Contenu du sommaire : La démocratie peut-elle se passer de fictions ?
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 27, septembre 2007 |
Titre du numéro | La démocratie peut-elle se passer de fictions ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - p. 5-8
Dossier
- Mais qui est Richard H. Weisberg ? : Droit et Littérature : nouvelles réflexions sur la question juive - Anne Simonin p. 9-35 L'apport de Richard Weisberg au mouvement « Droit et Littérature » est double : il a réorganisé un champ de savoir traditionnellement séparé entre « Law as », l'approche littéraire des textes juridiques, et « Law in », les récits romancés d'intrigues judiciaires, en « Law as and in Literature » grâce à l'invention d'un nouveau genre « le roman de procédure » qui place le lecteur dans la position d'un juré et attire son attention non pas tant sur le dénouement du procès que sur l'instruction, et les narrations contradictoires qu'elle produit. Par sa réflexion sur l'acceptation par les juristes français du droit antisémite de Vichy, Richard Weisberg a placé au centre des interrogations du mouvement « Droit et Littérature » une question politique  l'engagement des juristes en faveur d'un ordre public injuste et meurtrier  et a contribué à la définition d'une éthique « post-Holocauste », une « poéthique », en rupture avec le relativisme post-moderne.
- Le droit « dans » et « comme » littérature : la signification autogénérée dans le « roman de procédure » - Richard Weisberg p. 37-49 L'une des positions que Droit et Littérature a prise sur le plan théorique pendant la période de déconstruction a été que la fiction soutient  plutôt qu'elle nie, comme chez Derrida ou Paul de Man  une approche de la justice liée au droit. Cet article identifie le « roman de procédure »  un groupe important d'histoires liées au droit, écrites sur une centaine d'années, de Dostoïevsky à Camus et Bernard Malamud  comme l'espace où le lecteur attentif peut mettre à jour une réalité pré-existante soit à laquelle l'enquête légale et le raisonnement restent fidèles, soit dont ils s'éloignent fatalement. La « situation antérieure », dans ces histoires, fournit un lieu de vérité qui n'est pas disponible ailleurs. Ces romans établissent ainsi une norme de re-création précise des évènements antérieurs afin de rendre justice.
- Richard Weisberg : démarches et cheminements - Eric Freedman p. 51-57 Cet article constitue un point de vue personnel sur l' uvre de Richard Weisberg dans le domaine du droit et littérature. Il souligne ses démarches et ses cheminements, en analysant brièvement quelques-unes de ses grilles de lecture. Weisberg suggère que seule une lecture éveillée mène à l'appréhension du droit juste et à la compréhension de ce qu'est la droiture.
- Le processus générateur de normes chez Robert Cover et son utilisation par Frank I. Michelman : de la description à la fiction - Françoise Michaut p. 59-69 Frank I. Michelman s'est inspiré de la théorie du processus générateur de normes défendue par Robert Cover pour construire une conception nouvelle du républicanisme. Ce faisant, il a fabriqué une fiction qui ne tient pas compte de l'insistance de Robert M. Cover sur la pluralité des narrations et sur le rapport du droit à la violence.
- Vérité démocratique et spécificité romanesque. : Droit et littérature dans deux romans de procédure - Richard Weisberg p. 71-89 Richard Weisberg fait remonter les origines du mouvement américain Droit et Littérature à l'impulsion démocratique propre à deux auteurs du début du 20e siècle, Dean John Henry Wigmore et le juge Benjamin N. Cardozo ; il décrit ensuite les variantes qui émergent aujourd'hui sur le continent européen. Le point central de compréhension du droit par ses praticiens, mais aussi par les non-initiés, est le texte littéraire lui-même. Les histoires de juges, de règles de droit, d'avocats et d'autorités politiques habituent le lecteur professionnel à la « comédie humaine » avec laquelle il ou elle doit composer quotidiennement et poussent le lecteur lambda à être plus attentif aux discours de l'autorité. Une lecture scrupuleuse de deux  uvres classiques de Droit et Littérature (L'Ãtranger de Camus, et Billy Budd, marin de Melville) permet de démontrer l'étendue, la théorie et la méthodologie de ce nouveau champs interdisciplinaire.
