Contenu du sommaire : Souffrances paysannes

Revue Etudes rurales Mir@bel
Numéro no 193, 2014
Titre du numéro Souffrances paysannes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'inlassable chercheur de lois : Hommage à Alain Testart. (1945-2013) - Pierre Le Roux p. 9-12 accès libre
  • La souffrance sociale chez les agriculteurs : Quelques jalons pour une compréhension du suicide - Nicolas Deffontaines p. 13-24 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pour expliquer le suicide des agriculteurs, les médias se limitent généralement au seul facteur économique. Une approche compréhensive de cette question révèle d'autres conditions objectives de production de ce qu'on peut appeler la « souffrance sociale ». Le déséquilibre structurel entre l'organisation prescrite et l'organisation réelle du travail génère chez les agriculteurs un sentiment de pénibilité mentale. Tenus de répondre à des impératifs d'autonomie et de réalisation de soi, ces derniers ne disposent pas tous des mêmes ressources sociales pour parvenir à une image positive d'eux-mêmes. Pour se développer, la souffrance suicidaire s'appuie en effet sur la distribution inégale du capital économique, culturel et d'autochtonie.
    When explaining suicide among farmers, the media tend to focus exclusively on economic factors. This paper argues that adopting a more comprehensive approach to the issue highlights other conditions of production of what might be termed “social suffering”. It is suggested that the structural imbalance between the prescribed and actual organization of work causes mental pain among farmers. The paper argues that amid increasing pressure to demonstrate greater autonomy and self-realization, farmers may not have the same social resources for developing a positive self-image. Research shows that an unequal distribution of economic and cultural capital and capital of autochtony leads to increased suicidal thoughts.
  • La belle vie désespérée des agriculteurs : Ou les limites de la mesure des risques psychosociaux liés au travail - Sylvie Célérier p. 25-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis la vague des suicides survenus chez France Télécom en 2008 et 2009, la question de l'impact délétère du travail sur la santé mentale fait l'objet de vifs débats. Curieusement, les agriculteurs y sont peu évoqués bien qu'ils détiennent un triste record en matière de suicides significativement liés à leur profession. L'auteure explore ce paradoxe en interrogeant la catégorie des risques psychosociaux (RPS) qui prévaut aujourd'hui pour évaluer les atteintes mentales du travail. Cette mesure récuse tout caractère anxiogène lié à l'activité agricole, renvoyant le suicide des agriculteurs à des causes extra-professionnelles. L'article met au jour les postulats implicites de cette approche quantitative peu adaptée au travail agricole, dont elle ne retient – sans le dire – que ce qui l'écarte du travail de type industriel, voire taylorien. La prise en compte des agriculteurs éclaire donc utilement le lien entre « travail » et « santé mentale » que les débats en cours tendent à généraliser. À ce titre au moins, ce groupe professionnel y retrouve donc toute sa place.
    The effect of work on mental health has been a matter of much debate since the wave of suicides at France Télécom in 2008 and 2009. Surprisingly, however, the case of farming is rarely discussed despite the prevalence of work-related suicide among farmers. The purpose of this paper is to explore this paradox by examining psychosocial risks (PSR), the prevailing category in current attempts to assess work-related mental ill health. As a measurement concept, PSR rejects any notion of agricultural activity as anxiety-provoking, explaining suicide among farmers by reference to non-work-related causes. The paper examines the implicit assumptions of a quantitative approach ill adapted to agricultural work, arguing that the approach implicitly defines farming in terms of what distinguishes it from industrial (or even Taylorian) work. The paper shows that focusing on farmers provides an insight into the link between “work” and “mental health” – a link overly generalized in current discussions. At least in this respect, the farming profession is thus returned to its rightful place in current debates.
