Contenu du sommaire : Tragédie syrienne
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 89, printemps 2014 |
Titre du numéro | Tragédie syrienne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Syrie : regards géopolitiques - Barah Mikaïl p. 9-13
- L'appareil sécuritaire syrien, socle d'un régime miné par la guerre civile - Souhaïl Belhadj p. 15-27 Le déclenchement de la guerre civile syrienne en 2011 n'a pas conduit à l'effondrement du régime baasiste contrairement aux prévisions qui avaient été avancées. Le président Assad et le pouvoir syrien en général connaissent même un second souffle si l'on se fie aux données militaires, politiques et diplomatiques actuelles du conflit civil. La raison décisive, car en elle-même suffisante, pour expliquer la résilience du régime baasiste est la cohésion de l'élite sécuritaire du pays. Cette élite constitue le socle du régime parce qu'elle est à la tête de l'administration du renseignement, l'organisation la plus ramifiée et la plus enracinée socialement de l'Etat syrien. C'est donc en se fondant avant tout sur des facteurs explicatifs internes que l'on peut saisir la dynamique de la guerre civile syrienne, même si des facteurs externes – l'implication des puissances étrangères – doivent être impérativement pris en considération.
- Communautarisme en Syrie : lorsque le mythe devient réalité - Fabrice Balanche p. 29-44 Plus le conflit se prolonge et plus la population syrienne se replie sur les structures traditionnelles que sont le clan et la communauté. La défense de la communauté et du clan prime sur les idéologies et les revendications politiques. Les minorités confessionnelles (20 % de la population) soutiennent globalement le régime car leur survie est menacée, en particulier la communauté alaouite qui a beaucoup à perdre. L'opposition armée au régime provient des classes populaires arabes sunnites (65 % de la population), quand la bourgeoisie demeure fidèle au régime. Quant aux Kurdes (15 % de la population), ils travaillent à la construction d'une région autonome, préférant un Bachar el Assad affaibli à une domination arabe sunnite forte. Les minorités confessionnelles et les Kurdes ne croient pas aux promesses de l'opposition de garantir leurs droits. Certes, les minorités, comme tous les Syriens, souhaitent des réformes démocratiques en Syrie, mais pas au prix de leur marginalisation, voire de leur élimination.
- Fragmentation et consolidation de l'opposition armée - Thomas Pierret p. 45-51 Le projet d'unir au sein d'une « Armée Syrienne Libre » (ASL) l'essentiel des unités combattant le régime de Bachar al-Assad a largement échoué. Toutefois, les structures de l'insurrection syrienne se sont graduellement consolidées du fait de regroupements de taille plus modeste, mais dotés d'une cohésion et d'une cohérence supérieures à celles de l'ASL.
- Retour sur le conflit syrien : les erreurs de l'opposition, les manquements de la communauté internationale - Bassma Kodmani p. 53-66
- La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ? - Karim Emile Bitar p. 67-79 Phagocytée par le jeu des puissances, la révolution syrienne s'est transformée en un conflit international qui se décline en une série de guerres par procuration qui risquent aujourd'hui de déstabiliser plusieurs pays voisins. Sur fond de bras de fer irano-saoudien et de réactivation des solidarités communautaires et ethniques transfrontalières, l'Irak et le Liban se rapprochent dangereusement du point de rupture. En Irak, l'autoritarisme débridé du Premier ministre Nouri al-Maliki peut être analysé comme une façon de conjurer l'affaiblissement manifeste des autorités face à des forces centrifuges de plus en plus marquées. Au Liban, la crise syrienne est venue approfondir les lignes de faille préexistantes et le pays subit de plein fouet une intense polarisation et un afflux massif de réfugiés syriens. Les répercussions de la guerre en Syrie sur la fragile monarchie jordanienne sont également considérables, alors que la politique syrienne du gouvernement turc d'Erdogan a montré ses limites et provoqué un retour de bâton. Les risques de déstabilisation régionale sont d'autant plus préoccupants que la crise syrienne a illustré le blocage total des mécanismes de la gouvernance collective et l'impuissance de la « communauté internationale ».
