Contenu du sommaire : Opposés dans la diversité. Les usages de l'opposition à l'Europe en France
Revue | Politique européenne |
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Numéro | no 43, 2014/1 |
Titre du numéro | Opposés dans la diversité. Les usages de l'opposition à l'Europe en France |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Tous des opposants ? : De l'euroscepticisme aux usages de la critique de l'Europe - Christophe Bouillaud, Emmanuelle Reungoat p. 9-45
- Européanisation et dynamique de changement partisan : Le Parti communiste français et l'Union européenne (1989-1999) - Nicolas Azam p. 46-67 Souvent classé parmi les partis « eurosceptiques », le Parti communiste français a été amené, au cours des dernières décennies, à réviser sa ligne officielle sur les questions européennes. Préférant adopter une approche relationnelle et processuelle de la compétition politique plutôt que de succomber à la tentation taxinomique et réifiante, l'article explore les ressorts de ces réaménagements en lien avec les changements partisans. En effet, à travers les luttes sur l'Union européenne se jouent une redéfinition de l'identité partisane visant à mieux relégitimer le parti dans le champ politique et une recomposition des règles internes en vigueur.Europeanization and dynamic of party change. The French Communist Party and the European Union (1989-1999)The French Communist Party is often classified among the “euroskeptic” parties. However, it has in recent decades revised its official political line on European issues. Through a processual and relational approach of political competition, this paper demonstrates that this evolution is explained by partisan transformations. The struggle on EU issues is linked to a redefinition of partisan identity in order to legitimize the party and to a change of internal rules.
- Le sens et le rôle de la résistance à l'UE pour le Parti de gauche - Fabien Escalona, Mathieu Vieira p. 68-92 Cet article traite de l'opposition à l'Europe des dissidents socialistes ayant créé le Parti de gauche puis œuvré à la constitution du Front de gauche. Il soutient que si l'ensemble de leur projet politique n'est pas réductible à leur résistance à l'intégration européenne, celle-ci a été un catalyseur de la dissidence, un outil privilégié de mobilisation et de différenciation vis-à-vis du Parti socialiste, ainsi qu'un moyen de circonscrire les frontières de « l'autre gauche ». L'opposition à l'Europe des dissidents est donc analysée à la fois pour son sens idéologique et pour son usage stratégique dans les processus d'unification et de coalition partisanes dont ils ont été les entrepreneurs.The meaning and the role of the resistance to the EU for the Left Party This article focuses on opposition to Europe from the socialist dissenters who founded the Left Party and co-founded the Left Front. We argue that opposition to Europe is not only a form of resistance to European integration, but also a catalyst of dissent, a tool for mobilization and differentiation towards the Socialist party, and a way to define the boundaries of the “other left”. The article deals with the ideological meaning and strategic use of opposition to Europe, which has played a significant role in the political enterprise of unifying socialist dissenters.
- S'opposer à quel prix ? : Modalités et conséquences de l'engagement eurocritique chez les parlementaires français et allemands de l'UMP, de la CDU/CSU et du FDP - Martin Baloge p. 94-119 Les votes relatifs aux Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et au Mécanisme européen de stabilité (MES) en 2012 ont permis à un certain nombre de parlementaires conservateurs français et allemands de s'opposer à leur parti en matière de politique européenne. En étudiant de manière comparative les processus ayant conduit à leur opposition ainsi que les conséquences sur leur carrière politique de cette prise de position, nous montrons que cette opposition intra-partisane se focalise en France et en Allemagne sur des enjeux distincts et que la discipline partisane en Allemagne conduit à un encadrement, voire à une exclusion, de la parole eurocritique.What is the Price of Opposition? Characteristics and Consequences of Eurocriticism among French and German MP's in the UMP, CDU/ CSU and FDP Parties The 2012 votes on the European Fiscal Compact and the European Stability Mechanism enabled a few French and German MPs to contest their party's position on this matter. We conduct a comparative analysis of the processes which led to these parliamentarians' opposition and of the consequences of their votes on their political career. We show that these intra-partisan oppositions are focused on different stakes in France and Germany and that, in Germany, partisan discipline led to the control – and in some cases to the exclusion – of dissidents.
