Contenu du sommaire : Le génocide des Tutsi rwandais, vingt ans après

Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire
Numéro no 122, avril-juin 2014
Titre du numéro Le génocide des Tutsi rwandais, vingt ans après
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Le génocide des Tutsi rwandais vingt ans après : Réflexions introductives - Stéphane Audoin-Rouzeau, Hélène Dumas p. 3-16 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après 1994, les sciences sociales ont vite intégré dans leur champ de préoccupations le génocide des Tutsi rwandais. L'article questionne la manière dont s'est imposé le tropisme des ressemblances avec d'autres massacres de masse. Pourtant, certaines spécificités du génocide au Rwanda ont du mal à s'insérer dans les analyses. L'article attire l'attention sur trois aspects qui résistent efficacement aux outils des sciences sociales : le rôle de relais joué par les voisins et par la famille dans la logique des massacres ; la dimension spécifiquement religieuse de la violence extrême ; le phénomène des « crises traumatiques » lors des cérémonies mémorielles.
      The Rwandan Tutsi Genocide, Twenty Years Later. After 1994, the social sciences quickly incorporated Rwanda's Tutsi genocide into their programme of study. This article questions whether the urge to compare the Rwandan genocide with other mass killings was entirely justified. Certain elements of the Rwandan genocide do not fit neatly into the framework provided by these kinds of studies. This article highlights three characteristics that resist easy classification in a social science analysis: the role of middlemen played by neighbours and families in the massacre; the specifically religious dimension of its extreme violence; and the phenomenon of “traumatic crises” during memorial ceremonies.
    • Glossaire - p. 17-18 accès libre
    • Chronologie - p. 19-22 accès libre
    • Un historien face au génocide des Tutsi - Jean-Pierre Chrétien, Stéphane Audoin-Rouzeau, Hélène Dumas p. 23-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet entretien, l'historien Jean-Pierre Chrétien évoque sa découverte du Burundi en 1964, comme enseignant aux élèves instituteurs de Bujumbura. Il rapporte sa découverte du clivage entre Hutu et Tutsi, le choc des massacres de 1972 et l'influence du modèle rwandais sur le Burundi. Il revient sur les origines de « l'idéologie hamitique », ce mythe racial issu des sciences sociales du 19e siècle diffusé par la colonisation. Au début des années 1990, Jean-Pierre Chrétien découvre la radicalisation en cours de la pensée ethnique au Rwanda et tentera au début de l'année 1993 d'alerter l'opinion française sur les risques de génocide. Il en appelle, pour aujourd'hui, à un discours public fort sur l'événement.
      A Historian Reads the Tutsi Genocide: An Interview with Jean-Pierre Chrétien. In this interview, the historian Jean-Pierre Chretien recalls his experience in Burundi in 1964, when he instructed student teachers from Bujumbura. He recounts his discovery of the rift between the Hutu and the Tutsi, the shock produced by the 1972 massacres and Rwanda's influence on Burundi. He revisits the roots of “Hamitic ideology” a racial mythology that surfaced in the social sciences during the 19th century and which was subsequently spread by colonialism. At the beginning of the 1990s, Jean-Pierre Chretien became aware of the increasing radicalization of racial thinking in Rwanda. In early 1993, he tried to warn the French public of the risk of genocide. Today, he calls for serious public debate regarding this historic event.
    • Approche locale du génocide : La région de Nyarubuye - Paul Rutayisire p. 37-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose une version synthétisée de l'une des rares études monographiques réalisées sur l'histoire du génocide des Tutsi dans une région de l'Est du pays. Le secteur de Nyarubuye sert ici à l'analyse de la mise en œuvre des massacres, encadrés par les autorités locales dont le rôle est essentiel. Entre le 14 et le 17 avril 1994, au centre de Nyarutunga et à la paroisse de Nyarubuye, environ vingt-sept mille personnes sont assassinées. Dans le premier lieu, les habitants tentent conjointement de résister aux assaillants venus des secteurs voisins avant qu'une partie d'entre eux ne reçoivent l'ordre de tuer les Tutsi. La paroisse avait attiré de nombreux Tutsi des communes voisines gagnées plus tôt par les violences, elles y furent exterminées en quelques jours seulement.
