Contenu du sommaire : Numéro spécial : Pratiques d'écriture
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales |
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Numéro | vol. 56, no 4, septembre 2001 |
Titre du numéro | Numéro spécial : Pratiques d'écriture |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pratiques d'écriture - Jacques Poloni-Simard p. 781-782
Une histoire de la culture écrite
- Culture écrite et littérature à l'âge moderne - Roger Chartier p. 783-802 Cet article analyse la division, à la fois historique et historiographique, entre lecture et écriture, ainsi que la conquête de la capacité à écrire par ceux et celles auxquels était refusé son enseignement. De là, l'attention portée sur les traces laissées par les écritures ordinaires, leurs formes majeures (correspondances ou autobiographie) et leurs significations religieuses, commerciales ou administratives. De là aussi, la présentation des compétitions qui opposent les professionnels de l'écrit, et qui portent sur la définition de la norme graphique, l'enseignement des écritures, l'expertise devant les tribunaux ou la délégation d'écriture. Une dernière partie de cet essai est consacrée à l'appropriation par les ?uvres de fiction ? en particulier le théâtre élisabéthain ? des objets et pratiques de la culture écrite et aux relations nouées entre oralité et écriture : d'un côté, la transmission orale de textes manuscrits ou imprimés, de l'autre, la transcription des paroles vives.
- Entre public et privé : Stratégies de l'écrit dans l'Espagne du siècle d'or - Antonio Castillo Gómez p. 803-829 L'article se propose d'étudier les pratiques de l'écriture dans l'Espagne de la fin du XVe au milieu du XVIIIe siècle, à travers la relation qui existe entre la fonction des textes et leurs conditions de production, de diffusion et de réception. Les formes de l'écrit résultent des différentes stratégies et objectifs poursuivis, appropriation publique (inscriptions, tables, pamphlets ou graffiti), ou circulation plus restreinte et privée (correspondances, livres de comptes, mémoires, journaux personnels, autobiographies). Cette distinction entre écritures publiques et privées ne doit cependant pas être entendue comme un concept fermé : il importe de mettre en évidence leurs interrelations.
- Culture écrite et littérature à l'âge moderne - Roger Chartier p. 783-802
Du texte : statut, valeur, caractères
- Tabula picta : L'écriture, la peinture et leur support dans le droit médiéval - Marta Madero p. 831-847 Le propos s'inscrit dans la problématique de l'histoire sociale des écritures, immense champ de recherches visant à comprendre comment les formes matérielles des objets qui portent l'écrit participent de la construction de leur sens. Pour définir les conceptions que les glossateurs et commentateurs du droit romain ont eues de la matérialité des objets écrits ou peints, l'on doit recourir aux catégories juridiques, qui redéfinissent constamment la caractérisation des objets à partir d'oppositions variables et croisées, ainsi entre le sec et l'humide, la partie et le tout, l'identique et le différent, le divisible et l'inséparable. La pluralité de ces logiques montre que la matérialité n'est pas un donné, mais une construction du discours dont la fécondité heuristique nous oblige à réfléchir sur les conceptions diverses qui ont lié les productions esthétiques ou intellectuelles et leurs supports.
- Le rossignol et l'hirondelle : Lire et écrire à Byzance, en occident - Guglielmo Cavallo p. 849-861 Une enquête sur les pratiques de lecture dans le monde byzantin fait apparaître une grande continuité avec celles de l'époque gréco-romaine. On lit en général à haute voix. Écriture et lecture des livres sont entièrement dissociées, l'une de ces opérations étant manuelle et rémunérée, l'autre purement intellectuelle. La lecture est une activité essentiellement privée, circonscrite à la sphère domestique ; il existe des « cercles de lecture » où les ouvrages littéraires sont lus et présentés en avant première. En revanche, il n'y a pas de lecture à l'intérieur des monastères, car les moines ne connaissent qu'un tout petit nombre de textes et ne pratiquent bien souvent que le psautier. Le haut Moyen Âge occidental présente un panorama profondément différent : la lecture est habituellement silencieuse ou murmurée. La lecture privée chez les laïcs est un phénomène rare, car les livres sont lus dans les institutions ecclésiastiques : évêchés et monastères. Il n'existe, par ailleurs, aucun hiatus entre lire et écrire, puisque la copie des textes pieux concourt elle-même à l'instruction chrétienne. Ces différences très marquées ont leur source dans des facteurs qui relèvent à la fois de l'anthropologie et de l'histoire culturelle, voire de la pratique quotidienne.
- Une société aux lisières de l'alphabet : La paysannerie hongroise aux XVIIe et XVIIIe siècles - István György Tóth p. 863-880 L'étude des populations paysannes dans la Hongrie des XVIIe - XVIIIe siècles permet de comprendre comment les sociétés anciennes pouvaient rester aux marges de la culture écrite. À cette date, l'illettrisme est général chez les ruraux hongrois, qui ne savent pas signer, sinon d'une croix, les documents officiels que, pourtant, tous ne sont pas inaptes à déchiffrer. On distingue mal, en effet, dans les sources d'archives, les illettrés des semi-alphabétisés qui savent lire mais non écrire, et ont accès aux livres de prières et au psautier, mémorisés par c?ur et récités à l'unisson. Au XVIIIe siècle, l'alphabétisation connaît un progrès notable au sein du monde paysan ; pour autant, les ruraux illettrés, qui demeurent nombreux, continuent de prêter à l'écrit (livres, opuscules non reliés, lettres...) un pouvoir et une autorité considérables, voire une valeur magique, que les procès pour faux en écriture et pour sorcellerie contribuent à mettre en évidence.
