Contenu du sommaire : Les agricultures de firme. 1. Organisations et financiarisation
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 190, 2012 |
Titre du numéro | Les agricultures de firme. 1. Organisations et financiarisation |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Hommage à Isac Chiva - p. 5
- Introduction - François Purseigle p. 19-23
- La grande maille agraire en Europe Centrale : un invariant spatiotemporel ? - Marie-Claude Maurel p. 25-47 Deux décennies après la décollectivisation, l'hyper-concentration foncière reste une singularité structurelle des agricultures centre-européennes. L'article s'attache à saisir le rôle des institutions qui ont pu favoriser la conversion de la grande exploitation, collective ou étatique, en formes sociales de production préservant des caractéristiques dimensionnelles comparables. La trame d'appropriation de la terre, émiettée entre de nombreux propriétaires, et celle de sa mise en valeur sont dissociées sans que cela n'entrave son exploitation en très grandes unités de production. Auparavant intégrés dans l'organisation collectiviste, la terre, le travail et le capital sont restés associés, à l'initiative des gestionnaires des macrostructures qui ont réussi à prendre le contrôle des droits de propriété sur le capital d'exploitation. À travers le processus de recomposition des formes sociales de production, la grande maille agraire a assuré la transmission de l'héritage structurel.
- Des kolkhozes à l'agrobusiness en Russie - Pascal Grouiez p. 49-62 Pascal Grouiez, Des kolkhozes à l'agrobusiness en Russie Le système agricole russe a connu de profondes mutations depuis la fin du régime soviétique. Les kolkhozes et sovkhozes ont d'abord fait l'objet d'une appropriation plus ou moins frauduleuse par des apparatchiks reconvertis en hommes d'affaires. Une seconde vague d'appropriations a eu lieu après 1998 à la suite de la dévaluation du rouble qui a suscité l'engouement d'investisseurs privés pour le secteur agricole. En l'espace d'une décennie, les exploitations ont disparu ou sont devenues de véritables « firmes » qui revêtent différentes formes organisationnelles. Cette évolution s'est accompagnée de conflits et de compromis négociés par des acteurs aux pouvoirs hétérogènes qui souhaitent prendre le contrôle des ressources agricoles. Ces acteurs se sont appuyés sur l'héritage institutionnel pour faire reconnaître leurs intérêts et orienter la trajectoire des transformations économiques.
- Plantations de palmiers à huile en Indonésie et déprolétarisation - Stéphanie Barral p. 63-75 En Indonésie, les plantations de palmier à huile connaissent depuis les années 1970 une expansion sans précédent. Alors que le premier siècle de leur développement a été marqué par des conflits ouvriers incessants, ces quatre dernières décennies ont, elles, été marquées par une paix sociale inédite. Les plantations les plus récentes sont situées dans des régions forestières de front pionnier où les terres abondent. Le relâchement du système parternaliste permet aux familles ouvrières de s'engager dans des stratégies d'épargne et d'accumulation grâce auxquelles elles accèdent à la propriété foncière. Pour retenir cette main-d'œuvre, les dirigeants sont contraints d'appliquer des politiques très favorables aux familles ouvrières. Cet article analyse le processus de neutralisation de la critique ouvrière et de renforcement du capitalisme de plantation. Pour ce faire, l'auteure s'appuie sur une enquête menée dans trois grandes plantations privées de Sumatra et de Kalimantan.
- L'agriculture de firme : un fait émergent dans le contexte agricole français ? - Valérie Olivier-Salvagnac, Bruno Legagneux p. 77-97 Cet article tente de relever ce qui, en économie agricole ou agroalimentaire et en statistique agricole, contribue à définir « l'agriculture de firme » parmi l'ensemble des exploitations agricoles françaises. Même si l'exploitation familiale tend à éclater, elle reste la norme du paysage rural français. Ce qui nous intéresse ici renvoie à la « théorie de la firme », lieu de répartition stratégique entre le travail et le capital. Cet article montre que cette forme nouvelle d'entrepreneuriat agricole ne dépend pas uniquement de la capacité d'adaptation de l'agriculteur ou des jeux de pouvoir qu'exercent les filières agroalimentaires. Pour ce qui est des financements nécessaires au développement, la famille rapprochée et le système coopératif laisseraient la place à la famille élargie et aux stratégies d'ouverture. Cette réflexion s'appuie sur quelques repères analytiques et sur une exploration des premiers résultats du recensement agricole de 2010.