- Droit, littérature, théâtre : la fiction du jugement commun - Christian Biet p. 91-105 Cet article se propose de considérer les façons dont le droit et son exercice sont ancrés dans la dramaturgie et dans la narrativité des textes. La question n'est pas de montrer que la littérature est le miroir de son temps ou du droit, mais de saisir les façons dont elle intervient non seulement dans les processus sociaux, politiques et économiques, mais aussi à l'intérieur du champ juridique. Ce faisant, elle inscrit une réflexion sur le phénomène social judiciaire et sur ses pratiques, et s'interroge sur les règles et les fictions du droit, autrement dit sur la matière juridique elle-même, au point que les  uvres de fiction, théâtrales en particulier, en viennent à instaurer une réflexion sur le droit comme objet de pensée. Et du point de vue du dispositif théâtral, on proposera, afin de définir cette mise en question(s) et en jugement(s) du spectacle par un seul individu-spectateur et simultanément un groupe d'individus-spectateurs, une notion : la comparution théâtrale.
- Le « comme si » à l'ère du soupçon - Sandra Travers de Faultrier p. 107-117 L' uvre de Richard Weisberg éprouve « comme si » juridiques et littéraires à travers une confrontation dialogique ; confrontation qu'il convient de poursuivre en s'interrogeant sur le « comme si », en tant que langue du droit et de la littérature alors même que celui-ci semble ruiner le croire nécessaire à la force constitutive de la littérature comme du droit. Car le « comme si » loin d'être de l'ordre du mensonge, offre au réel le jeu nécessaire à son avènement en mouvement par l'énergie  uvrante et inchoative qu'il oppose à son silence.
- Quant à Polly Baker... : Une fiction qui en appelle à la démocratie - Kate E. Tunstall p. 119-121 Ce court article rédigé à la suite de la table-ronde organisée autour du thème « Le Mensonge dans la Cité » développe la cas de Polly Baker, une femme qui, en 1747, a plaidé devant un tribunal pour l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, et a gagné son procès. Ce cas, inventé par Benjamin Franklin, a été largement considéré comme vrai au 18e siècle. Pourquoi ?
- Le mensonge dans la cité. : Fiction juridique contre fiction poétique - Françoise Lavocat p. 123-129 Dans cet article, Françoise Lavocat explique la crise de la sorcellerie à la fin du 16e siècle par l'effacement de la frontière de la fiction, qui se repère dans différents champs du savoir, mais surtout dans la nouvelle science démonologique. Son hypothèse est que la fiction juridique de la sorcellerie, en particulier chez Jean Bodin, repose sur le déni de la fiction littéraire ; une des explications de ce phénomène est la disparition de l'allégorie comme dispositif herméneutique à la fin de la Renaissance.
- Mais qui est Richard H. Weisberg ? : Droit et Littérature : nouvelles réflexions sur la question juive - Anne Simonin p. 9-35
Varia
- Retour sur la « communauté imaginée » d'Anderson. : Essai de clarification théorique d'une notion restée floue - Christine Chivallon p. 131-172 Cet article revient sur la notion de « communauté imaginée » d'Anderson dont le succès depuis près de 25 ans ne cesse de se conforter. En dépit de cette notoriété, la notion reste pourtant fragile, traversée par des contradictions théoriques qui empêchent de clarifier le couple « réel-imaginaire ». Après avoir envisagé la principale aporie de l'approche d'Anderson qui réside dans le présupposé de l'existence de communautés réelles logées dans les relations de face-à -face, le propos se consacre à l'examen des usages actuels du modèle andersonien et à la description de deux trajectoires bien typées, l'une guidée par la figure de H. Bhabha, avec la déstabilisation du thème de la nation, l'autre placée sous l'influence de A. Appadurai avec l'insistance illimitée sur l'imaginaire. C'est après avoir posé cet état des lieux critique que l'article propose une conceptualisation du réel et de l'imaginaire des communautés. L'objectif est de dépasser la dualité de ces deux termes pour monter que le « réel » est toujours un imaginaire parvenu à se matérialiser sous l'effet des luttes pour la mobilisation des outils de la représentation symbolique.
- Retour sur la « communauté imaginée » d'Anderson. : Essai de clarification théorique d'une notion restée floue - Christine Chivallon p. 131-172
Lectures critiques
- Lectures critiques - p. 173-187