Contenu du sommaire : Quel développement à Madagascar ?
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 178, 2006 |
Titre du numéro | Quel développement à Madagascar ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Sophie Goedefroit, Jean-Pierre Revéret p. 9
- Droit à la parole et résistance des peuples face à la globalisation - Jacques Lombard p. 23-38 En nous plaçant dans une perspective historique et en nous appuyant sur différents exemples concrets, nous voulons montrer que, pendant plus de trois siècles, les sociétés sakalava se sont modernisées suivant leur logique propre, construisant ainsi chaque étape de leur histoire. De cette façon, elles se sont affirmées dans leur identité profonde, empruntant et résistant tout à la fois. Pour ces sociétés souvent ignorées par l'Histoire, cette résistance a trouvé son expression dans l'ordre du symbolique et du culturel, favorisant dans le quotidien la fabrication de la tradition dans le droit fil de la « Tradition » avant de déboucher sur le « politique ». Et ce, simplement parce que, tout en accompagnant la force impérieuse et constante des changements dans tous les domaines, l'évidence intellectuelle, affective et sociale du fombanay (ce qui nous appartient) garantissait la continuité et la réalité d'une histoire, d'une culture et d'une société. Sur cette base, l'auteur développe des considérations générales sur la colonisation et la globalisation.
- La restitution du droit à la parole - Sophie Goedefroit p. 39-64 Cet article propose de revenir aux sources d'une expérience unique permettant de penser autrement le développement, et qui, en 1996, a pris la forme d'une loi : la « gestion locale sécurisée » (Gelose) des ressources naturelles. Les principes de ce « modèle » de développement reposent sur la restitution du droit à la parole aux populations locales et sur la « maîtrise de leurs conditions écologiques d'existence ». Partant de résultats de recherches réalisées dans le temps long (dix ans), à travers plusieurs régions de Madagascar, l'auteur tente de « restaurer » et de comprendre la parole de ceux qui s'expriment sur la façon dont ils ont vécu cette expérience de Gelose dans leur village. Elle effectue ainsi un double retour sur le droit à la parole et sur l'expérience pour s'interroger sur les raisons des mesures qui sont prises actuellement au niveau national, et qui, en critiquant de manière hâtive certains principes de la Gelose, militent pour un retour à une gestion plus dirigiste (empowerment) qui condamnerait, dès lors, les populations au silence.
- Locales contra autóctonos : Contradicciones de las estrategias participativas - Albert Roca p. 65-88 Locaux contre autochtones. Les contradictions des stratégies participatives Les chercheurs ont des raisons de se méfier du concept de « participation », devenu source de consensus dans les politiques de développement. À Madagascar, alors que des normes contradictoires font des nouvelles collectivités territoriales décentralisées (CTD) des pièges législatifs en les laissant, de fait, aux mains des pouvoirs centraux, cette situation ne semble pas retenir l'attention. L'exemple de la région du Menabe illustre le naufrage des stratégies participatives de développement. Il montre qu'un groupe d'agents locaux, lassés d'attendre l'activation des CTD, s'est organisé en comité régional de développement (CRD). Et montre aussi comment ce CRD est devenu un modèle. L'auteur pose les questions de la représentativité de la « communauté de base » par rapport à la population réelle, de la sécurisation foncière, du détournement, par des factions locales, des liaisons privilégiées que les autochtones entretiennent avec le terroir.
- Des associations des villes aux associations des champs en pays Betsileo - Sophie Moreau p. 89 Depuis une dizaine d'années, dans les campagnes isolées du Betsiléo (sud-est des Hautes Terres), la multiplication d'ONG étrangères et malgaches oeuvrant dans les domaines de la protection de l'environnement et du développement agricole a suscité la création de nombreuses associations paysannes. L'émergence de ces acteurs intermédiaires entre l'échelle globale et l'échelle locale répond à la fois à la demande des bailleurs internationaux qui réclament des partenaires de type ONG pour réaliser l'ambitieuse politique environnementale malgache, et à la mobilisation des intellectuels citadins en quête d'emplois valorisants. L'auteur montre que, si l'action des ONG citadines et des associations paysannes demeure modeste, l'ouverture, soudaine, à la modernité, de la société rurale et de ses nouveaux leaders est, elle, remarquable.
- L'indispensable restructuration du droit environnemental malgache - Philippe Karpe p. 113-128 L'auteur montre que, à Madagascar, le droit environnemental, d'inspiration française, n'est pas adapté au contexte spécifique du pays. Cette situation induit le maintien, dans les faits, d'une autonomie de réflexion,de décision et d'action, dont bénéficient toutes les personnes concernées par l'application de ce droit, autonomie qui suppose une complicité tacite entre les différents acteurs de l'environnement (autochtones et allochtones). Le juriste est ainsi amené à soulever la question de la nécessaire rénovation du droit environnemental malgache.
