Contenu du sommaire : Des technoïstes aux technoïdes

Revue Sociétés Mir@bel
Numéro no 90, 2005/4
Titre du numéro Des technoïstes aux technoïdes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Lionel Pourtau p. 5-7 accès libre
  • Dossier

    • Rôle de la symbolique contestataire dans l'agrégation d'une culture jeune. Le cas des free-parties - Séverin Dupouy p. 9 accès libre avec résumé
      Dès lors que les procédures initiatiques assurant l'insertion des jeunes dans l'ordre social et culturel des adultes ont perdu de leur efficace, et, par ailleurs, que les repères en termes de classes d'âges deviennent toujours plus imprécis, les jeunes se fédèrent moins autour de leur âge qu'autour d'attributs identitaires et culturels. Confrontés à une société globale animée d'attitudes ambiguës, entre fascination idolâtre et peur panique, la construction d'une culture jeune est largement déterminée par son rapport à la classe d'âge aînée. Les jeunes adultes qui participent aux free-parties constituent un groupe spécifique au sein de la population jeune, qui manifestent de façon bruyante ce processus : des tentatives de production d'une identité culturelle « jeune » visant l'innovation sociale, motivées par une opposition transgressive à la « Société des Adultes » organisée en Atat-nation, et soutenues par un corpus symbolique relevant du sacré.
    • La jeunesse n'est pas une classe sociale - Raphaël Liogier p. 25-41 accès libre avec résumé
      Les subcultures juvéniles ne sont pas autonomes des catégories sociales dont sont issus les jeunes qui y participent. Le fait qu'ils « choisissent » d'appartenir au mouvement gothique, techno ou rap n'est pas déconnecté de leur origine sociale. Unifier une subculture juvénile, l'hypostasier est une pratique du regard exotique, assez proche de ce que l'on a pu faire avec la mythification d'un Orient dont on ne connaissait que peu de chose mais que l'on trouvait romantique. Essentialiser la jeunesse revient à nier les évolutions de sa place dans la société.
    • La jeunesse à travers ses raves : la singularité juvénile accentuée et la négociation intergénérationnelle compromise - Christophe Moreau p. 43-56 accès libre avec résumé
      La personne humaine connaît, à partir de l'adolescence, une période de singularité qui lui permet, récusant les vérités et les principes du « monde adulte », de mieux se les approprier et de les faire siens. Mais pour que cette contestation fasse sens et permette de faire société, encore faut-il, d'une part, que le jeune soit structurellement en capacité de négocier son être et son devoir sociaux, et, d'autre part, que le « monde adulte » soit disponible et attentif à cette nécessaire négociation, à ce nécessaire échange réciproque entre les générations. Or le phénomène des « fêtes techno » est particulièrement fructueux pour approfondir ces hypothèses, puisqu'il donne à voir, d'une part, une forte « singularisation » des populations juvéniles et, d'autre part, une difficulté du « monde adulte » à réguler et réglementer ces pratiques festives qui peuvent être organisées légalement mais sont devenues, le plus souvent, clandestines.
    • Formatage du ressentir et représentations underground - Jean-Marie Seca p. 57-69 accès libre avec résumé
      Au fur et à mesure de la succession des générations jeunes, depuis une soixantaine d'années, on note l'émergence progressive d'une naturalisation des pratiques de musique amplifiées (rock, metal, techno, rap). Ce contexte toujours plus fortement dominant est caractérisé par la multiplication d'expériences, tant créatives que consommatrices, de ces styles. La techno et ses variantes plus ou moins subversives ou ludiques en sont à la fois les derniers avatars et les espaces-temps d'intensification, tant par les rythmes saccadés ou ultrarapides que dans la valorisation des états modifiés de conscience. Après en avoir décrit les grandes caractéristiques, on développera la thèse de l'existence d'injonctions paradoxales dans les emprises soniques suscitées. Les courants underground, même fragmentés et groupusculaires, seraient-ils parvenus à une situation de massification en devenant un savoir partagé par un nombre de plus en plus grand d'adeptes ?
    • La subculture technoïde, entre déviance et rupture du pacte hobbesien - Lionel Pourtau p. 71-87 accès libre avec résumé
      La subculture technoïde trouve son origine dans les raves clandestines appelées « free-parties » et dans les communautés juvéniles qui les organisent, les tribus technos ou « Sound Systems ». Ces mouvements sont caractéristiques du doute radical envers les systèmes de valeurs, qui se développent dans l'Europe occidentale contemporaine. Le contrat social se disqualifie peu à peu et certains segments de population comme ceux traités ici cherchent à s'en émanciper, à faire « secessio plebis ». Mais la nature juvénile et donc temporaire de cette sécession et les forces centripètes de normalisation de la société, arrivent encore, jusqu'ici, à digérer ces tentatives d'éloignement de l'ordre social traditionnel.
    • Free-party : le rayonnement négatif du signe - Sébastien Thibault p. 89-97 accès libre avec résumé
      Une simple question : pourquoi les ravers ' ou comme ils s'appellent eux-mêmes les « teufeurs » ' portent-ils tous des vêtements militaires et d'ouvrier ? C'est-à-dire quelle est la fonction d'un tel signe et qu'essaient-ils de faire avec ce signe ? Nous pensons qu'ils opèrent là un détournement dans une sorte de jeu « agonistique » ou une guérilla sémiotique dans laquelle ils singent le contrôle, l'autorité, l'uniformité, l'automatisation, l'aliénation et le pouvoir, tout comme le son « hardcore » de la « techno underground » singe la « Machine » et la mène à sa destruction symbolique. Dans le « jardin d'enfants audio-tactile » de la révolution numérique, de jeunes gens se comportent comme des terroristes sémiotiques, détournant les significations dominantes qu'ils avalent en permanence par le biais des médias, par tous les écrans et les haut-parleurs connectés à leur corps avec lesquels le Contrôle les hypnotise ; quelque part, ce détournement est une manière écologique d'habiter la « seconde nature » (W. Benjamin), un moyen de se réapproprier ce monde qui nous a été dérobé.
  • Marges