- Les exploitations agricoles à l'épreuve de la firme : L'exemple de la Camargue - Geneviève Nguyen, François Purseigle p. 99 Dans son livre intitulé L'espace et le temps en Camargue, Bernard Picon retrace le processus exemplaire de mise en valeur agricole de la Camargue depuis le début du XIXe siècle, territoire prédisposé à des dynamiques de type industriel en ce que son milieu naturel réputé hostile rendait difficile l'installation des communautés paysannes traditionnelles. Aujourd'hui, cette région voit émerger de nouvelles formes d'organisation de la production, que nous tentons de décrire et de caractériser à partir d'entretiens réalisés auprès de différents acteurs de la filière rizicole et d'une photographie des trajectoires récentes des exploitations. Pour présenter cette nouvelle figure que, par défaut, nous nommons « agriculture de firme », nous proposons d'ajouter aux idéaux-types habituels des idéaux-types mieux ciblés. Au-delà de cet exercice typologique, nous nous intéressons à la coexistence de ces formes sociétaires avec les formes plus classiques de l'exploitation familiale. Ce travail doit contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes en cours, non seulement en Camargue mais aussi dans d'autres régions agricoles françaises.
- La distanciation de la relation adhérent-coopérative en France - Valérie Barraud-Didier, Marie-Christine Henninger, Guilhem Anzalone p. 119-130 Dans le contexte de l'internationalisation des marchés et de la financiarisation de l'agriculture, les exploitations agricoles connaissent de profondes mutations. Ce mouvement s'accompagne d'une évolution conjointe des pratiques et des formes d'organisation. La relation que la nouvelle génération d'agriculteurs entretient avec la coopérative se distancie. Mieux formés et utilisant Internet, ces nouveaux agriculteurs se mettent à spéculer. Ils s'autonomisent de plus en plus du point de vue économique et participent de moins en moins à la vie de la coopérative. Selon les auteurs qui se sont intéressés à cette question, la confiance pourrait permettre de resserrer le lien entre l'adhérent et la coopérative. Aussi les coopératives auraient-elles tout intérêt à se donner les moyens de restaurer cette confiance.
- Firmes et developpement durable : le nouvel esprit du productivisme - Ève Fouilleux, Frédéric Goulet p. 131-146 Cet article revient sur l'activisme des multinationales de l'agrofourniture et de l'agroalimentaire dans la gouvernance du secteur agricole. Pour ce faire nous nous appuyons sur deux cas de figure qui ont trait à la conception et à la diffusion d'innovations à l'échelle internationale : la technique du semis direct, et la mise en place de systèmes de certification « durable » des principales matières premières agricoles. Dans les deux cas, l'influence majeure de ces firmes se fonde sur des alliances spécifiques avec des acteurs de la sphère politique et économique, de la société civile et des mondes agricoles. Nous montrons en particulier comment les promoteurs de ces dispositifs mobilisent et instrumentalisent les débats sur la pluralité des formes d'exercice de l'activité agricole, sur leur durabilité environnementale et sociale, s'inscrivant dans un « nouvel esprit du productivisme », qui incorpore la critique des systèmes agricoles industriels sans pour autant les remettre en cause.
