Contenu du sommaire : Raisons politiques:Etudes de pensée politique, n° 30, 2
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 30, juin 2008 |
Titre du numéro | Raisons politiques:Etudes de pensée politique, n° 30, 2 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Editorial
- Les victimes écrivent leur Histoire : Introduction - Sandrine Lefranc, Lilian Mathieu, Johanna Siméant p. 5-19
Dossier
- Une mobilisation de victimes illégitimes. : Quand les épurés français de la Seconde Guerre mondiale s'engagent à l'extrême droite - Caroline Baudinière p. 21-39 Dans l'immédiat après guerre, de nombreuses associations de défense des épurés sont fondées par des militants d'extrême droite. Des anciens collaborateurs se disent donc victimes et se mobilisent pour l'amnistie ou la réparation. Au-delà de ce cas exemplaire de retournement du stigmate, c'est à des usages politiques du passé tout à fait spécifiques qu'il s'agit de s'intéresser : construction de récits alternatifs, militantisme mémoriel, tout cela concourt à la production d'une mémoire collective de l'extrême droite, victimaire et révisionniste. Etudier ces récits et les « entrepreneurs de mémoire » qui les produisent et les font circuler, c'est se trouver au c?ur d'un processus identitaire où victimisation, mémoire et politique sont indissociables.
- Mobilisations politiques et posture victimaire chez les militants associatifs pieds-noirs - Éric Savarese p. 41-57 En France, plusieurs groupes d'individus concurrents (pieds-noirs, anciens combattants...) militent pour la conversion de leur mémoire en histoire officielle auprès des pouvoirs publics. La politisation des enjeux mémoriels peut être abordée à travers l'action ininterrompue des militants associatifs pieds-noirs, qui adoptent une posture victimaire. L'existence d'un tel « groupe circonstanciel » reposant sur une mémoire de la souffrance, le succès de certaines revendications (indemnisation, lois d'amnistie des généraux « putschistes », loi « mémorielle » du 23 février 2005) n'épuise pas la mobilisation. Dès lors, il est possible de comprendre les enjeux associés au travail de « contre-expertise historienne » menée au sein de certaines associations de rapatriés : la contribution à la ré-écriture d'une histoire des pieds-noirs qui existeraient depuis conquête de l'Algérie, et seraient définis comme une population de pionniers qui domestiquent une terre vierge (la tradition pionnière), autorise de penser un groupe homogène au delà des multiples clivages qui le traversent.
- Le massacre des prisonniers politiques de 1988 en Iran : une mobilisation forclose ? - Henry Sorg p. 59-87 Dans l'Iran post-révolutionnaire, l'exécution d'opposants politiques a été utilisée par le pouvoir comme une stratégie de domination et de déstructuration du champ sociopolitique ; l'exécution collective de plusieurs milliers de prisonniers politiques en 1988, non reconnue à ce jour, en est un exemple. Le présent article se veut l'exploration de quelques pistes afin de comprendre les événements et la façon dont ils ont été problématisés par les acteurs. Comment fonctionnent les dispositifs d'invisibilité mis en place par le pouvoir et comment y répondent des pratiques de souvenir de la part des familles ? L'enjeu d'une commémoration des victimes de 1988 esquisse un réinvestissement politique des rites et des lieux de sépulture, là où l'invisibilisation du massacre se fondait sur leur confiscation. La question se pose de savoir si et comment, à travers quelles tensions, le non-oubli s'inscrit en terme de mobilisations et de constitution d'une cause publique dans le contexte politique contemporain.
- La mobilisation des Tatars de Crimée pour leur réhabilitation : entre légalisme et rhétorique victimaire - Aurélie Campana p. 89-105 Les Tatars de Crimée, une minorité turcophone musulmane du sud de l'Ukraine, ont été massivement déportés en mai 1944. Contrairement à la majorité des « peuples punis », ils n'ont pas été réhabilités en 1956. Cet article se propose d'examiner les stratégies et le répertoire d'action mobilisés par les militants du mouvement nationaliste tatar de Crimée, apparu au milieu des années 1950. Il montre que la mobilisation des Tatars de Crimée pour leur réhabilitation résulte de stratégies construites et de mises en scène des mémoires de la déportation. Trois stratégies principales sont analysées. La première concerne l'emploi, à compter du milieu des années 1960, du concept de génocide pour qualifier la déportation ; la deuxième a trait au recours à une expertise chiffrée pour démontrer le génocide ; la troisième relève de la production d'un récit historique concurrent du récit officiel soviétique, mettant en avant le génocide continu enduré par les Tatars de Crimée depuis l'annexion de la péninsule par les Tsars en 1783.
- Les mobilisations de victimes de violences coloniales : investigations historiques et judiciaires et débats politiques postcoloniaux au Kenya - Marie-Emmanuelle Pommerolle p. 107-129 Cette étude s'attache à décrire les processus de mobilisation autour d'ex-combattants mau mau insurgés contre la domination coloniale britannique au Kenya dans les années 1950. Cette résurgence du passé colonial dans les débats politiques contemporains, au Kenya comme dans son ancienne métropole, nous renseigne sur deux éléments spécifiques aux mobilisations lancées au nom de victimes revendiquées. D'abord, la qualification même de victime est sujette à controverse : ici, la recherche historique et l'action judiciaire sont mises à contribution pour affirmer le statut de victimes de ces vétérans mau mau, mais offrent des lectures contradictoires de cette victimisation. Ensuite, le statut de victime est l'objet d'usages multiples selon le lieu de son énonciation. Alors que des acteurs d'origines diverses (Kenyans, Britanniques, américains) participent à ces mobilisations et que ces dernières se déploient au Kenya comme en Grande-Bretagne, les vétérans sont à la fois perçus comme des victimes d'une violence inouïe de la part de l'Etat colonial, et comme des héros dans le cadre national kenyan où leurs mobilisations actuelles ré-affirment le combat pour l'indépendance, l'un des éléments du récit de l'identité nationale.
- Une mobilisation de victimes illégitimes. : Quand les épurés français de la Seconde Guerre mondiale s'engagent à l'extrême droite - Caroline Baudinière p. 21-39
Varia
- Démocratie délibérative vs. démocratie agonistique ? : Le statut du conflit dans les théories et les pratiques de participation contemporaines - Loïc Blondiaux p. 131-147
- Guerre juste et intervention armée en Irak - Sebastiano Maffettone p. 149-173 La théorie de la guerre juste, issue des élaborations médiévales, s'appuie sur les critères de la juste cause et de l'autorité compétente. La théorie politique moderne reformule les arguments de type moral ou religieux en termes politiques et légalistes tandis que la théorie politique contemporaine doit tenir compte du réalisme nouveau qui s'articule sur la notion de souveraineté et éventuellement le critiquer au nom d'une approche normative libérale. L'auteur analyse ici les éléments de la doctrine classique qui sont susceptibles d'être repris dans le cadre contemporain du paradigme légaliste. Examinant les situations d'intervention justifiées par des situations de violation systématique des droits humains, il énonce les conditions auxquelles une guerre est justifiable juste cause, autorité légitime et intention droite et, les appliquant à l'intervention américaine en Irak, peut avancer que s'il y avait de bonnes raisons de combattre Saddam Hussein, les Etats-Unis n'avaient aucun titre à s'en charger.
- Lectures critiques - p. 175-179