Contenu du sommaire : L'accountability ou l'obligation de rendre des comptes
Revue | Revue française de gestion |
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Numéro | no 237, août 2013 |
Titre du numéro | L'accountability ou l'obligation de rendre des comptes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Obligation de rendre des comptes : Enjeux de légitimité et d'efficacité - Bernard Pras, Philippe Zarlowski p. 13-32 Le contexte de crise économique et financière a renforcé les interrogations autour des questions de légitimité et d'efficacité de l'obligation de rendre des comptes ou accountability. Dans le domaine de la gouvernance et des codes de bonne conduite, les mécanismes destinés à renforcer la transparence sur les activités, décisions et performances des entreprises donnent-ils les résultats escomptés en termes de régulation ? Quelles sont les conséquences pour le fonctionnement des organisations et de la société des conflits de légitimité et de l'ambiguïté dans la structuration des responsabilités souvent sous-jacents aux processus d'accountability ? Comment se forment les dynamiques de régulation et d'action autour des dispositifs d'accountability et comment ces dispositifs eux-mêmes prennent-ils forme et évoluent-ils au fil du temps ? Cet article met en perspective les contributions de ce numéro spécial et les éclairages qu'ils peuvent apporter sur ces questions.
Partie I - Accountability, gouvernance et efficacité
- Le comply or explain, un avatar de l'accountability - Anne-Laure Boncori, Isabelle Cadet p. 35-55 En quoi la transposition du concept de comply or explain, dans de nombreux pays de l'Union européenne, et, en particulier en France, s'avère une forme dévoyée d'accountability ? Tel est l'objet de cet article transdisciplinaire, droit et gestion, relatif aux codes de gouvernance d'entreprise. La flexibilité dans la mise en œuvre de ce mécanisme apparaît inversement proportionnelle à la rigueur qu'exigerait un très haut niveau de transparence. L'évolution des pratiques démontre un certain conformisme qui fait courir le risque d'une perversion des principes : la logique du comply or explain tend, en effet, à substituer à l'obligation de rendre des comptes une option quant à l'application des normes privées de gouvernement des entreprises.
- Rendre compte de la rémunération des dirigeants : Qu'attendre du say on pay ? - François Belot, Édith Ginglinger p. 57-71 Le say on pay, introduit en France par le code de gouvernance Afep-Medef 2013, permet aux actionnaires de s'exprimer sur la rémunération des dirigeants par un vote en assemblée générale. Cet article propose une revue des études menées dans les pays où le say on pay est en vigueur depuis plusieurs années. Les actionnaires contestent peu les rémunérations qui leur sont soumises, mais lorsqu'ils le font, la sensibilité des rémunérations à la performance de l'entreprise s'accroît. L'augmentation de l'influence des entreprises de conseil en votes et l'amélioration du dialogue entre actionnaires, administrateurs et dirigeants en amont sont les effets les plus tangibles du say on pay.
- Faut-il mieux réglementer le reporting extrafinancier ? - Béatrice Boyer-Allirol p. 73-95 Cet article vise à expliciter pourquoi l'information extrafinancière publiée par les entreprises est peu prise en compte par les investisseurs. Les auteurs argumentent que la réglementation du reporting extrafinancier n'est pas suffisamment contraignante pour amener les entreprises à publier une information complète et de qualité, condition indispensable à son intégration dans les décisions d'investissement. L'information extrafinancière doit être plus contrainte, notamment par des normes, afin d'éviter les divulgations sélectives. De plus, pour améliorer sa crédibilité, l'information publiée doit être contrôlée. Enfin, tout manquement aux exigences de la réglementation doit être sanctionné.
- Le comply or explain, un avatar de l'accountability - Anne-Laure Boncori, Isabelle Cadet p. 35-55
Partie II - Conflits de légitimité et ambiguïté des responsabilités
- De la démocratie en Amérique du Nord à l'accountability à la française : Comprendre les origines sociopolitiques de l'accountability - Vassili Joannidès, Stéphane Jaumier p. 99-116 Alors que le francophone réduit généralement l'accountability à la reddition de comptes, cet article esquisse les contours d'une véritable accountability à la française. La lecture de Tocqueville (1835) révèle que l'accountability pratiquée dans les pays anglo-saxons trouve ses origines dans les fondements de la démocratie américaine. En France, l'accountability serait caractérisée par le respect d'un ensemble de valeurs universelles, l'adhésion des minorités aux choix majoritaires, l'absence de discriminations, une obligation de moyens et un rejet de la transparence.