  • Une hypothèse inattendue à propos du suicide des éleveurs : leur rapport aux savoirs professionnels - Dominique Jacques-Jouvenot p. 45-60 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    S'inscrivant dans le cadre plus large d'une enquête comparative réalisée entre 2009 et 2011 et relative aux conséquences des politiques agricoles sur la santé psychologique et sociale des producteurs laitiers en France, en Suisse et au Québec, cet article propose une nouvelle hypothèse qui vient éclairer le suicide des éleveurs franc-comtois. Optant pour une approche qualitative et interprétative, l'auteure découvre, grâce à des données recueillies auprès de trois familles récemment endeuillées par le suicide d'un des leurs, une corrélation entre le rapport au savoir des éleveurs et leur passage à l'acte. Peu utilisée par les sociologues français dans l'analyse du suicide, cette méthode permet de saisir des variables inattendues qui complètent la connaissance à laquelle la recherche quantitative donne accès, ouvrant ainsi de nouvelles pistes de réflexion.
    Drawing on a comparative study conducted between 2009 and 2011 aimed at understanding the impact of agricultural policies on the mental and social health of milk producers in France, Switzerland and Quebec, this paper proposes a new hypothesis to explain suicide among livestock farmers in Franche-Comté, France. Using a qualitative and interpretive approach, and based on data collected among three families recently affected by suicide, the study found a correlation between the relationship to knowledge among farmers and attempted suicide. Though rarely used among French sociologists with an interest in suicide, the method proposed in this study highlights unexpected variables that add to the knowledge provided by quantitative research, thus opening new avenues for research.
  • Être agricultrice en France au XXIe siècle : La reconnaissance du statut d'exploitante agricole - Anthony Tchékémian p. 61-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Une étude de terrain portant sur les effets de l'application du second pilier de la PAC en France révèle un lien étroit entre de nouvelles formes juridiques d'exploitation et l'évolution du statut des femmes dans la profession agricole. En effet, après n'avoir longtemps été que des « épouses d'agriculteurs », celles-ci sont devenues « agricultrices » à part entière. L'analyse des entretiens réalisés dans six territoires ruraux représentatifs des enjeux nationaux montre que le développement de ces exploitations sociétaires (GAEC, EARL, CUMA) donne davantage de visibilité au travail féminin. Toutefois, ces formes de groupement collectif ne concèdent qu'une protection sociale partielle à l'exploitante qui, avec son conjoint, s'emploie à la mise en valeur de l'entreprise familiale. Ainsi, bien que les femmes jouent un rôle majeur dans l'évolution de la profession, elles ne sont toujours pas reconnues au même titre que leurs homologues masculins.
    This paper examines the results of a field study designed to understand the impact of the implementation of the second pillar of the Common Agricultural Policy in France. The findings highlight a close relationship between the new types of business entities in farming and the changing status of women within the profession. Having long been confined to the status of “farmers' wives”, women today have become “farmers” in their own right. A study based on interviews performed in six rural areas reflecting current national trends and issues shows that the development of new farming entities (GAEC, EARL, CUMA) has increased the visibility of the work of women within the profession. However, it is argued that the various types of business entities that have emerged in recent years provide only partial social protection to women farmers who contribute to the family business alongside their husband. In short, despite playing a major role in changing the face of the profession, women are not always viewed in the same way as their male counterparts.
  • Itinérance érudite dans la campagne flamande - Christian-Pierre Ghillebaert p. 79-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La sociabilité notabiliaire est un enjeu crucial des sociétés savantes, au moins autant que la production érudite. Dans le cas du Comité flamand de France, société savante créée en 1853, la transformation, entre 1890 et 1910, des séances d'étude initialement sédentaires en sessions itinérantes se traduisit par la mise en œuvre de passerelles notabiliaires entre le champ savant régional et le champ politique rural. Les excursions des savants dans les fiefs politiques donnèrent lieu à une réintroduction de la parole publique dans les activités érudites sans toutefois que l'on pût considérer que la société savante fût politisée ou que les élus fussent assujettis aux experts. Lors de la francisation culturelle de la Flandre, la relation symbiotique entre intelligentsia et pouvoir temporel permit aux élites locales de maintenir symboliquement leur domination sur la population rurale.