      Local Approach of the Genocide. This article offers a summarized version of one of the rare monographs devoted to the history of the Tutsi genocide in the Eastern region of the country. The Nyarubuye sector provides here the context for an analysis of the massacres' organisation as supervised by the local authorities, whose role was essential. Between the 14th and the 17th of April 1994, in the centre of Nyarutunga and in the Parish of Nyarubuye, about twenty-seven thousand people were murdered. At first, the inhabitants worked together to resist their attackers, arriving from neighbouring sectors, until some of them were ordered to kill the Tutsi. The Parish had attracted many Tutsi from neighbouring parishes where the violence had already spread, and its occupants were exterminated in a matter of days.
    • Le procès de Jean-Paul Akayesu : Les autorités communales en jugement - Ornella Rovetta p. 51-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De janvier 1997 à septembre 1998 s'est tenu, à Arusha, en Tanzanie, le premier procès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Ce procès « historique » déboucha sur un précédent jurisprudentiel fondateur. Cet article propose, par un travail fondé sur les archives judiciaires, d'interroger la construction du procès d'une part, et la spécificité du récit judiciaire issu des dépositions des témoins d'autre part. Cette étude de cas du procès d'un ancien bourgmestre permet également d'aborder, de manière plus transversale, les dynamiques de la violence et du génocide à l'échelle communale.
      The Jean-Paul Akayesu Trial. From January 1997 until September 1998, the first trial of the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) was held in Arusha, Tanzania. This historical trial culminated in a crucial judicial precedent. Working from the judicial archives, this article seeks to examine how the trial unfolded, as well as the uniqueness of the judicial narrative derived from the witnesses' statements. More broadly, this case study of a former mayor's trial also investigates the local dynamics of violence and genocide on the county level.
    • Tuer au c?ur de la famille : Les femmes en relais - Violaine Baraduc p. 63-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si les femmes représentent aujourd'hui environ 6 % des personnes incarcérées pour leur participation au génocide des Tutsi rwandais, leur implication doit néanmoins être considérée comme un de ses aspects décisifs. Elle s'est manifestée selon différentes modalités (allant des pillages et de la dénonciation aux crimes de sang), et a sans aucun doute contribué à l'intensité du génocide ainsi qu'à son efficacité. L'étude des trajectoires de deux femmes détenues à la prison centrale de Kigali éclaire quelques-uns des mécanismes qui ont permis aux violences de type génocidaire de s'introduire jusque dans la structure sociale élémentaire que constitue la cellule familiale, témoignant du caractère total des massacres de 1994.
      Killers at the Heart of the Family. While women represent approximately 6% of those incarcerated for their participation in the genocide committed against the Rwandan Tutsi, their involvement should be seen as one of the massacre's decisive elements. Female participation took many guises (from looting and denunciation to brutal murder) and undoubtedly contributed to the intensity and efficiency of the genocide. An analysis of the biography of two women incarcerated at the Central Prison in Kigali sheds light on some of the mechanisms that allowed genocidal violence to permeate the basic building block of society that is the family, attesting to the radical nature of the massacres that occurred in 1994.
    • Enfants victimes, enfants tueurs : Expériences enfantines (Rwanda, 1994) - Hélène Dumas p. 75-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question des expériences enfantines de 1994 a peu retenu l'attention des sciences sociales. Or les enfants constituent des acteurs importants de l'événement, comme victimes et comme tueurs. Formant la majorité des victimes, ils représentent également une grande part de la population survivante. Cette particularité donne naissance à un nouveau type de familles composées d'orphelins avec à leur tête un enfant plus âgé. La participation des enfants aux massacres marque l'une des transgressions majeures caractérisant l'exécution du génocide. Le regard porté sur ces expériences permet d'interroger in fine la manière dont les massacres ont redéfini des frontières sociales de l'enfance au Rwanda.
