Contenu du sommaire : Le moment Tocquevillien
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 1, mars 2001 |
Titre du numéro | Le moment Tocquevillien |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Penser la politique
- Penser la politique - p. 1-2
Éditorial
- Éditorial - Muriel Rouyer p. 7-9
Dossier
- Les nouvelles formes de servitude. Penser la face sombre de l'individualisme démocratique - Paul Zawadzki p. 11-35 Loin de l'univocité idéologique qu'on lui prête souvent, l'oeuvre de Tocqueville nous est précieuse parce qu'elle nous introduit à une forme d'anthropologie de la démocratie, dont elle problématise l'univers de manière souvent tragique. L'usage sociologique de Tocqueville par R. Aron, à qui revient le mérite de sa relecture en France, ne vise pas tant l'orthodoxie marxiste que le sociologisme durkheimien, et, plus largement, le positivisme et l'historicisme. Mais, si nous lisons Tocqueville grâce à Aron, il n'est pas certain que nous le lisions pour les mêmes raisons et surtout que nous y puisions les mêmes inspirations critiques. Aron lisait Tocqueville contre le fanatisme hitlérien ou stalinien, nous le lisons contre le scepticisme. Dès lors, relevant d'une critique interne de la démocratie, notre lecture tocquevillienne du présent s'attache à explorer ce qui, paradoxalement, et, cette fois, de l'intérieur même de l'univers démocratique, risque de compromettre les conditions de possibilité du sujet moderne, autrement dit de l'autonomie.
- France-Amérique et retour. La démocratie et ses dangers en miroir - Eleni Varikas p. 37-47 De la démocratie en Amérique inaugure une méthode comparatiste dont l'objet est moins l'examen et la mise en perspective des similitudes et des dissemblances des sociétés que l'exploration de leurs différences. L'ouvrage constitue ainsi non seulement la référence centrale, mais aussi un moment généalogique d'un culturalisme méthodologique qui prend pour acquise l'homogénéité des traditions politiques nationales et privilégie l'étude des mentalités et des valeurs aux dépens des pratiques politiques et des rapports sociaux. Les effets idéologiques d'une telle approche, qui occulte la division et la conflictualité internes à chaque « culture » nationale, sont interrogés à partir de l'opposition classique entre « la » tradition politique française et « la » tradition américaine ou anglo-... saxonne et de la place qu'y occupe l'enjeu des rapports de sexe. Cette opposition fournit un champ privilégié pour observer le jeu de miroir où, un siècle et demi après Tocqueville, des discours politiques en France scrutent et conjurent, dans l'image d'une Amérique uniforme, les démons de la division de leur propre société, la peur d'une démocratie « immodérée ».
- Sur quelques chemins de traverse de la pensée du politique en France - Pierre Rosanvallon p. 49-62
- L'Amérique vue par les tocquevilliens - Seymour Drescher p. 63-76 L'intérêt dont Tocqueville est aujourd'hui l'objet aux Atats-Unis n'a jamais été aussi intense. Il est cité et invoqué dans tous les domaines de la vie politique et intellectuelle. La raison de cet engouement a pourtant changé. Après 1945, le contexte de la guerre froide a incité à utiliser les écrits de Tocqueville pour souligner l'exceptionnalité de la société et de l'histoire américaines. Au cours des vingt dernières années, l'attention s'est reportée sur deux autres aspects de la pensée tocquevillienne. Ses réflexions sur les relations entre les races et entre les sexes ont alimenté un débat persistant sur la validité du concept d'« égalité des conditions » comme point de départ pour une tentative de compréhension des Atats-Unis. Mais ce sont avant tout ses intuitions sur les thèmes de l'association et de la société civile qui ont donné à la science politique une dimension empirique nouvelle et l'ont conduite à s'interroger davantage sur le rôle des valeurs spirituelles pour la survie de la démocratie.
- Good Cop, Bad Cop Modèle et contre-modèle américains dans le discours libéral français depuis les années 1980 - Éric Fassin p. 77-87 On peut lire l'histoire du libéralisme français depuis 1980 et l'influence de sa version intellectuelle (par contraste avec l'impuissance de sa version politique), à la lumière de la référence américaine. C'est ainsi que, dans ce discours, la « rhétorique de l'Amérique » a joué successivement le rôle d'un modèle (good cop) et d'un contre-modèle (bad cop). Modèle libéral d'abord, pendant les années 1980, au moment de l'alliance avec la « deuxième gauche » contre le marxisme, puis contre-modèle illibéral, à partir de 1989, en s'opposant avec la gauche « républicaine » aux logiques « minoritaires ». Depuis 1997, les options rhétoriques semblent épuisées et le libéralisme intellectuel se cherche. Alors que Pacs et parité remettent en cause l'opposition transatlantique, la « rhétorique de l'Amérique » devient disponible pour d'autres usages politiques.
