Contenu du sommaire : Les "Petites Russies" des campagnes françaises
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 171-172, 2004 |
Titre du numéro | Les "Petites Russies" des campagnes françaises |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le marteau contre la faucille : Introduction - Rose Marie Lagrave p. 9
I. Terres d'implantation, terres d'élection
- L'implantation du PCF : Bastions ruraux, bastions urbains - Julian Mischi, Michel Streith p. 27-33 L'analyse des études consacrées aux résultats du PCF lors des scrutins législatifs de 1924 à 1997 permet de mettre en évidence la répartition géographique et l'évolution historique de l'audience électorale de l'organisation communiste en milieu rural et urbain. Il apparaît notamment que l'émergence des bastions ruraux sur les bordures septentrionales et occidentales du Massif central et sur le pourtour méditerranéen ne s'opère pas à la Libération ou pendant le Front populaire mais remonte à la création du parti, c'est-à-dire aux années vingt. Par ailleurs, à l'occasion du déclin électoral du PCF, à partir de 1958 mais surtout à partir de 1981, les pertes d'influence les plus fortes s'enregistrent en milieu urbain. Le parti résiste mieux dans ses fiefs ruraux et, en particulier, dans les régions traditionnellement républicaines du Centre.
- La résistance du vote rural (1981-2002) - Jean-Claude Bontron, Agnès Roche p. 35-44 L'objet de cet article est de mesurer l'importance du vote communiste en milieu rural, à l'échelon du canton, lors des présidentielles de 1981 et de 2002, et de tester des corrélations entre ce vote et des variables sociodémographiques. Il apparaît que les électeurs urbains n'ont pas une propension plus forte que les ruraux à voter pour le PC, et que les cantons qui résistent le mieux au déclin électoral sont majoritairement ruraux. Les zones de force du communisme ont évolué de façon contrastée : le Nord, le Midi méditerranéen et la région parisienne enregistrent des pertes considérables, alors que les espaces, souvent ruraux, du sud-ouest et du pourtour du Massif central se défendent mieux. Les cantons ruraux les plus résistants correspondent aux campagnes en déclin démographique, où la proportion d'agriculteurs est élevée.
- Socialistes et communistes dans l'entre-deux-guerres - Édouard Lynch p. 45-59 L'étude de la naissance et de l'épanouissement du communisme rural, tout en répondant à des logiques idéologiques et organisationnelles spécifiques, ne peut se passer d'une comparaison avec le socialisme agraire, d'abord en raison des proximités doctrinales. Après l'épisode fondateur du congrès de Tours et au-delà des divergences théoriques et tactiques, les deux mouvements affrontent, pendant l'entre-deux-guerres, des défis communs, qu'il s'agisse d'apporter des réponses à la crise ou de trouver des relais efficaces pour pénétrer et conquérir le milieu paysan.
- Être communiste en milieu rural - Julian Mischi p. 61-71 L'étude de l'implantation du PCF dans trois départements (Allier, Loire-Atlantique, Meurthe-et-Moselle) permet de mettre en évidence la spécificité des pratiques et des représentations des militants ruraux. L'analyse sociographique des réseaux ruraux du PCF souligne la forte mobilisation communiste de zones de peuplement ouvrier ainsi que le rôle clé joué par les artisans et commerçants dans l'encadrement de la paysannerie rouge. Une approche plus ethnographique montre de quelle manière l'organisation communiste compose avec des sociabilités locales qui marquent de leur empreinte les formes de l'engagement militant. Le matériel de propagande produit par le PCF fait valoir les référents ruraux de l'idéologie communiste et l'existence d'une symbolique communiste propre aux campagnes.
- La petite propriété fait le communisme (Limousin, Dordogne) - Laird Boswell p. 73-82 À partir des cas singuliers du Limousin et de la Dordogne cet article réexamine le lien entre communisme et milieu rural dans l'entre-deux-guerres. Loin d'être le produit d'une tradition de gauche ou un phénomène importé du monde urbain, le communisme rural est un mouvement neuf, relativement autonome, dont la base sociale se compose de petits paysans, d'artisans et de petits commerçants. Un programme agricole savamment dosé, fondé sur la défense de la petite propriété, et des réseaux de sociabilité et de culture villageoise sont au coeur du dispositif communiste.
