Contenu du sommaire : Numéro spécial : Histoire et philosophie
Revue | Annales. Histoire, Sciences Sociales |
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Numéro | vol. 64, no 1, janvier 2009 |
Titre du numéro | Numéro spécial : Histoire et philosophie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Quelle histoire de la philosophie ? - Étienne Anheim, Antoine Lilti, Stéphane Van Damme p. 5-11
Frontières
- Les doutes de l'Inquisiteur Philosophie naturelle, censure et théologie à l'époque moderne - Maria Pia Donato p. 15-43 Depuis l'ouverture des archives de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en 1998, de nombreuses études sont en passe de renouveler la perception de l'action du Saint-Office et de l'Index. Cependant, les recherches sur la censure de la philosophie naturelle privilégient encore en grande partie la relation entre auteurs et institution. L'on peut désormais préciser la dimension doctrinale de la censure grâce à des sources nouvelles en quantité et en qualité, mais cela ne semble pas pouvoir en englober tous les aspects et risque d'avoir pour conséquence d'accentuer la cohérence intellectuelle de l'Inquisition; au contraire, les sources montrent plutôt les glissements continus, dans l'action du Saint-Office et de l'Index, entre définitions dogmatiques, questions philosophiques et police idéologique. Dans cet article, j'essaierai de croiser deux perspectives différentes : la première se concentre sur la définition de l'« erreur », qui déplace d'époque en époque les frontières entre dogme et spéculation d'une part, et entre théologie et philosophie de l'autre; la seconde replace la censure au coeur de l'institution, mais pour analyser davantage celle-ci dans sa complexité politique et culturelle et dans ses évolutions. L'article analyse donc d'abord le renouveau historiographique, puis il se concentre sur le dossier de l'atomisme au XVIIe siècle, qu'il est maintenant possible de reconstruire avec précision. L'enjeu d'une analyse plus rapprochée n'est pas seulement celui d'observer comment la censure participe de la configuration des savoirs, mais d'élargir le regard sur des interactions plus vastes, à l'intérieur et à l'extérieur des congrégations. Enfin, il esquissera l'évolution de la censure philosophique au XVIIIe siècle.
- Libérer le libertinage : Une catégorie à l'épreuve des sources - Jean-Pierre Cavaillé p. 45-78 L'article cherche à jeter les bases d'une réinterprétation à la fois historique et philosophique du libertinage, à partir d'une analyse critique de la catégorie historiographique, qui est devenue plutôt un obstacle qu'une aide à l'élucidation de ce que les termes (libertin, libertinage, libertinisme) ont voulu dire et faire, dans une série de conjonctures sociales et culturelles, entre XVIe et XVIIIe siècles, au sein d'un espace élargi à la plus grande partie de l'Europe. D'un point de vue méthodologique, il s'agit d'échapper au dilemme opposant une conception essentialiste du libertinage, à la recherche des indices qui en permettrait l'identification, à une approche nominaliste affirmant que le libertinage n'existe pas en dehors des discours qui le dénoncent, en proposant l'alternative d'une approche relationnelle et interactionnelle, sensible à la multiplicité et à la diversité des situations, suivant les contextes sociaux et les conjonctures événementielles. L'auteur ne renonce pas pour autant à tenter une interprétation globale des phénomènes désignés par les termes, à travers une réflexion sur le rôle central joué par la notion de liberté dans les controverses autour du libertinage.
- Les doutes de l'Inquisiteur Philosophie naturelle, censure et théologie à l'époque moderne - Maria Pia Donato p. 15-43
Concepts
- Qu'est-ce qu'une constellation philosophique ? : Propositions pour une analyse des réseaux intellectuels - Martin Mulsow p. 81-109 L'analyse des constellations philosophiques se concentre sur les relations « épaisses » entre les personnes, les théories, les problèmes et les documents. Elle est fondée sur l'idée que seule l'analyse de ces relations, et pas des éléments pris séparément, peut rendre compte des accomplissements philosophiques et des développements des personnes, des idées et des théories. Cet article essaie d'établir l'analyse de constellations, mise au point par Dieter Henrich pour son étude des débuts de l'idéalisme allemand, comme méthode générale pertinente pour d'autres périodes de l'histoire de la philosophie. Il engage alors un dialogue avec d'autres méthodes dans les sciences humaines, comme celles proposées par Foucault, Elias, Chartier, Collins, etc. Il fournit quelques exemples de constellations philosophiques, du cercle de Comenius au XVIIe siècle à une « crypto-constellation » de penseurs clandestins du XVIIIe siècle.