- Mobiliser l'Europe dans la compétition nationale : La fabrique de l'européanisation du Front national - Emmanuelle Reungoat p. 120-162 L'analyse des usages de l'Europe développés par les dirigeants du FN montre comment l'ouverture d'une arène politique communautaire peut, de manière indirecte, venir constituer un réel point d'appui à une entreprise partisane dans la compétition politique nationale et renforcer un groupe spécifique au sein de celle-ci. Les investissements du thème, de l'élection et de l'institution parlementaire européenne sont convertis par les acteurs frontistes en ressources matérielles et symboliques mobilisables dans l'arène domestique aux échelles inter – et intra-partisane. Ces appropriations de l'Europe viennent renforcer les capacités d'action matérielles, la visibilité et la légitimité du parti et de ses acteurs, appuyer les tentatives d'élargissement de l'assise électorale du FN et consolider la position du leader en affermissant son contrôle de l'appareil. L'analyse dégage la spécificité – relative – du FN à cet égard, soulignant que la mobilisation et les usages partisans de l'Europe peuvent être mis en relation tant à des facteurs contextuels et institutionnels domestiques, qu'aux caractéristiques idéologiques, culturelles et organisationnelles du parti. Tout en soulignant la continuité des pratiques de la nouvelle direction menée par Marine Le Pen, l'étude montre la fabrique du processus d'européanisation à l'œuvre au FN ainsi que l'impact de l'intégration européenne sur la compétition nationale et les évolutions des pratiques politiques.Mobilizing Europe in the National Competition: A Study of the Europeanization of the French National Front The study of the “uses” of Europe by the leaders of the Front national shows how the opening of a new European political space can have indirect effects, in supporting political parties at the domestic level and strengthening specific actors inside political organizations. The European theme, elections and parliamentary institution are transformed by FN leaders into material as well as symbolic resources, mobilized in the national political space at both inter- and intra-party level. These uses of Europe reinforce the capacity for action of the party as well as its legitimacy and visibility. It helps FN actors to widen their electorate and helps the party president to strengthen her own position inside the party. The article reveals the – relative – specificity of the FN case and underlines that these “uses” of Europe by political actors are linked to contextual and institutional factors, as well as to the ideological, cultural and organizational dimensions of political parties. In that regard, the study emphasizes strong continuity in the practices of the FN leadership. The analysis finally shows the concrete process of the Europeanization of the FN and helps us understand the impact of European integration on domestic political competition.
- « L'Action française contre l'Europe » : Militantisme royaliste, circulations politico-intellectuelles et fabrique du souverainisme français - Humberto Cucchetti p. 164-190 Les rapports entre royalisme et souverainisme se sont tissés tout au long d´une histoire qui doit être analysée avec attention. L'histoire de l'Action française (AF) depuis la Libération témoigne, en effet, d´un travail de longue haleine exercé à l'encontre des avancées des différents gouvernements dans la création d´une communauté supranationale européenne. L'un des « héritages de l'Action française », malgré les crises, les scissions et les pertes continuelles de militants et d´adhérents dont a pâti cette organisation, concerne le rejet de ce que le monarchisme considère comme un « abandon total de la souveraineté française ». Cette contribution se propose d'aborder les relations entre monarchistes et milieux souverainistes afin de mettre en lumière la contribution d'un militantisme intellectuel qui, construit hors du système politique formel, a participé à la « fabrication » de l'offre politique souverainiste d'opposition à l'Union européenne. L'analyse du travail militant et des trajectoires individuelles et organisationnelles de l'AF permettra de rendre compte des valeurs et des réseaux politiques « anti-européens » mobilisés en l'espèce.The Royalist's Organization Action Francaise against European Union: Intellectual and Activists Relationship between Royalism and Souverainism Movements. The history of Action Française (AF) since the end of World War II shows how this royalist organization has opposed successive governments' European policies. In spite of several crises and weak membership, AF's description of the European Union as an abandonment of national sovereignty has a legacy. To explain this legacy, it is essential to understand relations between royalism and sovereigntism among intellectuals and activists. We analyze the individual and collectives trajectories of AF members to show the circulation of ideas and persons inside this alternative field.