- Tabula picta : L'écriture, la peinture et leur support dans le droit médiéval - Marta Madero p. 831-847
Médiations scripturaires, paroles ouvrières
- Normes graphiques et pratiques de l'écriture : Maîtres écrivains et écrivains publics à paris aux XVIIe et XVIIIe siècles - Christine Métayer p. 881-901 Dans la France partiellement alphabétisée des XVIe - XVIIIe siècles, la coexistence des maîtres écrivains jurés et des écrivains publics reflète les tensions vécues par une société toujours plus soumise à l'écrit conquérant, connaissant de ce fait un besoin accru et diversifié de l'écrit, lors même que l'aptitude à écrire demeurait largement déficiente, aussi limitée qu'anarchique, particulièrement dans les franges inférieures de la population. La corporation des maîtres écrivains, experts en calligraphie, vit le jour en 1570 et jouit dès lors du double monopole des écoles publiques d'écriture et des expertises judicaires en matière manuscrite. Les maîtres ?uvraient à normaliser, consacrer et promulguer les graphies, entretenant à cette fin une certaine religiosité du corps écrit. Étrangers à l'art et à la dignité des maîtres, les écrivains publics évoluaient librement dans la rue, où ils offraient leurs services aux personnes qui ne savaient pas ou trop peu écrire, mais qui, en diverses circonstances, avaient recours à un texte écrit. Leurs champs de compétences s'inscrivaient dans deux espaces irréductibles de la lettre ? le savoir peindre avec art et beauté, et le savoir dire par écrit ? où, dans une lutte silencieuse, se livrèrent concurrence la lettre calligraphique et la graphie du commun, la norme souhaitée et l'usage déviant, le talent d'une minorité et la capacité d'expression élémentaire du plus grand nombre.
- L'alphabétisation en Italie : une conquête féminine ? - Marina Roggero p. 903-925 Bien que caractérisée, dans son ensemble, par l'élévation des taux d'alphabétisation, l'Italie moderne reste encore un monde dans lequel l'oralité et l'écriture sont inextricablement liées. Afin de comprendre ce phénomène en profondeur, notamment les formes d'alphabétisation répandues parmi les groupes populaires, en particulier les femmes, il faut tenir compte non seulement des professionnels de l'enseignement mais aussi d'autres protagonistes, figures marginales ou improvisées souvent négligées dans les sources. Pour ces différentes raisons, on s'est intéressé ici, en priorité, au rôle, peu connu, des maîtresses de petites écoles et à leur enseignement, en général très simplifié par rapport à celui de l'école officielle. Puis, au travers d'un exemple concret, on a cherché à éclairer de l'intérieur les phénomènes identifiés précédemment grâce au travail d'archives. D'une autobiographie écrite par une femme de la fin du XVIIIe siècle ? fille d'un jardinier, lectrice enthousiaste et poétesse autodidacte ? émerge, filtré par le souvenir, le cadre très vivant et détaillé d'une éducation rustique, d'un contact passionné avec les livres et d'une lutte acharnée pour pénétrer le monde de l'écriture.
- La culture littéraire des travailleurs autobiographies ouvrières dans l'Europe du XIXe siècle - Martyn Lyons p. 927-946 Cette réflexion sur les pratiques de lecture et d'écriture des ouvriers se base sur un corpus de quatre-vingt-dix autobiographies éditées en France et en Grande-Bretagne au cours du XIXe siècle, issues d'ouvriers autodidactes qui ont vaincu la misère des journées de travail longues et parfois brutales, et le mépris des autres, pour s'improviser une culture littéraire. Ils privilégiaient la lecture comme instrument essentiel d'émancipation et d'amélioration de soi. En même temps, ils se faisaient écrivains et cherchaient, sans nul apprentissage, les stratégies narratives et les modes littéraires qui convenaient à la structure de leurs récits. Ils formaient une élite au sein des ouvriers et se posaient en intermédiaires culturels respectueux des traditions de la grande littérature, tout en restant des militants de la lutte syndicale.
- Normes graphiques et pratiques de l'écriture : Maîtres écrivains et écrivains publics à paris aux XVIIe et XVIIIe siècles - Christine Métayer p. 881-901
Entre surnaturel et politique
- Écritures saintes et pactes diaboliques : les usages religieux de l'écrit (moyen âge et temps modernes) - Gábor Klaniczay, Ildikó Kristóf p. 947-980 Religion du Livre, le christianisme présente maintes situations quotidiennes, sacramentelles ou imaginaires où l'écrit s'investit et rayonne de sacralité. Il s'agit ici d'examiner, dans le champ de la chrétienté européenne et les milieux des clercs lettrés, les formes d'usage sacré du livre et de l'écrit, hermétisme et rites magiques inclus. Deux questions guident l'exploration du double caractère (sacramentel-saint/ magique-diabolique) attribué à l'écrit : comment les livres, les rouleaux et les lettres s'investissent de propriétés sacrées, positives ou négatives en fonction de leur contenu et de leur contexte d'utilisation ; et comment l'écriture, en tant qu'acte de communication, devient un médium permettant d'établir le contact avec des êtres surnaturels, de conclure des pactes avec eux et d'en recevoir des messages.
- Une histoire culturelle comme histoire politique (note critique) - Jean-Frédéric Schaub p. 981-997
- Écritures saintes et pactes diaboliques : les usages religieux de l'écrit (moyen âge et temps modernes) - Gábor Klaniczay, Ildikó Kristóf p. 947-980
COMPTES RENDUS
- Comptes rendus. Lecture/Écriture - p. 999-1098