- Les diplomaties des monarchies du Conseil de coopération du Golfe dans la crise syrienne - Fatiha Dazi-Héni p. 81-93 Cette contribution a pour objectif d'éclairer les modalités d'engagement des diplomaties du Golfe dans la crise syrienne et d'évaluer les stratégies utilisées dans le contexte d'une puissance globale américaine qui rechigne à intervenir en Syrie. Le Golfe s'est illustré par l'engagement très actif des diplomaties saoudienne et qatarie sur la crise syrienne. Alors que leur objectif commun est de combattre le régime syrien, les deux monarchies vont y contribuer par leurs rivalités, en divisant et semant la confusion parmi les opposants et les combattants syriens sur le terrain. Les Emirats arabes unis de leur côté, très anxieux sur l'après-Bachar et la montée en puissance du djihadisme vont concentrer leurs efforts sur le soutien logistique et humanitaire des populations syriennes réfugiées dans les pays voisins. Le Koweït, dont le gouvernement campe sur une position plutôt réservée, deviendra la base arrière régionale des financements privés qui vont affluer pour soutenir les djihadistes en Syrie. Oman et Bahreïn restent plutôt en retrait, le premier car il a pour tradition de refuser de s'ingérer dans les affaires internes, le second du fait de son alignement sur les positions saoudiennes.La confusion et les rivalités entre pays du Golfe qui ont pris l'ascendant en matière de soutien à la rébellion syrienne vont contraindre le royaume saoudien à changer de stratégie, en concertation avec Washington, et à opter pour une option sécuritaire visant à fragiliser les combattants djihadistes et à renforcer et restructurer l'Armée syrienne libre. L'éviction de Bandar ben Sultan en est la plus claire illustration. Le Qatar est quant à lui plus marginalisé.
- La politique syrienne de l'Iran : entre intérêts stratégiques et débats internes - Thierry Coville p. 95-104 L'Iran soutient le gouvernement syrien dans la guerre civile car ce pays lui donne accès au monde arabe et permet une liaison directe avec le Hezbollah. De plus, il dit devoir répondre en Syrie à une « stratégie d'agression » menée par l'Arabie saoudite à travers le soutien à des groupes tafkiristes. Cependant, sa position sur la Syrie n'est pas figée et sous l'influence du nouveau président iranien, Téhéran pourrait jouer un rôle utile pour sortir de cette crise.
- L'« axe de la résistance » dans le feu syrien : perspective du Hezbollah - Didier Leroy p. 105-118 Initialement constitué de l'Iran, de la Syrie, du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, l'« axe du refus » a subi un coup dur dans le contexte de la guerre syrienne. Le présent texte explore le caractère disparate de cette coalition moyen-orientale, en adoptant pour angle d'approche celui du Hezbollah devenu protagoniste du conflit. Cet exercice révèle certes des intérêts communs qui expliquent la réalité partielle de ce paradigme mais il met également en relief des agendas propres à chaque acteur qui trahissent la virtualité relative de celui-ci.
- Les évolutions du conflit syrien : la vision israélienne - Roland Lombardi p. 119-131 Contrairement aux analyses occidentales, les observations israéliennes de la guerre civile syrienne et surtout de la durée de vie du régime se sont révélées plus mesurées et plus réalistes. Parfois contradictoires, elles ont néanmoins toujours traduit l'attitude réservée mais vigilante d'Israël sur le conflit. Le communautarisme, et surtout les enjeux géostratégiques de la République arabe syrienne, dirigée d'une main de fer par les Assad depuis 1970, expliquent le pragmatisme et le prisme purement sécuritaire des visions israéliennes sur l'évolution du drame syrien.
- Etats-Unis et Russie : les balbutiements de la « Guerre froide » - Igor Delanoë p. 133-143 La crise syrienne a consacré le rôle d'hegemon régional retrouvé par Moscou sur la scène moyen-orientale. Le succès diplomatique de la Russie en Syrie s'inscrit dans le contexte de rééquilibrage de la pax americana au Moyen-Orient consécutif au pivot asiatique de Washington. Russes et Américains disposent néanmoins d'intérêts convergents qui devraient les amener à coopérer sur la scène diplomatique et sécuritaire moyen-orientale.
