturalisme diffus et de la démocratie participative suscitaient l'admiration des philosophes pragmatistes ainsi que des libéraux, des progressistes, des socialistes, des pacifistes et des défenseurs du droit de vote des femmes, qui les reprenaient souvent. Comme son prédécesseur, Rorty demande que les membres d'une société démocratique adoptent tous le point de vue post-métaphysique du libéralisme ironique afin de bannir toute vision essentialiste de la nature humaine ou de la culture. Au contraire, la démocratie libérale fonctionne mieux si ses membres font simultanément allégeance à plusieurs instances, aux groupes auxquels ils appartiennent prioritairement, à ceux qu'ils apprécient et à une société structurée de manière à permettre à tous d'en savourer la diversité.
      During the 1920s and 1930s, defenses of participatory and pluralistic democracy helped emerging social causes such as the pacifist, ethnic, labor, and civil rights efforts. Pragmatists including John Dewey, Horace Kallen, Randolph Bourne, Jane Addams, and W. E. B. Du Bois offered similar theories of cultural pluralism and liberal democracy adequate for justifying progressive causes. Du Bois's writings exhibit sensitivity to a distinction, made by other pragmatists as well, between a multiculturalism of mutually exclusive groups contained like marbles within one jar of society, and a much preferable multiculturalism of partially interpenetrating, overlapping, and constantly shifting groups composing society. Participatory democracy, according to Dewey, makes the best political fit with a diffusely multicultural society. Dewey's arguments favoring diffuse multiculturalism and participatory democracy were widely admired and repeated by philosophical pragmatists and by politically active liberals, progressives, socialists, pacifists, advocates of women's suffrage, and defenders of ethnic civil rights and liberties. Rorty similarly asks that members of a democratic society all take the post-metaphysical standpoint of liberal ironism so that no essentialism of human nature or of culture can arise. Liberal democracy works better if its members instead have multiple loyalties: loyalty to one's own primary subgroup(s), loyalty to other subgroups that one also enjoys, and loyalty to a society that permits everyone to share in the society's diversity.
    • Rorty lecteur de Peirce et Wittgenstein : Sur un article de jeunesse de Rorty - Christiane Chauviré p. 29-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le jeune Rorty, qui se réclame encore de la philosophie analytique, rapproche dans un article deux auteurs, Peirce et Wittgenstein, qui sont partis en guerre contre l'esprit de réduction : refusant de réduire le sens à une entité à bords nets, ils en proclament le caractère irréductiblement vague. Selon Peirce en effet, toute signification se déploie dans le futur et revêt un caractère indéterminé, le sens d'un terme intellectuel s'identifiant à la somme des effets pratiques possibles de son utilisation (maxime pragmatiste). Wittgenstein, de son côté, s'emploie – contre l'esprit de réduction – à maintenir ouvert le caractère du sens, identifié à l'usage des mots. Les deux auteurs luttent ainsi contre une figure du réductionnisme en philosophie.
      At a time when he still described himself as an analytical philosopher, the young Rorty wrote an article in which he suggested a parallel between Peirce and Wittgenstein, on the ground that they both attack the reductionist outlook in philosophy : these two thinkers refuse to assume that meaning has well-defined boundaries, proclaiming instead that its vagueness is constitutive and cannot be eliminated. According to Peirce, all meaning is future-oriented and indeterminate, as the significance of a notional term is identical to the sum of the practical effects associated with its use, a basic principle of pragmatism. As to Wittgenstein, he combats reductionism by insisting that all meaning is open-ended, being identical to the actual uses of words. Both writers thus oppose one of the major modes of philosophical reductionism.
    • A Glimpse of Pragmatism's Future - Joseph Margolis p. 39-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, je mets en avant trois idées : premièrement, que l'avenir du pragmatisme dépend de sa capacité à retrouver et à expliciter les motivations premières de la critique hégélienne de Kant ; deuxièmement, que le pragmatisme hégélianise Darwin et darwinise Hegel ; troisièmement, que ce que le pragmatisme peut apporter de plus prometteur à la tradition eurocentrique en philosophie se laisse deviner grâce au traitement similaire que Peirce et Cassirer réservent à la question du rapport entre le fini et l'infini. En dernière analyse, Peirce et Cassirer sont tous deux des kantiens hégélianisés.
      I emphasize three themes: for one, that pragmatism's future lies with its explicit recovery of the main purpose of Hegel's critique of Kant; for another that pragmatism Hegelianizes Darwin and Darwinizes Hegel; and for a third, that the best promise of pragmatism within Eurocentric philosophy may be glimpsed in the convergence between Peirce's and Cassirer's treatment of the continuum of the finite and infinite. In effect, both Peirce and Cassirer are Hegelianized Kantians.
    • An Outline of Pragmatism - Howard O. Mounce p. 49-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objectif de dégager les traits distinctifs du pragmatisme tel qu'il s'est développé tout au long du XXe siècle. Il propose d'examiner les idées des principaux penseurs pragmatistes de Peirce à Dewey, mais aussi d'évaluer l'influence que les formes récentes du pragmatisme ont exercée sur l'esthétique et la philosophie continentales. L'auteur observe que le pragmatisme de Peirce, le fondateur du mouvement, diffère de celui de ses successeurs, notamment Dewey et Rorty. Il exprime une préférence en faveur du pragmatisme sous sa forme originelle.
      The aim of this paper is to indicate the main features of pragmatism, as it developed during the twentieth century. Attention is given to the views of the leading pragmatists, from Peirce to Dewey, and also to the influence of pragmatism, in its later form, on aesthetics and continental philosophy. The author notes a contrast between the pragmatism of Peirce, its originator, and that of later pragmatists such as Dewey and Rorty. His own bias is in favour of pragmatism in its original form.