- Nouveaux modèles de production et d'investissement en Afrique du Sud - Ward Anseeuw, Antoine Ducastel, Mathieu Boche p. 147-160 Quinze ans après une première réforme agraire liée à la fin de l'apartheid, le secteur agricole sud-africain connaît une restructuration caractérisée par l'apparition de nouveaux modèles de production et de financement. Ces nouveaux modèles résultent de l'engagement plus soutenu d'une catégorie d'acteurs étrangers au secteur agricole traditionnel (banques commerciales, entreprises d'ingénierie agricole, sociétés de gestion d'actifs, fonds d'investissement) qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles d'activité. Un nouveau paradigme de développement s'impose : on entre dans une dynamique de capitalisation et d'industrialisation. Après avoir présenté de façon synthétique les logiques de ces nouveaux investisseurs, cet article étudie les effets de ces restructurations sur la concentration et la dualisation du secteur agricole, la sécurité et la souveraineté alimentaires, la perte du statut de l'agriculteur.
- Les fonds souverains dans l'agriculture : un investissement politique ? - Jean-Marc Puel p. 161-176 Les fonds souverains, ces fonds d'investissement financés par les États, sont aujourd'hui des acteurs incontournables de la finance mondiale. À ce titre, on croit déceler leur présence derrière chaque opération. Peu menaçants lorsque ces fonds appartiennent à des pays démocratiques, ils sont problématiques lorsqu'ils sont liés à des pays totalitaires ou ayant des revendications géopolitiques ouvertement affichées. Depuis la crise de 2008, l'agriculture est devenue un secteur attractif pour les acteurs financiers. Achat de terres, spéculation sur les matières premières agricoles, soutien aux firmes agroindustrielles sont autant d'enjeux, certes financiers, mais aussi pleinement politiques. Le rôle des fonds souverains n'est pour l'instant que modeste dans la restructuration financière que connaît le secteur agricole. Toutefois il convient de rester vigilant : leur puissance s'accroît en même temps que s'accroît la richesse des économies des pays émergents, et leurs ambitions s'ancrent dans le long terme.
- Agriculture entrepreneuriale et destruction du travail dans la pampa argentine - Christophe Albaladejo, Xavier Arnauld de Sartre, Pierre Gasselin p. 177-192 En Argentine, l'agriculture de firme s'est considérablement développée à partir des années 1990, notamment en région pampéenne. C'est ce qu'on appelle la « troisième révolution » agricole. Si la « deuxième révolution » avait fait du travail un facteur d'intégration sociale, la troisième est en train de détruire cette forme de sociabilisation. L'activité physique de production, la seule encore véritablement ancrée dans le territoire rural, s'est simplifiée et systématisée : elle exclut du monde du travail non seulement des employés agricoles mais aussi d'anciens exploitants, dont beaucoup se transforment en rentiers ou cherchent une nouvelle activité. Ceux que nous appellerons les « nouveaux producteurs » ne sont plus occupés par l'agriculture, quand ils ont la chance d'avoir un emploi. Nous nous intéresserons tout particulièrement à un village situé au cœur de ce modèle d'expansion territoriale, à 250 kilomètres à l'ouest de Buenos Aires : Ascensión.
- Exclusions paysannes et marché international du travail - Henri Rouillé d'Orfeuil p. 193-206 L'auteur propose ici quelques réflexions sur l'interface entre l'agriculture et le marché, aujourd'hui international, du travail. Beaucoup d'économistes perçoivent l'emploi agricole comme un réservoir de main-d'œuvre mobilisable par les autres secteurs de l'économie, donc, comme une variable d'ajustement régulée par le marché du travail. Or, aujourd'hui, cette régulation par la mobilité sectorielle et géographique ne fonctionne plus. La grande majorité des paysans ne quittent plus l'agriculture pour une offre d'emploi ou pour une perspective d'insertion dans un autre secteur mais en raison de la paupérisation qui touche le cœur du monde agricole et aboutit à des situations d'exclusion. En effet, des processus de concentration sont apparus, qui, dans les continents à majorité paysanne, induisent l'arrivée massive sur le marché du travail des exclus de l'activité agricole.