- Des formes et des manières en démocratie - Claudine Haroche p. 89-110 Le progrès de l'informel constitue une voie par où entreprendre d'élucider la face sombre des processus d'individualisation dans les sociétés démocratiques contemporaines. Les analyses de Tocqueville, ici décisives, invitent à s'arrêter sur la part des formes, indissociables des processus de socialisation et de construction de l'identité. Des travaux contemporains évoquent cette même question de façon insistante, mais souvent incidente. Norbert Elias, qui voit dans le caractère formel du comportement une composante du processus de civilisation, insiste sur le rapport entre individualisation et progrès de l'informel. Marcel Gauchet discerne dans l'individualisme contemporain un effacement de la distance dans le rapport à soi et dans le rapport à l'autre, qui se révèle dans le manque de formes. Celles-ci, condition de l'intégrité psychique et morale, impliquent une séparation des espaces privé et public. L'informel, devenu un élément central dans le fonctionnement des sociétés démocratiques contemporaines, reposerait sur une indistinction constante et insaisissable de ces espaces et relèverait d'un processus où l'espace public serait progressivement anéanti.
- Tocqueville chez les historiens - Marc Lazar, Krzysztof Pomian, Philippe Raynaud, Marc Sadoun p. 111-125
- Le puritain n'est pas républicain. Pour une autre histoire de l'Amérique - Camille Froidevaux-Metterie p. 127-140 Observateur avisé de la « démocratie pure » telle qu'elle se présente à lui aux Atats-Unis, Tocqueville trouve aussi dans ce pays les conditions d'une coexistence harmonieuse de la religion chrétienne et des exigences de la modernité politique. Au-delà de la séparation des ordres temporel et spirituel, c'est au niveau plus profond de la convergence des principes qu'il situe l'accord théologico-politique américain. Cette interprétation a servi de fondement à toutes les analyses ultérieures qui ont fait de la nation américaine le cadre exemplaire de l'intime imbrication du politique et du religieux. Il convient pourtant de revenir sur ce qui constitue à l'évidence une illusion rétrospective : la puissance explicative du puritanisme des premiers colons nous a caché la difficulté avec laquelle le fameux « mur de séparation » avait été édifié, elle permet aujourd'hui de rendre compte de résurgences du religieux au sein de la vie publique américaine sans se laisser abuser par leur efficacité politique.
- La complication : Lefort lecteur de Tocqueville - Laurence Guellec p. 141-153 Aux lectures simplificatrices et partisanes de l'oeuvre de Tocqueville ' le « tocquevillisme » ? ' s'oppose l'art de lire de Claude Lefort, ce philosophe qui ne sépare pas la pensée du politique d'une réflexion sur ses langages. Délaissant la controverse idéologique sur le libéralisme, il fait droit à la complication des textes quand il sonde les questions de la démocratie et du totalitarisme à la lumière de La démocratie en Amérique, ou s'interroge sur les paradoxes de la révolution démocratique à partir de L'Ancien Régime et la Révolution. Préfaçant les Souvenirs, il peut aussi se reconnaître dans leur lucidité ironique sans témoigner de complaisance pour l'acteur politique désarçonné par la révolution de 1848. Autrement dit, la pensée de Claude Lefort ne se rallie pas à celle de Tocqueville, elle s'y risque et s'y éprouve.
- Les nouvelles formes de servitude. Penser la face sombre de l'individualisme démocratique - Paul Zawadzki p. 11-35
Parcours de recherche
- La polyarchie vue de gauche - François Vergniolle de Chantal p. 155-170
- Parcours de recherche - Robert Alan Dahl p. 171-192
Correspondance
- Ces courants qui traversent l'Amérique - Mitchell Cohen p. 193-207 Analysant les courants qui traversent le paysage politique des Atats-Unis, l'auteur tente d'éclairer les clivages partisans actuels en examinant les évolutions et les débats intellectuels qui ont marqué la société américaine au cours des dernières décennies. La victoire étriquée de George W. Bush traduit-elle la convergence vers le centre des forces constituant le spectre politique américain, ou bien l'impasse dans laquelle se trouve une communauté de citoyens profondément divisée ? Ces questions sont envisagées à la lumière des débats sur le libéralisme, le républicanisme et l'idée de culture. Le plaidoyer des Atats-Unis en faveur de la démocratie se trouve quelque peu brouillé par les turbulences de la vie politique américaine.
- Ces courants qui traversent l'Amérique - Mitchell Cohen p. 193-207
Lectures critiques
- Lectures critiques - Christian Biet p. 209-217
- Lectures critiques - Michelle-Irène Brudny p. 218-225
- Lectures critiques - Mickaël Vaillant p. 226-229