      Child Victims, Child Killers. Little attention has been devoted to the question of how children experienced 1994 within the world of social science. Yet children constituted important actors at the time, both as victims and as perpetrators. They accounted for a majority of the victims, as well as a substantial portion of the surviving population. This unique circumstance gave rise to a new family model, where a group of orphans was led by an older child. The participation of children in the massacres also proved to be one of the defining transgressions of the genocide. Examining these experiences ultimately allows us to investigate the ways in which the massacres redefined the social boundaries of childhood in Rwanda.
    • L'État rwandais et la mémoire du génocide : Commémorer sur les ruines (1994-1996) - Rémi Korman p. 87-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En s'appuyant sur les archives de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG), en charge de la mémoire du génocide au Rwanda, l'auteur tente de comprendre dans quelles conditions matérielles et avec quels souvenirs l'État rwandais a élaboré une mémoire officielle du massacre entre 1994 et 1996. L'étude du processus d'inhumation en dignité des victimes du génocide et celle de l'évolution radicale ayant eu lieu entre la première et la deuxième commémoration nationale du génocide permettent d'apporter des éléments de réponse. L'auteur interroge pour finir les diverses influences extérieures ayant participé à la construction d'un modèle mémoriel rwandais.
      Remembering the Rwandan Genocide. Based on an analysis of the archives of the National Commission for the Fight against Genocide (CNLG) – the organisation tasked with the remembrance of the Rwandan genocide – this article seeks to explain under which material conditions and with which memorial imagery the Rwandan State has officially commemorated the Tutsi massacre that occurred between 1994 et 1996. An analysis of the first dignified State burials of the genocide victims and of the radical changes which subsequently took place between the first and second national commemoration ceremonies provides several clues. Finally, the author analyses the diverse foreign influences which helped to establish a Rwandan commemorative model.
    • La communauté juive face à la culture mémorielle en Allemagne - Dorothea Bohnekamp p. 99-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Centrale au sein de la culturelle mémorielle allemande, la mémoire de la Shoah reste un impératif politique fort en République fédérale allemande, dont l'identité démocratique s'est construite en opposition absolue au nazisme. Après le déni des crimes nazis dans l'après-guerre, la réactivation du passé depuis les années 1970 participe d'une représentation politique du judaïsme considérée comme symbole de la culture républicaine du pays. Or, les nombreuses expressions de la culture mémorielle en Allemagne (musées, mémoriaux, etc.) ont souvent été sujet à polémique, dans la mesure où leur utilisation publique reflète aussi la difficulté à imprimer une logique collective à des souvenirs traumatiques irréductiblement individuels. Si les communautés judéo-allemandes renaissent depuis la Réunification, elles ne se sentent pas toujours pleinement représentées par la culture mémorielle officielle et restent réfractaires à toute instrumentalisation excessive de la mémoire.
      The Jewish Community and the Memorial Culture in Germany. The memory of the Holocaust, absolutely central to Germany's memorial culture, remains a strong political imperative in the Federal Republic, whose democratic identity has been established in total opposition to Nazism. Following the denial of Nazi crimes in the post-war period, since the 1970s the past has begun to rear its head, leading to a political representation of Judaism as a symbol of the country's republican culture. And yet the many expressions of memorial culture in Germany (museums, monuments, etc.) have often been the subject of controversy, insofar as their public use also reflects the difficulty of prescribing collective imagery to irremediably personal traumatic memories. Despite the revival of German-Jewish communities since the country's reunification, these do not always feel fully represented by official memorial culture and reject the excessive memorialisation.