- Paradoxes et diversité du communisme rural drômois (1945-1981) - Alain Chaffel p. 83-92 Département à forte composante rurale, la Drôme a connu une solide implantation communiste, de la Libération à la fin des années soixante-dix. Le PCF a pu s'appuyer sur plusieurs bastions agraires constitués en majorité de petits propriétaires. Héritant de certains éléments de la culture locale, ce communisme paysan a conservé des traits spécifiques durant toute la période. Différent de celui des villes dans sa pratique politique, dans son comportement électoral et dans sa sociologie, il a constamment affiché, à l'égard du PCF, une fidélité supérieure à la moyenne. Bien qu'éloigné du militantisme actif et moins impliqué idéologiquement dans l'orthodoxie de l'appareil, il a su gérer son autonomie et sauvegarder durablement la fonction tribunitienne de l'organisation.
- Les nouveaux « Bonnets rouges » de Basse-Bretagne - Ronan Le Coadic p. 93 En Bretagne, le communisme a su gagner le coeur des paysans du Trégor et de haute Cornouaille. Le fait peut paraître surprenant car les campagnes bretonnes ont - à tort - la réputation d'être conservatrices. Il n'y a pourtant nul paradoxe à cette vigueur mais un faisceau de causes profondes qui s'inscrivent dans la longue durée. Trois siècles de conflits entre la paysannerie et la noblesse ou l'Église ont préparé le terrain. Puis des « semeurs d'idées » parcourent le pays pendant des décennies. Enfin, le rôle actif des communistes dans la Résistance et le culte qui leur est rendu après la guerre permettent l'épanouissement du parti dans un terroir où il bénéficie d'un véritable transfert de foi.
- L'implantation du PCF : Bastions ruraux, bastions urbains - Julian Mischi, Michel Streith p. 27-33
II. Un département témoin : l'exception bourbonnaise
- Un terreau favorable - Agnès Roche p. 103-114 Le Bourbonnais présente certaines caractéristiques favorables à l'implantation précoce et rapide de la gauche. Des rapports sociaux très conflictuels (grande propriété et métayage dominants) et un dynamisme syndical constituent un terreau propice aux « rouges ». La création, dans les premières années du XX e siècle, de la Fédération des syndicats des travailleurs de la terre marque le début de la mobilisation paysanne dans l'Allier.
- Tensions entre socialisme et communisme en Bourbonnais (1945-2002) - Fabien Conord p. 115-124 Depuis 1945, la gauche est prépondérante dans le conseil général et la circonscription la plus rurale de l'Allier. Les rapports entre socialistes et communistes sont étroitement dépendants des forces respectives des deux partis et oscillent entre concurrence et partenariat. Pour parvenir à une position de suprématie, élus et militants font appel à l'Histoire comme légitimation. Ils usent aussi de méthodes plus pratiques, tel l'investissement dans le syndicalisme agricole, modalité d'implantation privilégiée dans l'Allier. Cet article présente les références, la sociologie et les relais des deux mouvements. Il envisage l'évolution de la gauche par rapport aux mutations économiques et sociales, et face à une droite renouvelée durant les dernières décennies du XXe siècle.
- Propagande et effets de propagande : Le canton de Bourbon-l'Archambault dans l'entre-deux-guerres - Vincent Fabre p. 125-133 Au coeur du bocage bourbonnais, le PCF s'est constitué, dès l'entre-deux-guerres, un solide bastion rural. Le parti se confond ici avec l'action de quelques individualités qui, par leurs statuts professionnels, jouissent d'une relative liberté. Confrontés aux tensions entre objectifs idéologiques (collectivisation) et réalités de la paysannerie française (aspiration à la propriété), ces dirigeants mettent en oeuvre une propagande originale, adaptée au contexte local, loin des axes téléologiques du comité central : ils évitent soigneusement l'épineuse question de la propriété ; ils se servent du pacifisme et de l'antimilitarisme pour mobiliser la paysannerie bourbonnaise ; ils organisent une nouvelle sociabilité, faite de rassemblements et de symboles partagés, permettant la constitution d'une identité « rouge ».
- Un parti ouvrier en milieu rural - Julian Mischi p. 135-145 L'étude sociographique des structures militantes de la fédération communiste de l'Allier, de 1920 à 1979, souligne les caractéristiques sociales de ses adhérents ruraux, principalement des travailleurs manuels du monde agricole, ainsi que la singularité de leur position au sein d'un parti qui valorise symboliquement et pratiquement le monde ouvrier de la grande industrie. Alors qu'ils constituent sa principale force électorale, les militants des campagnes bourbonnaises n'occupent pas une place centrale dans une hiérarchie départementale dominée par les cadres ouvriers du bassin montluçonnais. Soumis à des logiques de domination sociale reproduites par le PCF, le destin militant des ruraux est essentiellement syndical ou local : ils investissent les instances agricoles et municipales de leurs villages.
