Contenu du sommaire : Histoire palestinienne

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 60, no 1, janvier 2005
Titre du numéro Histoire palestinienne
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le laboratoire des Cités

    • L'espace et le mouvement du sens critique - Nicolas Dodier p. 7-31 accès libre avec résumé
      L'article revient sur l'émergence, dans les sciences sociales des années 1980, d'une configuration intellectuelle caractérisée par le choix d'une approche non réductionniste de l'éclatement des références normatives, tant au niveau de la société, de l'action, que de la connaissance. Il précise et discute les infléchissements apportés à cette configuration par le « laboratoire des Cités » issu des recherches de Luc Boltanski et Laurent Thévenot, ainsi que par la sociologie dite des « régimes d'action ». S'appuyant alors sur le constat de l'importance, dans les controverses publiques, de la référence aux biens en soi, manière de défendre une position par des objectifs qui valent d'être poursuivis en tant que tels, l'article développe une sociologie des pouvoirs attachée à montrer comment ceux-ci visent des biens de ce type, tout en étant tributaires du caractère incomplet des épreuves susceptibles d'assurer cette dimension morale du travail politique. L'article esquisse enfin comment saisir dans ce contexte la dynamique historique des épreuves et des pouvoirs, et éclairer les transformations du sens critique.
  • Histoire palestinienne

    • Historiographie palestinienne : La construction d'une identité nationale - Jihane Sfeir-Khayat p. 35-52 accès libre avec résumé
      Cet article présente une lecture de l'histoire de la Palestine telle qu'elle est perçue par les historiens arabes. Il aborde l'évolution de cette histoire à travers les étapes marquantes de la construction identitaire et nationale du peuple palestinien. On propose, notamment, une analyse de l'historiographie arabe moderne de la Palestine dans le sens où elle est conçue en miroir de l'histoire israélienne et comme outil de revendication de l'appartenance d'un peuple à une terre. L'année 1948, caractérisant l'expulsion (Nakba) des Palestiniens de leur terre, est un tournant décisif dans l'écriture et l'appréhension de l'histoire palestinienne : elle représente l'année de départ mais également celle du retour vers la construction d'une identité nationale, territoriale et historique.
    • Subvertir le consentement : Itinéraires des femmes des camps de réfugiés palestiniens en Jordanie (1948-2001) - Stéphanie Latte Abdallah p. 53-89 accès libre avec résumé
      Dans la société palestinienne réfugiée en Jordanie, et particulièrement dans les camps, les familles ont élaboré l'image de la fixité de l'institution familiale par-delà la rupture historique créée par l'exode de 1948. Cet argumentaire a été conforté par la plupart des acteurs politiques au sein du royaume pour lesquels la famille traditionnelle a présenté un intérêt national. En dépit de l'image utile produite sur et par la société des camps, les femmes sont actrices du changement social et familial constaté dans ces milieux. Elles affirment leur trajectoire individuelle et contestent le pouvoir masculin au motif de sa défaillance à jouer son rôle de protecteur des itinéraires féminins. Si ce « féminisme populaire » s'appuie sur des ressources extérieures à la famille, il tient pourtant dans le contexte de l'exil le langage de son identité et celui des traditions. Les femmes des camps utilisent ainsi à leur avantage le décalage entre images et faits sociaux et bouleversent discrètement mais profondément le pouvoir familial. Elles subvertissent le consentement donné à l'idéologie familiale.
    • Salāh al-Dīn, un héros à l'épreuve : Mythe et pèlerinage en Palestine - Emma Aubin-Boltanski p. 91-107 accès libre avec résumé
      Salāh al-Dīn, vainqueur des croisés en 1187 et souverain ayyoubide de l'Égypte et de la Syrie, fait depuis un siècle environ l'objet d'un travail d'héroïsation dans l'ensemble du monde arabe. En Palestine, ce mouvement a pris, dès le début du XXe siècle, une inflexion propre qui se traduit, entre autres, par des pratiques rituelles. Le pèlerinage de Nabī Mū sā (le prophète Moïse) est devenu l'occasion de célébrer la mémoire du grand héros de l'histoire musulmane. L'objet de cet article sera de décrire les pratiques et les discours qui lui sont consacrés. On s'attachera en particulier à analyser un mythe récent qui fait de Salāh al-Dīn l'inventeur des pèlerinages palestiniens. La figure du passé y cède la place au héros moderne du nationalisme arabe, porteur d'espérance pour une société en proie à la guerre et à la dispersion. Cependant, dans le même temps, la pratique du rituel du pèlerinage laisse transparaître ses limites : le héros, sans cesse sollicité et mis à l'épreuve, semble aujourd'hui fragilisé.
    • Les représentations du passé en Palestine : Municipalités d'hier, municipalités d'aujourd'hui - Aude Signoles p. 109-126 accès libre avec résumé
      Perçues, dans les années 1970, comme les fondements du futur État, les municipalités palestiniennes se trouvent discréditées, immédiatement après la signature des accords d'Oslo, sur la base de leur ancien engagement partisan, quel qu'il ait pu être, et de leurs pratiques. Les rapports d'évaluation réalisés sur le sujet en 1993-1994 par les différents acteurs concernés ? « élus » locaux, équipes ministérielles ou donateurs internationaux ? partent tous d'un constat de vacance du pouvoir à l'échelle locale et formulent un diagnostic sévère sur l'« état de santé » des municipalités. Les prestations de services y sont montrées du doigt, ainsi que leurs modes de gestion. Nous avons ici, dans un premier temps, replacé le « vide de pouvoir » dans son contexte historique avant d'analyser, dans un second temps, la manière dont les différents protagonistes expliquent cette situation qu'ils ont diagnostiquée et de laquelle ils partent. Des représentations du passé distinctes, sinon concurrentes, émergent de leurs discours. Elles sont révélatrices des conflits de mémoire que l'histoire politique des municipalités engendre en ce « temps d'une métamorphose » que constitue l'ouverture du processus de paix.
  • COMPTES RENDUS