    • Essai sur le son : dispositif scénique et espace kinesthésique dans la musique électronique - Frédéric Lebas p. 99 accès libre avec résumé
      Ce texte a pour projet de rendre manifeste une sensibilité contemporaine liée à l'événement de la perception corporelle du son. Ce texte aura pour point de départ les propriétés plastiques du son dans la musique électronique. En déconstruisant et reconstruisant les éléments du dispositif scénique des mouvements festifs propres à la musique industrielle et technoïde, en suivant à la fois les traditions inaugurées par l'art total, la performance et enfin l'oeuvre dite immersive, nous mettrons à jour l'organisation d'un espace kinesthésique. Le corps immergé dans cet espace événement éprouverait des sensations d'une haute intensité. Un corps que nous nommerons sans organe, reflet de notre post-modernité dans sa quête de sensations exacerbées et d'espaces interstitiels de liberté.
    • Corps et lieux à l'heure de leur accélération technique - Pier Luca Marzo p. 109-117 accès libre avec résumé
      Cet article a comme objectif d'explorer, dans ses grandes lignes, la question de l'appartenance des corps et des lieux à l'heure de leur accélération technique. D'un point de vue général, les sciences sociales ' même si elles sont déterminées par des terminologies disciplinaires diverses ' convergent vers une même direction, celle de considérer l'homme comme appartenant essentiellement à la culture. « Corps et lieux » sont les premiers espaces naturels qui doivent être endigués, habitués1, par la mécanique sophistiquée de l'appartenance. Cette dernière est la grande tisseuse de réseaux de systèmes symboliques qui, en ce qui concerne le corps, donnent forme à son habitus et qui, en ce qui concerne les lieux, conforment son habitat d'appartenance. Par conséquent, cette fugue ' en direction d'un ordre culturellement édifié, rassurant l'homme du chaos ' explique comment celui-ci est l'unique animal naturellement dépourvu d'une appartenance et, donc, le seul à faire l'expérience de s'en construire une. Ainsi, cette appartenance est toujours pour l'homme une construction culturelle, mais qu'arrive-t-il à cette construction archétypale durant l'époque post-moderne lors de laquelle l'accélération technique du temps social s'installe entre les corps et les lieux, entre l'habitus et l'habitat ? C'est sous cet angle que nous avons l'intention d'explorer le changement actuel de l'appartenance, comme feed-back de l'époque de la Technique.
  • Activités sociologiques