- L'imputabilité des dirigeants publics : Éléments de théorie et observations tirées de l'expérience québécoise - Joseph Facal, Bachir Mazouz p. 117-132 Cet article1 traite de l'imputabilité des dirigeants publics dans un contexte où la gestion des interfaces entre élus, fonctionnaires et managers de haut rang des organisations publiques se complexifie sans cesse. Les auteurs proposent d'abord une grille conceptuelle qui permet de saisir cette complexité génératrice de tensions à quatre niveaux : institutionnel, organisationnel, managérial et artéfactuel. Ils l'illustrent ensuite plus concrètement en expliquant la trajectoire historique de la notion d'imputabilité et des façons de la concrétiser au sein du système de gouvernance publique du Québec. Ils plaident au fond en faveur d'un jumelage des approches institutionnelle et instrumentale de l'imputabilité politico-administrative et managériale. Celle-ci devrait être conçue et déployée en prêtant particulièrement attention aux dilemmes, paradoxes et incertitudes que l'action publique génère inévitablement.
- Quand le rendu de compte tourne au règlement de comptes : DRH et managers face à l'absentéisme - Denis Monneuse, Benoît Gautier p. 133-146 Cet article étudie les modalités et les limites de l'obligation de rendre des comptes lorsque les acteurs ne sont pas liés par des relations hiérarchiques directes. Il prend le cas de l'absentéisme et s'appuie sur une recherche-action conduite dans la branche centres d'appels d'une grande entreprise de services. Loin d'être dans la configuration panoptique popularisée par Foucault, ceux qui demandent des comptes à autrui sans se situer dans une relation d'autorité doivent aussi en rendre. Faute d'outils fiables et de responsabilités précises, le rendu de compte tend alors à tourner au règlement de comptes entre les acteurs et, par ricochet, à l'inertie. L'obligation de rendre des comptes peut donc s'avérer contreproductive et risquée quand l'autorité est mal définie.
- La responsabilité contractuelle à l'hôpital : Un modèle fonctionnel malgré tout ? - Émilie Bérard, Véronique Steyer p. 147-167 Cet article examine le modèle formel de reddition de comptes qui est désormais appliqué à l'hôpital : celui de la responsabilité contractuelle. En décrivant l'histoire de la mise en place des contrats de pôle dans un hôpital public français, les auteurs adoptent un regard critique, à la fois du point de vue technique et idéologique. Ils illustrent les difficultés associées à la mise en œuvre d'un tel modèle, déjà identifiées dans la littérature en contrôle de gestion. Puis ils montrent, en pratique, comment ce système fait l'objet d'une application euphémisée, qui s'avère finalement pertinente pour l'organisation, sous certaines conditions.
- De la démocratie en Amérique du Nord à l'accountability à la française : Comprendre les origines sociopolitiques de l'accountability - Vassili Joannidès, Stéphane Jaumier p. 99-116
Partie III - Dynamiques d'accountability
- La visée externe et interne des dispositifs d'accountability : Une étude de cas - Hervé Dumez, Élodie Gigout, Benoît Journé p. 171-180 Les entreprises peuvent difficilement mettre leurs pratiques en harmonie parfaite avec leurs discours, et elles ne peuvent communiquer sur tout. Elles sont donc régulièrement placées en situation d'avoir à rendre des comptes. Le cas étudié montre comment un dispositif de rendu de comptes apparaît, comment il articule finalité interne (améliorations de gestion) et finalité externe (donner de l'information au public et aux autorités) et comment, s'il s'inscrit dans le temps, il doit trouver un équilibre entre continuité et changement, les problèmes se déplaçant au fil du temps (certains étant réglés, de nouveaux apparaissant).
- L'affichage environnemental : Une nouvelle façon pour l'entreprise de rendre des comptes ? - Agnès François-Lecompte, Michel Gentric, Nathalie Audigier p. 181-199 Cet article s'intéresse à l'affichage environnemental comme nouvel outil de reporting et d'accountability auprès des parties prenantes de l'entreprise. Une étude menée auprès de dix-huit hôtels ayant mis en place une étiquette évaluant la performance environnementale de leur établissement a été menée sous forme d'entretiens semi-directifs. L'analyse met en avant les interactions avec les parties prenantes découlant de cet affichage environnemental. En tout, sept parties prenantes, internes et externes, ont été identifiées, ce qui montre sa pertinence comme outil de dialogue avec les partenaires de l'entreprise au-delà des seuls consommateurs.
- Rendre compte du social : L'art du compromis performatif - Jean-Pascal Gond, Jacques Igalens, Luc Brès p. 201-226 Comment rendre compte du « social » ou encore faire rendre compte aux entreprises de leur responsabilité sociale ? Cet article propose un modèle de compromis performatif pour étudier la façon dont les théories et les idéologies, ainsi que leurs formes d'instrumentation et les catégories d'acteurs qui les produisent interagissent pour constituer l'accountability du social. Ce modèle est évalué empiriquement en comparant deux traductions juridiques de la notion de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) dans le droit français : la loi sur le bilan social de 1977, et la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001.
- La visée externe et interne des dispositifs d'accountability : Une étude de cas - Hervé Dumez, Élodie Gigout, Benoît Journé p. 171-180