    The premise of this paper is that learned societies seek both to sustain specific modes of sociability and to produce erudite work. The study focuses on the Comité flamand de France, a learned society founded in 1853. The interest of the society is that between 1890 and 1910, its sedentary work meetings gradually morphed into itinerant study sessions – a shift bridging the fields of the regional intellectual community and rural elected officials. Research indicates that the excursions of the learned into political strongholds resulted in incursions of politicians into the world of erudition, a process that led neither to the politicization of the learned society or to the submission of decision-makers to experts. Their symbiotic relationship enabled the learned and elected officials to maintain their symbolic domination over rural populations at the time of the cultural Frenchification of French Flanders.
  • L'économie rurale dans le Bilad al-Sudan occidental  (XVe-XVIe siècle) - Moussa Paré p. 95-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Aux XVe et XVIe siècles, l'Empire songhaï, situé dans le Bilad al-Sudan occidental, connaît son apogée tant territoriale que politique et économique. Malgré de faibles précipitations dues à un climat désertique et tropical sec, l'agriculture pratiquée dans cette zone bénéficie d'un élément naturel qui assure son dynamisme : le fleuve Niger. Celui-ci apporte dans la vallée des terres d'alluvion qui se prêtent parfaitement à la céréaliculture. D'où la variété et l'abondance des productions qui favorise les échanges commerciaux, source de prospérité. C'est pourquoi les empereurs qui se succèdent à la tête de cet empire et qui en sont les plus grands propriétaires terriens accordent une attention particulière au travail de la terre et font exploiter leurs domaines par des esclaves. Les revenus qu'ils tirent de cette ressource leur permettent d'entretenir leurs principaux soutiens que sont l'armée et l'intelligentsia musulmane.
    The Songhai Empire in the Western Bilad al-Sudan reached its territorial, economic and political apogee in the fifteenth and sixteenth centuries. Despite low rainfall linked to an arid tropical climate, agriculture in the region benefited from a key environmental factor: the Niger River. The flood plains of the Niger provided land well suited for grain farming – hence the diversity and abundance of crops conducive to trade, a major source of wealth. This explains why successive emperors – who were also the largest landowners – paid particular attention to agriculture and used slaves to cultivate their land. The resulting income was sufficient to sustain their main sources of support – the army and the Muslim intelligentsia.
  • L'institution monétaire de la royauté en Afrique centrale - Jean-Pierre Warnier p. 107-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les hauts plateaux (ou Grassfields) du Cameroun de l'Ouest sont en situation de frontière ouverte à une mobilité de personnes et de choses propice à l'émergence et à la recomposition permanente de royautés sacrées. Chaque royaume possède une monnaie royale, ancestrale et totalisante, émise par le corps du monarque. Une pluralité de supports monétaires circule dans l'espace régional que constituent les Grassfields et dans les espaces sous-continentaux : ils procèdent d'un lien commun à l'écoumène régional. Dans la perspective de la monnaie du lien développée par Jean-Michel Servet, l'exemple des Grassfields permet d'aborder des questions théoriques relatives à l'institution monétaire des sociétés locales et de la société régionale, aux faits de totalisation ouverte, et à l'articulation entre dette, confiance et souveraineté.
    The Grassfields of Western Cameroon are an open frontier promoting the mobility of people and factors conducive to the emergence and constant recomposition of sacred kingdoms. Each kingdom has its own ancient and totalizing currency issued by the monarch. A variety of forms of currency are in circulation in the regional space of the Grassfields and subcontinental areas, proceeding from a common relationship to the regional ecumene. Based on the approach developed by Jean-Michel Servet, the example of the Grassfields provides a basis for addressing various theoretical issues related to the monetary institutions of local societies and regional society as a whole, open totalization, and the relationship between debt, trust and sovereignty.
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