Contenu du sommaire : Modèles et contre-modèles sociaux. Amérique latine

Revue Etudes rurales Mir@bel
Numéro no 181, 2008
Titre du numéro Modèles et contre-modèles sociaux. Amérique latine
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le littoral des Guyanes, héritage de l'agriculture précolombienne - Stéphen Rostain p. 9 accès libre avec résumé
    Des milliers de buttes ont été repérées dans les savanes littorales inondables des Guyanes. Des archéologues, archéobotanistes et écologues ont testé ces monticules et montré qu'ils étaient d'origine anthropique. Il s'agit de champs surélevés précolombiens construits pour assurer le drainage de ces surfaces. En effet, avant la conquête européenne, les Amérindiens avaient développé des techniques agricoles élaborées, aujourd'hui oubliées, telles les cultures sur terra preta, sur várzea ou sur champs surélevés. Les champs surélevés des Guyanes furent exploités entre 650 et 1400 après J.-C. par des populations dites arauquino ïdes. Ces mêmes populations édifièrent également des tertres d'habitat dans les marécages du Suriname. L'étude des champs surélevés ouvre des pistes insoupçonnées pour appréhender la démographie et avance une densité de 50 à 100 hab./km2, valeur très éloignée de celle qui avait été retenue jusque-là.
  • De l'individuel au collectif : Les modes de gestion de l'élevage dans la puna péruvienne - Marion Charbonneau, Yves Poinsot p. 39-60 accès libre avec résumé
    Les modes de gestion ayant trait à la préservation des ressources naturelles font débat. Face à l'exploitation privée propre au modèle libéral, certains acteurs andins défendent une appropriation collective et se référant à la tradition précolombienne. Pour discuter les assises structurelles et fonctionnelles de ce « contre-modèle », on examinera la manière dont les combinaisons individuel/collectif imprègnent l'élevage de l'alpaga dans la puna sud-péruvienne. La propriété des terres et celle du troupeau voient coexister des formes individuelles et collectives. La persistance du collectif résulte souvent d'héritages, telles les réformes agraires, mais procède aussi d'un besoin de financement des services et infrastructures. Des impératifs techniques ou de commercialisation incitent également à des regroupements permettant des économies d'échelle. En somme, les ressorts de ces pilotages collectifs diffèrent assez peu, dans leurs principes, de ceux qu'on observe dans l'élevage européen.
  • De la pauvreté stable à l'instabilité dans la pauvreté : Les « travailleurs autonomes » de la région vitivinicole de Mendoza (Argentine) - Lorena Poblete p. 61-74 accès libre avec résumé
    Le statut de contratista est caractéristique du travail rural dans les régions vitivinicoles de l'Argentine depuis 1973. Il s'agit d'un statut particulier combinant des aspects des statuts propres aux salariés et aux entrepreneurs. Jusqu'en 1995, cette catégorie juridique a permis aux travailleurs ruraux de Mendoza (centre-ouest du pays) de maintenir leur univers en équilibre : ils étaient installés dans une sorte de pauvreté stable grâce au logement et aux protections sociales que ce statut leur assurait. Entre 1995 et 1999, lors de la transformation de la production vitivinicole dans cette région, pour pouvoir se faire embaucher les contratistas ont dû se transformer en « travailleurs autonomes ». Ce changement de statut, en leur faisant perdre les avantages sociaux dont ils bénéficiaient jusque-là, marque le passage d'une pauvreté stable à une instabilité dans la pauvreté.
  • Effets collatéraux des programmes de conservation sur le littoral brésilien - Florent Kohler p. 75-88 accès libre avec résumé
    Cet article présente un exemple de gestion du milieu naturel par une population indigène rémanente, les Pataxó du Mont Pascal (extrême sud de Bahia, Brésil), gestion encadrée par une ONG locale et l'Institut brésilien de l'environnement. Les malentendus autour de concepts clés tels que « développement durable » et « savoir traditionnel » entraînent parfois des dégâts irréversibles dans les zones protégées. L'aspiration au progrès et au confort matériel ne peut se contenter de projets à long terme ou d'une revalorisation purement narcissique d'une hypothétique « tradition ». La complexité des situations créées est aggravée du fait qu'il est impossible d'émettre un constat d'échec sans porter préjudice aux populations concernées.
  • Le pastoralisme mobile en Iran : Ses variantes, leurs déterminants et leurs conséquences pour le développement - Jean-Pierre Digard, Mohammad-Hossein Pâpoli-Yazdi p. 89 accès libre avec résumé
    En dépit d'une forte originalité, qui le distingue notamment du nomadisme bédouin arabe, le pastoralisme mobile en Iran ne constitue pas un phénomène uniforme. Ses variantes régionales, ici regroupées en sept types principaux, sont la conséquence de conditions écosystémiques et de circonstances historiques particulières, qui, ensemble, ont façonné des systèmes culturels distincts, fondés notamment sur des modalités différentes d'appropriation des pâturages. Les politiques de développement doivent impérativement prendre en compte cette diversité et ne pas chercher à appliquer partout les mêmes remèdes.