    • What Pragmatism Means to Me: Ten Principles - Richard Shusterman p. 59-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le pragmatisme est une tradition complexe, au sein de laquelle le débat fait rage et dont les représentants défendent des positions philosophiques très variées, voire souvent incompatibles. Cet article expose dix thèmes fondamentaux qui jouent un rôle essentiel dans le pragmatisme tel que je le conçois et qui, pour la plupart, retiennent l'attention des principales figures du mouvement pragmatiste. Ces thèmes ne sont pas énumérés par ordre d'importance, mais de la manière qui m'a semblé la plus à même d'en faire apparaître la signification et la portée au fil d'un exposé bref mais cohérent. En voici la liste : 1) la nature changeante, ouverte et contingente de la réalité ; 2) le primat de l'action, de la pratique et des intentions de l'être humain jusque dans le domaine de la pensée théorique ; 3) un naturalisme non réducteur, respectueux de la place du corps ; 4) une approche anti-cartésienne, opposée à la recherche de certitude et au dualisme cartésiens ; 5) la nécessité de la communauté, considérée comme une condition nécessaire de la quête de savoir et de l'accès au sens ; 6) une orientation empiriste qui reconnaît le rôle de l'expérience et de l'expérimentation dans le domaine de la cognition comme dans tous les autres champs de l'activité humaine ; 7) une orientation qui privilégie l'avenir ; 8) une attitude mélioriste envers la théorie et la pratique ; 9) une approche holistique qui met l'accent sur la continuité plutôt que sur le dualisme et qui aborde la signification et la croyance en rapport avec des totalités appréhendées dans leur contexte ; 10) un pluralisme qui valorise la diversité des pratiques, des valeurs et des significations.
      Pragmatism is a complex and contested tradition with diverse philosophical voices and conflicting points of view on many topics. This essay expounds ten basic themes that are fundamental to my conception of pragmatism and that are, for the most part, shared by major figures in the pragmatist tradition. These themes are not presented in their order of importance but in an order that seemed most conducive to a brief but coherent exposition of their meaning and scope. The themes are 1) the changing, open, and contingent nature of reality; 2) the primacy of human action, practice, and purpose in even our most cognitive pursuits and theoretical concepts; 3) a non-reductive, embodied naturalism; 4) an anti-Cartesian approach that rejects the quest for certainty and Cartesian dualism; 5) the necessity of community as a condition for the effective pursuit of knowledge and the realization of meaning; 6) an empirical orientation that recognizes the importance of experience and experimentation in cognition and in other areas of life; 7) a future-looking orientation; 8) a meliorist attitude toward theory and practice; 9) a holistic approach that emphasizes continuities rather than dualisms and that regards meaning and belief in terms of contextual wholes; 10) a pluralistic appreciation of diversity of practice, values, and meanings.
  • Varia

    • The Fear of Religious and Social Radicalism: The Princeton Critics' Reaction against Transcendentalism - Sabine Remanofsky p. 66-81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'explorer un des aspects de la réaction des théologiens de Princeton contre le transcendantalisme. Pour les professeurs du séminaire de Princeton, le transcendantalisme était une double hérésie, à la fois religieuse et sociale, d'autant plus dangereuse qu'elle semblait légitimer et encourager beaucoup d'autres formes d'agitation sociale qui traversaient la société américaine à l'époque antebellum.
      In this article, the author looks at one aspect of the reaction of the Princeton theologians against Transcendentalism. She argues that, for the professors of Princeton Theological Seminary, Transcendentalism was both religiously and socially heretical, as well as potentially dangerous since it seemed to rationalize and to encourage much of the social agitation that characterized antebellum America.
    • Washington face à l'Union de la gauche en France, 1971-1981 - Frédéric Heurtebize p. 82-102 accès libre avec résumé en anglais
      Both the Ford and the Carter administrations regarded the rise of the Union of the Left in the 1970s with suspicion, albeit to a different extent. Ideology, international events and domestic political issues exacerbated the Ford administration's hostility towards an electoral alliance that was about to bring the Communists into the government of France. Comparatively, the Carter administration expressed less concern. Although it had no sympathy for the Communist Party, the Carter team viewed the rise of a French social-democracy favorably.
    • De la « menace portoricaine » aux mobilisations hispaniques : la trajectoire collective des Boricuas de New York - Audrey Célestine p. 103-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il s'agit dans cet article de comprendre les stratégies développées par les leaders portoricains après la Seconde Guerre mondiale, pour présenter une image positive de la population qu'ils représentaient à New York. Il montre notamment la manière dont l'action du gouvernement portoricain, à travers l'établissement de son Bureau des Migrations, la lutte des Afro-Américains pour les droits civiques, l'« empowerment » ou le « community organizing » ont façonné l'action politiques des leaders portoricains. L'article traite également de l'adoption progressive du langage de la pan-ethnicité, par le biais du label « latino » ou « hispanique », par les Portoricains de New York.
      This article examines how Puerto Rican political leaders, after World War II, developed strategies oriented towards the building of a positive image of the Puerto Rican community in New York City. It shows how the government of Puerto Rico and the Bureau of Employment and Migration, the African-American struggle for civil rights, empowerment, and community organizing helped shape Puerto Rican leaders' political activism. It also analyses the process through which Puerto Ricans in New York came to adopt the language of Latino pan-ethnicity.
  • Comptes rendus