- Les voix des ancêtres et les voies du développement : Les populations de l'Ankaraña en butte à la mondialisation - Laurent Berger p. 129-160 À la suite de l'implantation rurale au nord de l'île d'un site agro-industriel financé par une filiale de la Banque mondiale, le souverain antankaraña Tsimiaro III est médiatiquement destitué par une branche dynastique rivale, après avoir, durant près de quinze ans, entretenu et développé, à l'échelle nationale, les grands rituels de cette royauté, joué les médiateurs privilégiés auprès des ONG et multinationales, et soutenu publiquement de grandes figures de l'État postcolonial. Cette « étude de cas élargie » tente de rendre intelligible cet événement, en l'articulant à la construction matérielle de « communautés politiques imaginées », sur le plus ou moins long terme : s'y dessinent alors, dans l'engouement religieux populaire et l'« autochtonisation » des migrants, la bureaucratisation de l'appareil monarchique, la libéralisation de l'État malgache et l'affrontement de projets de développement régionaux concurrents sur une scène où, en définitive, se jouent l'émergence de représentants légitimes des populations locales et leur capacité à faire entendre aux puissants les préoccupations de la vie quotidienne et les aspirations collectives pour l'avenir.
- En attendant les zébus... : Les enjeux de la gestion durable de la forêt des Mikea - Philippe Méral, Vahinala Raharinirina p. 161-180 Les auteurs de cette contribution s'intéressent, dans un premier temps, à l'application du concept de développement durable à Madagascar et décrivent brièvement le phénomène de déforestation dans la zone d'étude (la forêt des Mikea, sud-ouest malgache). Puis ils détaillent le dispositif institutionnel élaboré en vue de gérer durablement cette forêt. Ils présentent ensuite certaines mesures prises dans ce sens, au niveau local et au niveau national. Enfin, ils tentent de mettre en avant de nouveaux éléments d'analyse via le décryptage de ces projets, de leurs caractéristiques, de leurs contraintes et des évolutions qu'ils subissent dans le temps.
- L'urgence d'une confirmation par la science du rôle écologique du corridor forestier de Fianarantsoa - Stéphanie Carrière-Buchsenschutz p. 181-196 L'urgence des actions de conservation à Madagascar s'inscrit dans le sillage post-Durban : le président de la République a déclaré qu'il allait, en cinq ans, faire plus que tripler la surface des aires protégées. L'approche en termes de « corridor », lequel n'est pas toujours scientifiquement justifié, constitue l'un des maîtres mots de la politique environnementale. Une analyse de la littérature portant sur le corridor forestier de Fianarantsoa (sud-est de l'île) révèle un décalage important entre le discours des ONG conservationnistes et la réalité du terrain. Il serait pourtant primordial de prendre en compte ce décalage dans la délimitation des aires protégées. Cet article tente de mettre en lumière les flous qu'entretiennent, au nom du principe de précaution, les acteurs de la conservation.
- Gérer et valoriser les ressources marines pour lutter contre la pauvreté - Christian Chaboud p. 197-212 Dans le sud-ouest de Madagascar, la pêche traditionnelle pratiquée par la communauté vezo est confrontée à une crise à la fois environnementale et de paupérisation. Après une présentation du contexte et des principales caractéristiques liés à cette activité, l'auteur interroge la relation entre pauvreté et dégradation marine et côtière. Il souligne la difficulté, pour les pêcheurs, de procéder à des aménagements techniques et institutionnels. L'examen des politiques publiques censées pallier ces difficultés révèle que leur démarche est, aujourd'hui, plus environnementale que sectorielle. Quelles solutions les communautés de pêcheurs trouvent-elles pour assurer leur survie ?
- Investissement minier et développement : L'exploitation de l'Ilménite dans la région de Tolagnaro (Fort-Dauphin) - Jean-Pierre Revéret p. 213-228 Dans la région de Tolagnaro, au sud-est de Madagascar, un projet minier de grande envergure, en gestation depuis 1986, vient, en 2006, d'entamer la phase de construction de ses infrastructures. À partir d'un regard combinant l'économie politique et l'analyse environnementale, l'auteur fait le portrait de l'activité minière et de ses principaux impacts attendus ainsi que de la toile de fond multidimensionnelle sur laquelle s'est développé ce projet. Il explore ensuite les conditions dans lesquelles cet investissement pourrait contribuer, non seulement à la croissance économique et aux exportations mais, surtout et avant tout, au développement local et régional.
Débat
- Autour du livre de Philippe Descola : Par-delà nature et culture (Paris, Gallimard, « bibliothèque des sciences humaines », 2005, 624 p.) - Emmanuel Lézy, Gérard Chouquer p. 229-252
- Comptes rendus - p. 253