Contenu du sommaire : Théories en crise
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 18, juin 2005 |
Titre du numéro | Théories en crise |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Théories en crise - Frédérique Matonti, Daniel Mouchard p. 5-6
Dossier
- Décalages ou faiblesse de l'outillage théorique ? La science politique de la seconde moitié des années 1970 - Françoise Dreyfus p. 7-25 La période pendant laquelle Valéry Giscard d'Estaing était Président de la République correspond à un moment de crise économique, de recomposition politique et de mise en place de nouveaux référentiels. La science politique n'a guère été sensible à la signification des transformations affectant le politique. Diverses raisons, en particulier institutionnelles, peuvent être avancées pour expliquer ce fait ; toutefois, il apparaît que la faiblesse de l'outillage théorique en usage, ainsi que l'intérêt limité à l'égard de la théorie politique, y ait également contribué. Les seuls chercheurs qui aient perçu et analysé le changement du discours et des pratiques sont finalement ceux qui étaient situés aux marges de la science politique classique et pour lesquels les concepts légués par le marxisme avaient encore une valeur opératoire.
- « L'idéologie tiers-mondiste ». Constructions et usages d'une catégorie intellectuelle en « crise » - Maxime Szczepanski-Huillery p. 27-48 A partir d'une analyse des polémiques qui se développèrent à la fin des années 1970, en France, autour de la « crise du tiers-mondisme », cet article vise à décrire les processus de construction et les usages d'une catégorie politique stigmatisée. Partant de la production discursive autour du tiers-mondisme, ce texte repère et analyse en premier lieu le travail définitionnel opéré par les différents commentateurs afin de dresser l'« arbre généalogique » du tiers-mondisme. Revenant ensuite sur l'un des épisodes centraux de la « crise », en 1985, il s'attarde sur les trajectoires de certains de ses protagonistes, avant d'étudier comment des « tiers-mondistes » tentèrent, sans succès, de s'emparer de l'étiquette et de retourner le stigmate. In fine, l'analyse de cette catégorie renseigne peut-être plus sur ceux qui l'utilisent que sur ceux qu'elle entend désigner. Plus généralement, ses usages illustrent la manière dont les « crises » intellectuelles contribuent pour partie à rassembler, à homogénéiser puis à durcir, sous la forme consacrée de l'« idéologie », des courants de pensée et des modalités d'action perçus a priori comme hétérogènes.
- La politisation du structuralisme. Une crise dans la théorie - Frédérique Matonti p. 49-71 Au milieu des années 1960, le structuralisme (en tout cas les productions intellectuelles étiquetées comme telles) est à la fois une théorie consacrée par le monde intellectuel et par le grand public cultivé et synonyme d'avant-garde politique. Or, les textes originaires des « auteurs cardinaux », Jakobson, Lacan, Lévi-Strauss, sont apolitiques, ne serait-ce que par démarcation d'avec la figure et la production de Sartre. Comment la politique est-elle advenue au structuralisme ? Après avoir rappelé les conditions sociales et politiques de cette politisation, l'article s'intéresse aux « prises » qu'offrent les textes et les carrières des fondateurs pour cette opération, avant d'examiner comment la réception, notamment des productions d'Althusser et de Barthes, permet cette requalification du structuralisme.
- La guerre de Change contre la « dictature structuraliste » de Tel Quel. Le « théoricisme » des avant-gardes littéraires à l'épreuve de la crise politique de Mai 68 - Boris Gobille p. 73-96 L'article souhaite contribuer à l'étude des rapports entre crise politique et crise théorique, sous l'angle de ce que la crise de Mai 68 fait au structuralisme en France. Afin de ne pas s'en tenir à un « effet de contexte » flou et de mettre au jour empiriquement l'impact concret de Mai 68, le champ de l'analyse est restreint ici aux avant-gardes esthétiques émergentes. La crise offre visibilité et légitimité à une nouvelle revue, Change, qui se propose de lutter contre « la dictature structuraliste » de Tel Quel. Elle joue à la fois comme ressource de différenciation permettant à Change d'oeuvrer au vieillissement social, théorique et politique, de sa concurrente, et comme matrice de significations travaillant l'espace des pensables théoriques des deux revues. Leur querelle met en lumière comment une crise politique singulière durcit et reconfigure le lien entre course à l'innovation symbolique et quête de radicalité révolutionnaire, et comment elle accélère le processus de renouvellement des avant-gardes. Elle introduit ainsi une époque particulière où l'innovation esthétique est inséparablement le produit de luttes de classement théorique (le « théoricisme » des années 1965-1975) et de luttes de classement politique.
- Les historiens chartistes au coeur de l'affaire Dreyfus - Thomas Ribémont p. 97-116 En dépit du rôle central qu'elle a joué au cours de l'affaire Dreyfus, l'Acole des chartes a, en définitive, fait l'objet de peu de travaux. Pourtant les historiens chartistes furent au premier rang de la bataille d'expertise qui rythma l'Affaire. Dans une institution qui compte parmi celles les plus étroitement liées à l'Atat, leur expertise, lors des procès Zola et Dreyfus, va directement mettre en débat la question de l'autonomie de la science historique et retraduire des fractures plus profondes qui, derrière l'unité parfois affichée, tendent, alors, à diviser le corps universitaire.
- Sexe, genre et intersexualité : la crise comme régime théorique - Elsa Dorlin p. 117-137 La longue histoire des représentations et des définitions médicales de l'hermaphrodisme s'apparente à la quête d'un fondement naturel des identités sexuées, fondement introuvable ou critères tour à tour plus faillibles les uns que les autres : organes génitaux, gonades, hormones, chromosomes... Finalement, seul le genre, c'est-à-dire seule une norme sociale, est paradoxalement utilisé pour naturaliser les corps sexués en deux corps distincts, mâle ou femelle. En étudiant le cas des traitements médicaux de l'intersexualité, cet article montre comment une crise théorique, en l'occurrence celle relative à la sexuation des corps, peut jouer une autre fonction que celle qui lui est communément associée, à savoir celle de déstabilisation théorique. Au contraire, la situation de crise peut fonctionner comme un facteur de relative stabilité. En ce sens, la crise du sexe révèle la dimension historique du rapport de genre : comme régime théorique, la crise est l'expression même de l'historicité d'un rapport de domination qui se modifie, mute et doit constamment redéfinir son système catégoriel pour assurer les conditions de sa reproduction.
- Décalages ou faiblesse de l'outillage théorique ? La science politique de la seconde moitié des années 1970 - Françoise Dreyfus p. 7-25
Parcours de recherche : Clifford Geertz
- Notes sur Clifford Geertz, les sciences sociales et le politique - Yohann Aucante p. 139-148
- Entretien - Clifford Geertz p. 149-168
Lectures critiques
- Lectures - p. 169-179
Droit de réponse
- À propos d'une note en bas de page - Daniel Lindenberg p. 181-182
- Réponse au droit de réponse de Daniel Lindenberg - Laurent Bouvet p. 183-184