Contenu du sommaire : La pensée juive (volume 2)
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 8; décembre 2002 |
Titre du numéro | La pensée juive (volume 2) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- De certaines formes d'ordre dans la kabbale - Moshe Idel p. 3-32 L'analyse de la kabbale ne peut s'entendre que comme une interpénétration de différents systèmes de pensée et une incorporation originale de ceux-ci au sein de la littérature kabbalistique, loin des interprétations courantes qui en font une forme de pensée irrationnelle. Trois ordres principaux permettent d'aborder cette littérature sous une forme systématique : anthropomorphique, linguistique et astrologique.
- Leo Strauss devant la modernité juive - Pierre Bouretz p. 33-50 Rares sont les philosophes qui racontent leurs années d'apprentissage. Rédigeant à la fin de sa vie une autobiographie intellectuelle, Leo Strauss rapporte comment un jeune Juif élevé dans l'Allemagne des années 1920 a conçu la question philosophique qui orienta ses premiers travaux et nourrit sans doute toute son oeuvre. Devant la limite du politique découverte dans l'engagement sioniste, le défi de la théologie appréhendé à travers Spinoza, la difficulté du retour au judaïsme illustrée par Hermann Cohen et Franz Rosenzweig, Strauss en vient à se demander si les Lumières sont nécessairement modernes, découvre Maimonide et construit sa critique de ce qu'il perçoit comme l'autodestruction de la raison. Ainsi est née une pensée qui ne s'est jamais détachée du conflit entre Jérusalem et Athènes.
- Politique de l'alliance et démocratie - Shmuel Trigano p. 51-59 L'alliance est un au-delà de la démocratie. Elle est différente en nature dans la mesure où l'alliance verticale (avec Dieu) institue l'alliance horizontale (entre les hommes) et où la coupure originelle institue un espace du vide qui la prémunit de l'emprise du tout sur les parties. Elle est aussi respect de la dimension de la transcendance que la démocratie moderne n'éprouve que sous la forme de la religion civile. Elle est donc promesse d'un lien démocratique original.
- La liberté dans la pensée juive - Raphaël Draï p. 61-80 C'est par l'invocation de la liberté que commencent les dix Paroles. Créée par Dieu, elle oblige quiconque entreprend de la comprendre dans ses dénominations originelles, c'est-à-dire en langues hébraïque et araméenne, à la dissocier de ses avatars théocratiques. La liberté gagnée contre l'esclavagisme pharaonique est gage de l'acceptation plénière de la Loi sinaïtique, de la Thora, par un peuple annonciateur, qui sait ce que veut dire « être étranger en pays d'Agypte, en maison d'esclavage ». En retour, la Thora, selon ses injonctions ou mitsvot, homologues à la structuration du corps vivant, lui donne assises et étayages, juridiques et sociaux. La liberté, au sens biblique, n'est donc ni « ancienne » ni « moderne ». Elle qualifie et valide tout régime politique qui se prétend démocratique. Elle vérifie programmes affichés et déclarations d'intentions par l'analyse des comportements, selon qu'ils interdisent la liberté d'autrui ou qu'ils la garantissent. C'est pourquoi, si le droit hébraïque positif la conduit, elle mène à la justice économique, telle qu'elle est mise en oeuvre par la société shabbatique, celle où l'humain commence à échapper réellement au règne de la fatalité.
- Messianisme et intertextualité dans La corne du bélier, d'Isaac Bashevis Singer - Carole Ksiazenicer-Matheron p. 81-96 L'intertextualité à l'oeuvre dans le roman singérien met en liaison les différents niveaux thématiques abordés : traumatisme historique de 1648, mouvement messianique de Sabbataï Tsevi, dérèglement des valeurs et des comportements dans une bourgade juive prototypique. A travers l'exorcisme et la mise à mort d'un bouc émissaire féminin, c'est la violence de l'Histoire et l'échec de l'utopie révolutionnaire qui sont symbolisés.
- Les avertissements d'un artiste et d'un spirituel. Wassermann et la montée des périls en Allemagne (1897-1934) - Stéphane Michaud p. 97-115 L'oeuvre de Jakob Wassermann (1873-1934), romancier au succès international dont la figure est aujourd'hui tombée dans un injuste oubli, interroge avec passion la double identité juive et allemande. Ami de Schnitzler et d'Hofmannsthal, l'auteur plonge ses racines dans la langue et la culture germaniques. D'un autre côté, il adhère pleinement au monde juif, dont il ne partage cependant pas la foi religieuse. S'il ne peut empêcher la haine d'enfoncer un coin entre les deux faces d'une même humanité, ses avertissements frappent par leur fermeté et leur lucidité.
- « Devant la Loi » : le judaïsme subversif de Franz Kafka - Michaël Löwy p. 117-129 On ne peut comprendre ce célèbre et énigmatique passage du roman Le procès sans le situer dans un contexte plus ample : la spiritualité de Kafka, ses convictions éthico-sociales et, en particulier, l'anti-autoritarisme ' d'inspiration libertaire ' qui nourrit ce qu'on pourrait appeler sa « religion de la liberté ». La parabole « Devant la Loi » pourrait alors être interprétée comme une critique des pouvoirs qui prétendent représenter la divinité et imposer en son nom des dogmes, des doctrines, des interdictions.
- De certaines formes d'ordre dans la kabbale - Moshe Idel p. 3-32
Varia
- Nations civiques, sociétés libérales : les risques normatifs des catégories empiriquement vides - Rogers M. Smith p. 131-148 Bien des auteurs ont classé les nations selon leur caractère « civique » ou « ethnique ». Leurs motivations sont souvent d'ordre normatif et se fondent prioritairement sur la conviction que l'on devrait s'efforcer de rendre les communautés nationales plus « civiques ». Mais une analyse des processus de formation et de construction des nations permet de comprendre que cet objectif n'est pas réaliste. Dans le travail complexe de la nation, on devrait plutot rechercher les moyens de préserver les éléments « ethniques » qui peuvent coexister avec les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme.
- Nations civiques, sociétés libérales : les risques normatifs des catégories empiriquement vides - Rogers M. Smith p. 131-148
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 149-167