Contenu du sommaire : Questions de violence
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 9, mars 2003 |
Titre du numéro | Questions de violence |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Introduction
- Ce que le politique dit de la violence - Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun p. 3-18 Toute la philosophie politique se présente comme une réflexion sur l'ordre juste. Elle est traversée par les rapports qui s'instituent et se déploient entre violence et politique. Que nous dit le politique de la violence ? A quelles conceptions de l'humanité de l'homme et du socle de la socialité ces rapports renvoient-ils ? Deux figures permettent de comprendre la question : le refoulement de la violence comme fondation de l'autorité ; la reconnaissance de la violence comme fondation de l'interaction. A partir de ces deux figures, on peut comprendre ce que signifient, aujourd'hui, les rapports entre l'assomption ou le refus de la violence, d'une part, la définition du politique, d'autre part.
- Ce que le politique dit de la violence - Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun p. 3-18
Dossier
- Philosophie politique et anthropologie de la férocité - Thierry Ménissier p. 19-31 La philosophie politique est traversée par une ligne de fracture à propos du traitement de la violence. Les classiques ont entrepris de repenser les principes éthiques du comportement individuel afin de juguler voire d'annuler la violence interne à la cité, tandis qu'une tradition issue des historiens gréco-latins puis développée par Machiavel et par Nietzsche a constitué une « anthropologie de la férocité ». Non seulement celle-ci confère à la violence une signification politique de première importance, mais elle lui donne encore un sens fort pour comprendre l'existence humaine dans sa globalité. La confrontation des deux traditions permet de poser la question du rôle dévolu aujourd'hui à la violence.
- Violence symbolique et mal-être identitaire - Philippe Braud p. 33-47 Alors que Pierre Bourdieu définit la violence symbolique à partir d'un point de vue objectiviste, celui du savant qui dévoile un mécanisme méconnu des acteurs euxmêmes, cette même violence est envisagée ici comme un phénomène qui n'accède à la réalité que par le surgissement d'une souffrance subjective engendrée chez des victimes. Après avoir identifié la nature de cette souffrance (une blessure identitaire qui porte atteinte à l'estime de soi), deux modalités majeures de la violence symbolique sont évoquées ici : la première résulte de pratiques et discours dépréciatifs, intentionnels ou non ; la seconde d'un ébranlement des repères identitaires qui servaient de références à l'affirmation de soi.
- Guerre et économie : le libéralisme et la pacification par le marché - Alexis Dalem p. 49-64 La thèse libérale de la pacification par le développement de l'économie de marché fait résolument partie du corpus des idées politiques « bien connues ». Pourtant, si l'on s'intéresse aux auteurs qui sont supposés l'avoir défendue, notamment au 18e siècle, force est de constater que leurs développements sont le plus souvent elliptiques et, lorsqu'ils sont plus consistants, ambigus, voire contradictoires. A biens des égards, il s'agit d'une thèse introuvable.
- La politique par le droit - Muriel Rouyer p. 65-80 Le droit, malgré un rapport paradoxal à la violence, s'en distingue par sa faculté à contraindre qui vise essentiellement à préserver l'ordre social et la paix. Cette vocation pacifique du juridique est mise en oeuvre et en scène dans le procès de justice. Elle suppose l'intervention d'un tiers impartial (le juge) dans un Atat de droit substantiel. La tradition sociologique wébérienne souligne à l'inverse la proximité entre droit et violence symbolique, et la domination juridique qui s'exerce au cours des processus juridiques aux mains des interprètes légitimes du droit étatique. En prenant appui sur la première tradition et sur l'héritage conceptuel du constitutionnalisme américain, on peut éclairer les usages politiques, mais non point violents, du droit.
- Les stratégies islamistes de légitimation de la violence - Gilles Kepel p. 81-95 La question de la violence est inscrite au coeur des stratégies islamistes contemporaines. Elle fait l'objet d'un conflit d'interprétation entre oulémas et activistes charismatiques quant à sa légitimation religieuse. A partir des années 1980, le jihad en Afghanistan a fourni le paradigme d'une violence islamiste qui, au départ contrôlée par les oulémas, a ensuite échappé à ses instigateurs. Désormais mise en oeuvre par des activistes charismatiques à travers le terrorisme, elle menace la cohésion du mouvement islamiste comme ensemble organisé.
- L'état d'exception et les silences de la loi - Nicolas Fischer, David Smadja p. 97-112 La notion d'exception juridique est habituellement associée à des situations extrêmes de violence politique. Il est cependant possible de la penser comme un simple moment logique, constitutif du droit comme ordre discursif, et en même temps extérieur à lui. L'exception surgit ainsi dans le fonctionnement quotidien du droit, sous la forme d'un point aveugle que la logique du discours juridique ne parvient jamais à réduire. Cette contribution tente d'analyser ce désarroi du système juridique à travers deux cas dans lesquels il se dévoile : la rétention administrative des étrangers, et le débat contemporain en matière de bio-technologies. Elle cherche pour finir à tirer quelques conclusions sur la recomposition de la pensée juridique et politique face à ces cas limites.
- Qu'en est-il de la ville ? - Jocelyne Cesari p. 113-124 Le passage à la ville postindustielle a modifié la nature de la violence. De proactive et politique, elle est devenue nihiliste et réactive. Elle est aussi de plus en plus associée à des groupes ethniques ou à des religions spécifiques, ce qui tend à aggraver les risques de déstabilisation d'espaces urbains déjà fragilisés par leur excessive polarisation sociale et économique.
- Philosophie politique et anthropologie de la férocité - Thierry Ménissier p. 19-31
Varia
- Archaïsme et modernité de la biopolitique contemporaine : l'interruption médicale de grossesse - Dominique Memmi p. 125-139 Alors même qu'elle se révèle un lieu important du pouvoir médical, la régulation de l'IMG n'est pas dissonante avec celle de l'IVG, des procréations assistées ou de l'administration du corps mourant. D'évidence, on ne peut plus réguler les conduites concernant le début et la fin de vie comme avant. Ce qui était jusque-là interdit tend à devenir autorisé. Il faut recourir à un mode de gouvernement des conduites officiellement rationalisé ' le faire faire s'appuie alors sur un faire consentir. Mais ce gouvernement fonctionne aussi de façon beaucoup plus archaïque : il réquisitionne goûts et dégoûts de chacun face à ce qui ne saurait être vu... c'est-à-dire socialement toléré.
- Incertaine réconciliation au Kosovo - Nathalie Duclos p. 141-159 Quelles sont les chances d'une réconciliation entre Serbes et Albanais au Kosovo, dans le cadre de la mission de consolidation de la paix conduite par l'ONU depuis 1999 ? Cette réconciliation est un objectif central des Nations unies, qui tentent de la faire advenir à partir d'une politique de multiethnicité. Mais c'est oublier que le processus de réconciliation doit être endogène et ne saurait être imposé de l'extérieur, d'autant que les conditions de conclusion d'un accord de paix ont failli à mettre véritablement un terme au conflit, chaque partie escomptant à l'avenir l'emporter sur l'autre partie. Un geste de repentance venant des Serbes pourrait peut-être enclencher un processus de réconciliation, mais il bute sur le sentiment de victimisation des Serbes.
- Archaïsme et modernité de la biopolitique contemporaine : l'interruption médicale de grossesse - Dominique Memmi p. 125-139
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 161-173