- Leadership américain au Moyen-Orient : une relecture à l'aune du conflit syrien - Chady Hage-Ali p. 145-161 Le tragique et dévastateur conflit en Syrie est un « cas d'école » qui révèle « l'impuissance de la puissance » autant qu'il préfigure les nouveaux équilibres au Moyen-Orient. Le leadership des États-Unis ressort écorné de cette expérience. On le dit vacillant et son remplacement ne serait qu'une question de temps. Les lacunes stratégiques de « Obama II » ont été mises en évidence. Oscillant entre l'hypothèse pessimiste d'une « fin d'ère américaine » au Moyen-Orient et celle du « reculer pour mieux sauter », l'état actuel, la formulation et les perspectives de ce leadership méritent que l'on s'y attarde.
- La destruction du patrimoine culturel à Alep : banalité d'un fait de guerre ? - Jean-Claude David, Thierry Boissière p. 163-171 Dans le conflit qui bouleverse actuellement la Syrie, les causes communautaires et confessionnelles sont régulièrement présentées comme étant les principales motivations des belligérants. La destruction du patrimoine, à Alep comme dans d'autres villes et sites archéologiques syriens, est l'une des conséquences les plus spectaculaires de ce conflit meurtrier, mais les causes de cette destruction sont multiples et les motivations idéologiques et confessionnelles ne sont peut-être pas les plus importantes. Pour comprendre l'acharnement destructeur dont Alep est la cible depuis 2012, nous proposons de revenir sur la nature et les origines historiques du concept de patrimoine tel qu'il est mis en oeuvre en Syrie et sur la perception que les habitants et les responsables en ont. Cette mise en perspective nous permet de mieux comprendre les réactions parfois hostiles ou indifférentes que l'on peut observer dans les deux camps, loyaliste et rebelle, vis à vis de ce patrimoine mondialement reconnu.
- Geostrategic stakes and the impact of the conflict in the Orontes River basin - Ahmed Haj Asaad, Ronald Jaubert p. 173-184 Le bassin de l'Oronte comprend quelques-unes des zones les plus touchées par le conflit en Syrie. Les accès à la région côtière, les frontières avec le Liban et la Turquie, les grandes ressources en eau et l'agriculture sont des enjeux géostratégiques clés dans le conflit en cours. Puissants moyens de contrôle du territoire, les infrastructures en eau domestique et agricole ont été délibérément prises pour cibles par les forces du régime, principalement, et de l'opposition. Ainsi, l'accès à l'eau potable est actuellement critique dans de grandes parties du bassin, plus de 50 % de la population dispose de moins de 20 l / j. De son côté, la production agricole a diminué de plus de 70 %, en grande partie en raison de l'interruption de l'approvisionnement en eau des zones irriguées. Le bassin de l'Oronte est une région clé dans le conflit en cours, elle le restera dans la période de transition post-conflit. Au-delà de la nécessité d'accroître l'aide d'urgence, la planification de la réhabilitation des infrastructures d'eau et la gestion des ressources en eau seront des éléments clés à considérer dans une perspective de réconciliation.
Variations
- La civilisation islamique et l'humanisme arabo-musulman : le regard de Malek Bennabi - Haoues Seniguer p. 187-209 Malek Bennabi (1905-1973) est un essayiste algérien de confession musulmane. C'est une figure très atypique de la pensée islamique contemporaine. Méconnu, ses écrits sont souvent investis et récupérés par les théoriciens et militants de l'islamisme, qui revendiquent, à tort ou à raison, son héritage. Bien que par certains côtés travaillé par une forme d'islamisme, Malek Bennabi s'est néanmoins efforcé de sortir de l'ornière purement dogmatique, hyper normative et exaltée de l'islam, pour se consacrer davantage à une profonde réflexion autocritique de l'ethos musulman.
- La civilisation islamique et l'humanisme arabo-musulman : le regard de Malek Bennabi - Haoues Seniguer p. 187-209
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 212-221