- Culture bourbonnaise, culture communiste (1920-1939) - Haksu Lee p. 147-157 On ne peut comprendre l'implantation et la fidélité au communisme des ruraux du département de l'Allier, terre de grandes propriétés, si l'on ne tient pas compte du travail qu'ont effectué les militants pour croiser culture bourbonnaise et culture communiste. Le génie du communisme bourbonnais est d'avoir insufflé une nouvelle dynamique à des sociabilités existantes mais déclinantes, par un recodage politique fondé sur une tradition laïque. Trois registres complémentaires serviront de point d'appui : les fêtes traditionnelles républicaines, une nouvelle offre culturelle à travers une politique d'éducation populaire et de loisirs, des réseaux associatifs. Ce sont eux qui, progressivement, vont façonner l'identité communiste bourbonnaise.
- Un terreau favorable - Agnès Roche p. 103-114
III. Figures paysannes dans un parti ouvriériste
- Les paysans du « Maitron » : Militants de l'entre-deux-guerres - Ivan Bruneau, Emmanuel Le Doeuff p. 159-174 Ivan Bruneau et Emmanuel le Doeuff, Les paysans du « Maitron ». Militants de l'entre-deux-guerres Cet article constitue une première ébauche statistique des profils paysans ayant fait l'objet d'une notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, dit le « Maitron », pour la période de l'entre-deux-guerres. Après avoir rapidement exposé le mode de construction de leur base de données, Ivan Bruneau et Emmanuel Le Doeuff présentent les traits saillants de ce corpus caractérisé par une inégale distribution géographique et sociale, en partie déterminée par la prédominance du Midi rouge. En croisant position sociale, affiliation partisane et responsabilités exercées, les auteurs mettent en évidence une double différenciation entre les ouvriers agricoles et les propriétaires.
- Élus et responsables politiques (1920-1940) - Romain Henry p. 175-187 Durant la période de l'entre-deux-guerres, le parti communiste français fait élire à la Chambre des députés issus du monde paysan. Ces élus présentent plusieurs caractéristiques. Pour commencer, leur nombre est très réduit voire négligeable, surtout durant les quatre premières législatures de l'après-guerre. Mais, de ce « petit bataillon » émergent, malgré tout, des individus très charismatiques qui, à l'image de Renaud Jean ou de Waldeck Rochet, ont marqué la vie politique française. Cette faible représentation du monde rural dans les rangs des groupes parlementaires communistes interroge inévitablement la place et l'image des paysans au sein du PCF. De la réalité paysanne de ces communistes, cette étude révèle l'attachement de ces militants pour ce milieu, milieu que beaucoup ont cependant quitté.
- Renaud Jean un tribun des paysans - Gérard Belloin p. 189-199 Le parcours de Renaud Jean, leader paysan du PCF de 1920 à 1939, éclaire quelques-unes des sources du communisme français : le pacifisme consécutif à la Première Guerre mondiale, l'aspiration des exploitants familiaux à la propriété et les traditions républicaines héritées de 1789. Cette culture, que la bolchevisation du parti par l'Internationale communiste s'emploie à détruire pour lui substituer les dogmes léninistes, continue à orienter son action. Elle le met en position de rupture à peu près constante, sauf, précisément, en 1935-1936, lorsque la direction du PCF, pour des raisons qui tiennent largement à la stratégie mondiale de l'URSS, la reprend à son compte. Son exclusion de fait, en 1944, illustre les impasses du communisme.
- L'Étoffe d'un dirigeant : Waldeck Rochet - Jean Vigreux p. 201-213 Waldeck Rochet, paysan bressan, devient un cadre important du PCF dont il est le dirigeant paysan pendant trente ans. Créateur du journal La Terre, sa carrière politique ne s'arrête cependant pas au monde rural puisqu'il finit secrétaire général du PCF. Cet homme du sérail ouvre le parti à la démocratie et condamne l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie. Son secrétariat est aussi marqué par la relance de l'Union de la gauche et par la première opposition majeure avec l'URSS. Ces changements s'expliquent-ils par la biographie de cet homme discret, fidèle, et qui disparaît de la scène politique en laissant la place à Georges Marchais ?
- Postface - Bernard Pudal p. 215-218
- Bibliographie générale - Michel Streith p. 219-227
- Les paysans du « Maitron » : Militants de l'entre-deux-guerres - Ivan Bruneau, Emmanuel Le Doeuff p. 159-174
Autour du thème
- Autour du thème - p. 271-278
- Comptes rendus - p. 279-305