  • La construction des identités

    • Identités, mobilités et frontières dans la Méditerranée antique : L'Italie adriatique, VIIIe - Ve siècle avant J.-C. - Maria Cecilia D'Ercole p. 165-181 accès libre avec résumé
      À l'époque archaïque, la région adriatique constitue un champ d'observation particulièrement favorable à l'étude d'un processus de construction identitaire et culturelle. L'analyse des textes anciens montre, en effet, que la création d'une série de récits et de généalogies mythiques visait à attribuer une ascendance commune aux peuples « barbares » de l'Occident adriatique et aux Grecs arcadiens et crétois. L'enquête archéologique, quant à elle, met en évidence, chez ces mêmes peuples italiques, un phénomène de construction identitaire qui s'est développé grâce à l'adoption de marqueurs culturels et de pratiques rituelles. Ainsi, tout en sauvegardant leurs différences, les populations se sont métissées à l'intérieur des groupes sociaux et au-delà des frontières ethniques.
    • Aux origines d'une Europe ethnique : Transformations d'identités entre Antiquité et Moyen Âge - Walter Pohl p. 183-208 accès libre avec résumé
      Le haut Moyen  ge représente un champ tout à fait approprié à la recherche des processus très complexes de formation d'identités ethniques. L'ethnicité comme ressource politique, un phénomène caractéristique de l'Occident, n'est pas un héritage des peuples dits barbares, mais le résultat des efforts pour rendre signifiante une réalité transformée par le développement de leurs royaumes et par la christianisation de la res publica romaine. Les relations des intellectuels romains et chrétiens avec les nouveaux pouvoirs a permis de « faire la différence » entre les peuples; les textes qui nous ont été transmis peuvent être lus comme autant de traces des « stratégies de distinction » basées sur des modèles ethniques, bibliques et parfois aussi Barbares. Ce discours ethnique n'a certes pas créé des identités sans ambiguïté, mais il a motivé des actions politiques, pénétré la langue du pouvoir et modelé les perceptions nationales de l'Occident moderne.
    • Des Turcs aux Hanafiyya : La construction d'une catégorie « métisse » à Tunis aux XVIIe et XVIIIe siècles - Sami Bargaoui p. 209-228 accès libre avec résumé
      Dans l'historiographie de la Tunisie ottomane, les K? lughl?-s, métis issus de pères turcs et de mères indigènes, forment une catégorie intermédiaire dont le destin politique contribue à expliquer l'avènement du fait national. Un retour plus attentif aux sources et aux catégories des acteurs, montre que les Turcs nés dans la régence, créoles plutôt que métis, ont continué à se désigner comme tels jusqu'au début du XVIIIe siècle. Ils se sont inventé alors un nom particulier, Hg anafiyya, qui les distingue des Turcs de naissance et des Arabes indigènes. Ils se sont également forgé des institutions particulières et une mémoire propre, liée à la fois à l'histoire ottomane et à celle de la province.