    • Naissance et institutionnalisation de la soirée annuelle du Conseil représentatif des institutions juives de France - Samuel Ghiles-Meilhac p. 109-119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 1985, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) donne chaque année un dîner dont l'invité d'honneur est le Premier ministre en exercice, voire, dans certains cas depuis 2008, le président de la République. Cet échange public médiatisé est un phénomène unique permettant à un corps intermédiaire à vocation identitaire, reconnu comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, de parler sur un pied d'égalité avec l'exécutif. Cet article retrace les étapes de la légitimation du CRIF et analyse la genèse du dîner inaugural afin de comprendre comment ce rendez-vous s'est inscrit dans le calendrier politique national devenant le cadre de discours sur Israël et le Moyen-Orient ainsi qu'une tribune pour les annonces de politiques publiques en matières de lutte contre l'antisémitisme et de réparation de la Shoah.
      The Birth and Institutionalization of the Representative Council of Jewish Institutions in France's Annual Gala. Since 1985, the Representative Council of Jewish Institutions in France (CRIF) has organised an annual gala evening. The guest of honour is the acting Prime Minister, although since 2008 the latter has in some cases been replaced by the President of the Republic. This high-profile event provides a unique opportunity for an intermediary organisation, recognised as a special government partner, to speak on equal footing with the executive branch of the French state. The present article explores the genesis of the first dinner and outlines the steps leading to its legitimisation in order to understand how it became part of the national political calendar, ultimately becoming a platform for political discourse on Israel and the Middle East and announcements of public policies concerning Holocaust reparations and the struggle against anti-Semitism.
    • Anastasie, fille aînée de l'Église et de l'État ? : Censure étatique et cotation catholique des films en France (1945-1966) - Frédéric Hervé p. 121-134 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En France, dans la seconde moitié du 20e siècle, le cinéma est soumis à deux instances de régulation culturelles. La Commission de contrôle des films délivre un visa sans lequel le film ne peut être diffusé. La Centrale catholique pour le cinéma et la radio attribue une cote qui, si elle est infamante, restreint la distribution. Les discours, les pratiques, les protocoles et les visées de ces deux instances sont ici comparés. Cette étude s'achève en 1966, lorsque l'affaire de La Religieuse de Jacques Rivette vient sanctionner par le discrédit les relations ambiguës qu'entretenaient l'Église et l'État sous le signe de la censure.
      Anastasia, Eldest Daughter of Church and State? During the second half of the 20th century, two cultural authorities regulated the French film industry. The State issued a certificate that was required for a film to be aired, while the Church granted a rating which, if morally critical, limited a film's distribution. The rhetoric, practices, procedures and objectives of these two authorities during the first two decades of the post-war period are compared here. This study ends in 1966, when the scandal caused by Jacques Rivette's La Religieuse discredited the ambiguous relationship shared by the Church and the State with regard to censorship.
    • Les vies successives de La Société du spectacle de Guy Debord - Anna Trespeuch-Berthelot p. 135-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'origine, La Société du spectacle est un livre dont la vie se prolongea par des traductions et une adaptation au cinéma. Son succès fut tel qu'aujourd'hui son titre est passé dans le langage courant. Qu'est-ce qui explique que la critique de notre société formulée en 1967 par Guy Debord soit passée à la postérité en France et à l'étranger ? Cet article propose d'y répondre selon une démarche d'histoire culturelle, analysant successivement les phases de production, de médiation et de réception d'une théorie originale non seulement dans son contenu mais aussi dans sa forme.
      The Many Lives of Guy Debord's The Society of the Spectacle. The Society of the Spectacle was first a French book, which gave birth to a number of translations as well as a film adaptation. It was so successful that today its title has become part of everyday language. How can we explain the fact that this critical study of French society penned by Guy Debord in 1967 went on to make history both in France and abroad? This article will attempt to answer this question by relying on a cultural history perspective, successively analysing the phases of production, diffusion and reception of this innovative theory, both in form and content.
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