- Le Parlement européen, une courroie de transmission pour des opposants nationaux à la Commission européenne. L'opposition à la libéralisation des droits de plantation viticoles - Romain Blancaneaux p. 192-209 En 2009 puis en 2010, les parlements européen et français se sont prononcés contre une réforme de la politique vitivinicole européenne impulsée par la Commission européenne. Leur opposition successive s'explique par l'apparition en leur sein de coalitions, associant agents professionnels et politiques, qui en ont assuré la transmission interparlementaire de Bruxelles vers Paris. En croisant perspective institutionnelle parlementaire, et analyse des usages des espaces institutionnels par des agents politiques et professionnels, cet article pose quelques jalons permettant de saisir les rapports entre parlements et politiques publiques, ce sur quoi la littérature demeure peu disserte.The European Parliament, a transmission belt for opponents to the European Commission. Wine producers against the liberalization of planting rights In 2009 and 2010, the European and French parliaments opposed the European Commission's reform of the European wine policy. Their opposition gained force through a coalition of professional and political agents who took the battle from Brussels to Paris. This article takes an institutional and parliamentary perspective, integrating a public policy angle, in order to understand how political and professional agents act in different institutional spaces. It prepares the ground for understanding the relations between Parliaments and public policies, a subject upon which the current literature still remains limited.
- Comment peut-on militer à Bruxelles pour une « Autre Europe » ? : Le cas du Collectif ALTER-EU - Laurence Jourdain p. 210-241 Cet article porte sur l'action du collectif transnational ALTER-EU en faveur d'un encadrement du lobbying et, à terme, en faveur d'une refonte du processus de décision de l'UE dans son ensemble. Il met en évidence les limites des catégories communément mobilisées pour étiqueter les différentes formes d'opposition à l'Europe et propose de qualifier de « réformiste » la posture d'ALTER-EU : tout en sollicitant sa place parmi les partisans d'une « autre Europe », le Collectif inscrit en effet son action dans le cadre des institutions en place, plutôt que de prôner d'emblée la « table rase ». Or cette posture peut s'expliquer à la fois comme un choix stratégique et comme le fruit d'un nécessaire compromis : alors que certains de ses fondateurs assumaient une critique plus radicale de l'UE, elle a permis à ALTER-EU de faire entendre sa voix à Bruxelles et de fédérer ses membres. Cette étude de cas montre aussi les contraintes et les contradictions auxquels se heurtent les acteurs sociaux qui entendent s'opposer à l'Europe, ou tout du moins porter un projet alternatif, à l'intérieur du système européen, puisque les ressources et les stratégies qui ont permis à ALTER-EU d'agir à Bruxelles ont paradoxalement contribué à limiter sa capacité de mobilisation donc, peut-être, sa faculté de transformer l'Europe.How to Advocate for “Another Europe” in Brussels? - The Case of ALTER-EU This article focuses on the transnational ALTER-EU Collective's campaign for the regulation of lobbying and, ultimately, for an overhaul of the EU's decisionmaking process. It highlights the limits of the categories commonly used to define the different forms of opposition to Europe and proposes to qualify ALTEREU's posture as “reformist”: at the same time as claiming its place among the supporters of “another Europe”, the Collective's policy is to act within existing institutions, rather than calling for a “clean slate”. We can explain this posture both as a strategic choice and as the result of a necessary compromise: while some of its founders were more critical of the EU, a reformist posture has enabled ALTER-EU to make its voice heard in Brussels and to federate its members. That said, this case study also shows the constraints and the contradictions faced by social actors who try to oppose Europe within the European system, because the resources and strategies that have enabled ALTER-EU to act in Brussels have paradoxically contributed to limiting its ability to mobilize and therefore, perhaps, its capacity to transform Europe.
Chantier de recherche