  • Trajectoires foncières de minorités ethniques au Vietnam - Frédéric Fortunel p. 103-114 accès libre avec résumé
    Cet article a pour objet de présenter, à travers l'évolution du foncier, les mutations auxquelles sont confrontées les minorités ethniques qui peuplent les espaces de montagne des plateaux du Centre-Vietnam. Ces populations autochtones ont vécu successivement la collectivisation du travail, la nationalisation des terres, puis, depuis une quinzaine d'années, le retour à l'exploitation familiale. Dans un contexte de pression croissante sur les ressources, ces transformations ont pour effet d'accroître les tensions sociales et de paupériser la paysannerie la moins préparée au socialisme de marché. Le développement que permet la caféiculture promue dans cette région est nuancé par la marginalisation de paysans, lesquels vendent, certes, leur production à travers le monde mais ne sont plus en mesure d'assurer leur propre subsistance.
  • Le productivisme agricole : Socioanthropologie de l'industrialisation des campagnes françaises - Maxime Prével p. 115-132 accès libre avec résumé
    Depuis plusieurs années, une partie de l'opinion publique, sensibilisée à la question écologique, ainsi que certains agriculteurs, inquiets de l'hémorragie démographique dont souffre leur profession, remettent en cause le productivisme agricole. Si ce système d'organisation fait aujourd'hui l'objet d'une critique sociale, interne et externe, il n'a pas toujours suscité le même intérêt, notamment en matière de sciences humaines. Après avoir défini cette méthode, l'auteur propose des éléments d'explication et de compréhension à partir d'une approche conciliant les acquis de la sociologie et de l'anthropologie. Le productivisme agricole est un « fait social total » qui peut être analysé dans une perspective économique, symbolique, politique et imaginaire. Les agriculteurs productivistes sont dépendants de leur entourage commercial et sont convaincus que l'innovation technique constitue nécessairement une amélioration pour l'agriculture.
  • De la résistance à la subversion : Les chasseurs de la baie de somme et le développement durable - Yann Raison du Cleuziou p. 133-148 accès libre avec résumé
    La baie de Somme est un territoire où la contestation des directives européennes et des politiques de nature atteint un des plus forts niveaux de mobilisation électorale en France et où les chasseurs sont les plus impliqués dans les processus décisionnels de naturalisation de l'espace. Cet article décrit les conditions de possibilité de cette appropriation paradoxale des normes de développement durable : l'invention d'une « chasse durable » est possible parce qu'elle offre un moyen de reproduction au groupe des chasseurs et permet la transmission du patrimoine dont procède la société locale, à un moment où le développement touristique menace sa perpétuation.
  • L'eau et les réunionnais : De l'importance des histoires socioculturelles - Mary Schirrer p. 149-162 accès libre avec résumé
    À l'heure où l'on ne cesse de rappeler la nécessité de protéger l'« or bleu » mais où les échecs s'accumulent dans la mise en oeuvre d'une « nouvelle éthique de l'eau », cet article souligne quelques dimensions socioculturelles des rapports à l'élément aquatique. Prenant appui sur trois études de cas en terre réunionnaise, l'auteur montre l'importance des histoires de vie et des systèmes symboliques, des ancrages culturels et des ancrages géographiques dans la construction des relations que les individus entretiennent avec l'eau. Cette étude pose un regard anthropologique sur la place de cet environnement « naturel » dans la société réunionnaise.
  • Propriété privative et régulation du paysage en Suisse - Stéphane Nahrath p. 163-180 accès libre avec résumé
    Partant du constat de la re-découverte récente du paysage en tant que ressource socionaturelle à préserver, l'auteur soutient l'idée selon laquelle la régulation efficace et durable d'une ressource passe par la création de droits de propriété, clairement définis et attribués aux différents groupes sociaux concernés par son usage et sa gestion. Toutefois, le paysage n'appartenant, d'un point de vue formel, à personne, ce sont en réalité les politiques publiques qui, tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, ont créé des formes de droits d'usage sur cette ressource. Après avoir rappelé les grandes étapes de ce processus, l'auteur étudie les principales tensions qui traversent l'histoire de cette régulation. À cette occasion, les limites de notre conception moderne ? privative ? de la propriété (foncière) sont plus particulièrement discutées. L'article présente trois stratégies possibles pour dépasser les blocages contemporains résultant de l'hégémonie de la propriété privative.
  • Pratiques sportives et mises en paysage (Alpes, Calanques marseillaises) - Aurélien Niel, Olivier Sirost p. 181-202 accès libre avec résumé
    Cet article a pour objet d'introduire le concept de « paysage » dans le rapport que les sportifs entretiennent avec l'espace qu'ils investissent. Nous nous appuyons pour ce faire sur un long travail d'enquête, mené dans la vallée d'Ailefroide (dans les Alpes) ainsi que dans les Calanques marseillaises, auprès de joggeurs, marcheurs et grimpeurs. Nous émettons l'hypothèse que les sportifs, par la nature de l'activité à laquelle ils se livrent, fournissent d'autres modes d'appréciation du paysage que le seul mode visuel. Le corps immergé dans la nature participe aujourd'hui activement à la définition de celle-ci. Par le biais du sport, un savoir sensible se fait jour, basé sur l'expérience kinesthésique de l'individu.
  • Arpentage, cadastre et fiscalité foncière, de l'Antiquité à l'époque moderne - Gérard Chouquer p. 203-236 accès libre