Contenu du sommaire : Prostitution et socialités

Les valeurs et enjeux orientant débats et régulation concernant la prostitution semblent être récurrents. Si de nouvelles problématiques telles que la migration clandestine et la traite des êtres humains, sont venues s'ajouter à d'autres portant davantage sur des questions purement morales, elles se dissimulent autour d'anciennes oppositions : une vision égalitariste visant un traitement universaliste s'opposant à une vision pluraliste de la société et à un traitement particulariste ; la perception de la prostitution comme forme d'exploitation paradigmatique, et donc inacceptable, des femmes versus une perception l'envisageant comme simple miroir des inégalités ; une représentation de la prostituée victime et innocente opposée à celle d'une femme coupable et donc déviante ; enfin la question de la possibilité de vendre son corps s'opposant à l'idée de la vente de services et seulement d'une partie de soi. Cet article traite des enjeux sous-jacents au débat sur la prostitution, ainsi que des formes de régulation qui en découlent au travers d'une perspective historique.

La construction d'une image misérabiliste de « la » prostituée, qui ne serait qu'un être en perdition, soumise aux désirs des hommes et inconsciente de sa triste condition, aujourd'hui réactivée du fait de l'implication de réseaux mafieux internationaux dans le commerce du sexe, permet aux « entrepreneurs de morale » que sont les adversaires de la prostitution de s'approprier la légitimité du discours sur la vente de services sexuels. Cette image qui fait fi des réalités et de la diversité des situations constitue une violence symbolique considérable et a servi de socle pour l'adoption récente des mesures répressives qui ont fait de toutes des délinquantes. Les conséquences de cette croisade morale sont catastrophiques tant pour les femmes qui ont fait le choix de ce métier que pour celles qui y ont été contraintes.

La prostitution est un sujet d'étude peu couru par les juristes. Néanmoins, il illustre fort bien les difficiles rapports qu'entretiennent le droit et la morale dans le cadre d'une démocratie libérale. Nous nous attacherons ici à définir le régime juridique de la prostitution, en pointant particulièrement les paradoxes qu'il incarne, entre ignorance par le droit, lutte contre cette activité et début de réglementation. Une fois ce terrain défriché, nous étudierons les implications juridiques, en termes plus généraux, de l'application d'un tel régime à l'activité prostitutionnelle posant en question la conception de la dignité de la personne humaine issue d'un tel régime, ainsi que celle du refus de reconnaissance juridique d'une activité.

La prostitution est un phénomène anthropologique en ce sens qu'elle questionne les fondements sociaux et les logiques humaines souterraines. Cet article, via des rencontres avec différentes personnes prostituées, interroge ce qu'on veut peut-être en cacher en l'écrasant, au travers des analyses les plus fréquentes, sous des données économiques et mesurables. Il questionne également les tentatives de discipline de la prostitution mises en ?uvre par les appareils institutionnels et législatifs.

Dans un entretien à plusieurs voix avec Christine Delory-Momberger, des travailleuses du sexe de divers pays européens évoquent les conditions dans lesquelles elles exercent aujourd'hui leur activité professionnelle ; elles soulignent la dimension sociale et psychologique de la prostitution, affirment leur implication personnelle (voire intime et sexuelle) et mettent l'accent sur les compétences et les valeurs requises pour l'exercice de leur métier.

Après une brève présentation de Cabiria et Grisélidis, associations de santé communautaire travaillant pour et avec les personnes prostituées, il s'agira plus précisément d'appréhender la rupture que ces associations ont initiée dans l'approche et le traitement de la prostitution. Nous montrerons que, depuis l'entrée en vigueur de la Loi pour la Sécurité Intérieure, leur engagement et leur militantisme sont plus que jamais nécessaires, mais également que face à la répression, hier comme aujourd'hui, les personnes prostituées se mobilisent et résistent.

Cet article questionne au travers du marché du sexe, la place accordée à la sexualité dans la ville, la délimitation entre sexualité légitime et illégitime, la construction sociale de cette spatialité sexuelle, et ses dimensions constitutives. L'analyse des dynamiques urbaines, économiques et politiques qui touchent le marché du sexe permet de comprendre les nouvelles questions sociales spécifiques à la sexualité tarifée. L'analyse du cas genevois vient ensuite compléter ces réflexions par une illustration empirique.

Les femmes prostituées africaines sont souvent considérées comme des victimes de trafic. La réalité est plus complexe et si l'on veut bien les entendre au sujet de leur expérience, on peut comprendre que la migration et le travail du sexe font partie de leurs stratégies pour améliorer leurs conditions de vie et subvenir aux besoins de leur famille. Les travailleuses du sexe africaines ne sont pas très différentes des autres travailleuses du sexe et la migration n'est pas un phénomène récent dans le champ de la prostitution.

Le dispositif de prostitution rituelle (adultération) de l'Hospitalité, déplié par Pierre Klossowski dans sa Trilogie de Roberte, fait surgir le regard pour saisir, au moment de la rencontre de Roberte (l'épouse) avec son amant (l'invité), l'âme de l'épouse. Voir Roberte comme seul pourrait la voir Dieu est la mise en scène d'Octave (l'époux). La pornographie, impliquant le corps sexué, devient vérité du discours théologique.