Le Brésil et les pays du Cône sud ont accédé à l'indépendance au début du XIXe siècle, mais la délimitation de leurs territoires par des frontières linéaires sur le modèle européen, l'« horogénèse » (Foucher, 1988), a été un processus difficile, qui s'est prolongé jusqu'en plein XXe siècle. A priori, à l'heure actuelle, la carte politique de ces États paraît stabilisée. Mais ce serait oublier que « les frontières renvoient à l'État » (Sautter, in Foucher, 1986) et que ces pays s'inscrivent dans la relation complexe qui lie État, pouvoir et espace dans le Tiers-monde (Bataillon, 1977). De fait, l'étude des frontières de ces États met en lumière leur ambivalence, traces du passé et constructions modernes, surimposition d'un État à l'européenne, fondé sur le dominium, sur une organisation traditionnelle de l'espace régie par le principe du regnum. Ce n'est que par la prise en compte de la dialectique qui en résulte que l'on peut appréhender cette ambivalence et la réalité floue de ces frontières. Au delà de ce cas précis, mais non particulier, une telle grille de lecture paraît pouvoir être un outil de travail applicable à bien d'autres frontières du Tiers-monde.