- L'enjeu épistémologique de la notion d'époque entre organisme et système au XIXe siècle - Silvia Caianiello p. 111-139 La fonction heuristique de la notion d'époque n'a pas été affaiblie par la méfiance vis-à-vis de ses implications ontologiques, propre à la théorie de l'histoire du XXe siècle. Une analyse historique de cette notion s'avère à même d'éclairer son rôle dans la recherche d'une méthode pour comprendre l'altérité des temps passés depuis l'émergence d'une nouvelle perception de leur discontinuité et unicité. Dans la culture allemande en particulier, la représentation des époques comme des entiers intrinsèquement cohérents relève, du XVIIIe au XIXe siècle, d'une dialectique entre deux champs métaphoriques dominants, le « système » et l'« organisme », au croisement entre philologie, histoire et sciences de la vie. Lorsque l'approche nominaliste de J. G. Droysen affaiblira l'ontologie de l'époque, ça ne sera qu'au profit de la primauté du procès comme cadre de référence unifiant pour la compréhension historique.
- Qu'est-ce qu'une constellation philosophique ? : Propositions pour une analyse des réseaux intellectuels - Martin Mulsow p. 81-109
Débats
- L'histoire de la philosophie médiévale depuis 1950 : méthodes, textes, débats - Catherine König-Pralong p. 143-169 Discipline mixte, l'histoire de la philosophie est un champ de tensions : l'objet du travail philosophique ? la recherche de critères atemporels de vérité ? paraît immunisé contre tout processus d'historicisation. L'histoire de la philosophie est cependant un fait institutionnel : peu de philosophes professionnels ont consenti ou réussi à en faire complètement l'économie. Cet article présente le cas de l'histoire récente de la philosophie médiévale. Les diverses manières d'envisager l'histoire de la philosophie ouvrent d'abord l'éventail des alternatives méthodologiques. Une enquête plus pragmatique documente ensuite les formes littéraires et les manières concrètes d'écrire l'histoire de la philosophie médiévale. Enfin, trois débats historiographiques classiques sont abordés; ils concernent la définition de l'objet historique, sa situation dans un monde et l'échelle de la reconstruction historique.
- Comment écrit-on l'histoire intellectuelle des Lumières ? : Spinozisme, radicalisme et philosophie - Antoine Lilti p. 171-206 Dans deux ouvrages influents, J. Israel a proposé de réinterpréter l'histoire intellectuelle des Lumières en mettant au premier plan l'influence massive de Spinoza sur un courant radical, démocratique, athée et égalitaire qui serait aux origines de la modernité européenne. Cet article présente et discute cette thèse en insistant sur la diversité des auteurs et des textes les plus hétérodoxes des Lumières, sur l'ambiguïté même du « spinozisme » comme catégorie historiographique, et en contestant la notion de « Lumières radicales ». Ce faisant, l'article essaye de réfléchir autrement à ce que pourrait signifier le radicalisme des Lumières, au regard des pratiques d'écriture et de publication, et s'interroge plus largement sur les différentes façons d'écrire aujourd'hui l'histoire intellectuelle des Lumières à l'échelle européenne.
- Une anthropologie historique de la scolastique - Sylvain Piron p. 207-215
- L'histoire de la philosophie médiévale depuis 1950 : méthodes, textes, débats - Catherine König-Pralong p. 143-169
COMPTES RENDUS
- Comptes rendus. Histoire intellectuelle - p. 217-292