Certaines entreprises affichent des « responsabilités sociales », c'est-à-dire des responsabilités vis-à-vis de la société, en ce compris l'environnement. Elles s'engagent à respecter des règles de labellisation ou des codes de conduite parfois négociés avec des partenaires plus diversifiés que les seules organisations syndicales. Ces pratiques, aux origines relativement anciennes, se sont multipliées avec la montée des préoccupations éthiques dans des groupes d'entreprises en proie à des campagnes de dénonciation ou de boycottage de la part de certaines ONG. Aujourd'hui l'intégration de la responsabilité sociale dans la gestion même de l'entreprise, voire du groupe d'entreprises, est prônée par un courant managérial axé sur la corporate governance qui est soutenu par l'Union européenne. Les organisations syndicales adoptent officiellement une méfiance vis-à-vis de ces pratiques, très axées sur la communication et qui doublent en quelque sorte les pratiques institutionnalisées de la concertation sociale traditionnelle. Anne Peeters fait le point sur l'état du débat au niveau international. Elle s'attache à cerner la spécificité européenne, non seulement dans les pratiques des entreprises mais aussi dans les politiques prônées par la Commission européenne. Elle passe en revue les conceptions développées par les entreprises, les actionnaires, les syndicats, les ONG et les associations de consommateurs. Elle ne passe pas sous silence certains scénarios selon lesquels le développement de la responsabilité sociale dans les entreprises pourrait se traduire, à terme, par une sorte de polarisation du marché, avec d'une part des entreprises affichant des valeurs éthiques et s'adressant à des consommateurs situés dans la moyenne supérieure des revenus, et d'autre part des entreprises travaillant dans des zones dérégulées, s'adressant à des consommateurs aux revenus limités.