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Revue Etudes anglaises Mir@bel
Numéro Volume 67, avril-juin 2014
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • The making of public opinion in The Free-Thinker (1718-1721): from theory to practice - Claire Boulard-Jouslin p. 132-147 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Face à l'hostilité anti-hanovrienne qui régnait en Angleterre après l'avènement de George Ier, et dans la crainte de soulèvements jacobites qui détruiraient les acquis politiques de la Glorieuse Révolution, le gouvernement whig confia au poète Ambrose Philips et à d'autres membres du parti Whig la publication du Free-Thinker, essai périodique bi-hebdomadaire dont la tâche fut de transformer l'opinion considérée comme dangereuse et factieuse, parce qu'ignorante et manipulée, en une opinion publique éduquée et raisonnable qui comprendrait les bienfaits de la monarchie parlementaire. Le Free-Thinker entreprit donc de dénoncer et d'éduquer ceux qui constituaient l'opinion vulgaire, les femmes et les travailleurs, deux catégories qui selon les rédacteurs du journal exprimaient, oralement et sans mesure, des opinions pernicieuses. Pour cela, le Free-Thinker vantait les vertus de la libre pensée dont les principes fondateurs étaient la raison, l'éducation et la politesse. La stratégie du périodique consistait à enseigner l'histoire, la philosophie, la politique, la religion, et à redonner leur sens aux mots. Il espérait ainsi fournir aux lecteurs des outils de réflexion qui leur permettraient de devenir des citoyens. Le Free-Thinker devenait ainsi un des premiers théoriciens et praticiens de l'opinion publique.Pourtant, ce travail de conversion n'allait pas sans contradiction. En redéfinissant la libre pensée comme la liberté de déchiffrer le monde selon une lecture providentielle et en établissant une équation entre opinion publique citoyenne et whiggisme, le Free-Thinker contredisait le principe d'objectivité raisonnable qu'il plaçait au cœur de la définition de l'opinion publique. Le ton parfois très polémique et partisan du périodique ajouté à une forme de contrôle de la correspondance des lecteurs montre la difficulté qu'avaient les rédacteurs à ne pas tomber eux-mêmes dans la simple opinion ainsi qu'à faire confiance en la capacité de raisonner de leur lectorat. L'analyse du Free-Thinker révèle ainsi les ambiguïtés et les hésitations des rédacteurs qui, tout en concevant leur périodique comme un outil privilégié de conversation et de raison, en vue de la constitution d'une opinion publique éclairée, redoutent, néanmoins, l'échange intellectuel avec le lecteur et la pluralité des voix qu'ils associent au désordre.
      Anxious over the hostility to the Hanoverian dynasty and over the growing politicisation of the lower ranks that prevailed in 1718, the Whig government commissioned the poet Ambrose Philips and other staunch defenders of the Glorious Revolution to start a bi-weekly essay periodical The Free-Thinker which would educate the readers and turn them from a mere ignorant, unruly opinion into a well-informed public opinion judging political and religious events with its reason.The Free-Thinker and its editors thus criticized the shortcomings of the opinion composed of women and mecanics who expressed their flawed views orally and loudly. By contrast it vindicated the advantages of free-thinking, based on reason, education and politeness. It also stressed the value of the periodical press in providing readers with lectures on history, politics, the law or philosophy and on the true meaning of words. The periodical sought to instruct readers into becoming competent citizens. The Free-Thinker seems to have been one of the early theoreticians of public opinion and to have initiated to the birth of public opinion, decades before the late eighteenth century.However, analyzing the Free-Thinker reveals how difficult it was for it to reach its aim. By defining free-thinking along Newtonian lines, namely the liberty to develop intellectual enquiry in a providentialist world order and by equating public opinion with the strict adherence to Whig ideas, The Free-Thinker was faced with contradictions. Its political tone and bias occasionally made it hard to distinguish it from mere opinion. Its hostility to any form of opposition to the Whig government combined with the editorial control the periodical exercised on its correspondents also suggests that The Free-Thinker was still uncertain about the degree of intellectual independence it could allow their correspondents. It thus contradicted its own lectures on the necessity to develop one's reason.All these elements suggest that The Free-Thinker was a transitional paper which longed to create an enlightened public opinion, but dreaded it would unleash the force of subversion again.
    • « Oh you Materialist ! » : oser publier On the Origin of Species - Jean-Michel Yvard p. 148-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1830, Darwin a déjà conceptualisé les grandes lignes du mécanisme de la sélection naturelle, pilier de sa théorie de l'évolution. Pourtant, il ne publie son maître ouvrage, On the Origin of Species, que vingt ans plus tard, au moment où le jeune naturaliste Alfred Russell Wallace menace de lui ravir la priorité de sa découverte. La raison pour laquelle Darwin a tant tardé à rendre publiques ses conceptions en matière d'évolution a fait couler beaucoup d'encre chez les historiens, biographes et commentateurs en tous genres. Les explications les plus couramment avancées ont évoqué les craintes éprouvées par Darwin devant les réactions possibles de la société de son époque, qu'il s'agisse de celles de ses collègues scientifiques, des autorités religieuses du moment ou, plus précisément encore, de celles de sa femme, plus pieuse et plus attachée que lui aux formes traditionnelles de spiritualité. Darwin a-t-il eu peur des implications matérialistes de sa propre théorie et est-ce que de telles craintes ont continué à le hanter par la suite, au point de l'amener à s'engager dans la voie d'un agnosticisme modéré et prudent plutôt que dans celle de formes plus virulentes et plus ostensibles d'athéisme qu'il n'aurait pas osé revendiquer plus ouvertement, de telles accusations ayant souvent été adressées aux agnostiques à l'époque ? Ou plus prosaïquement, Darwin a-t-il préféré écrire d'autres ouvrages qu'il avait commencé à rédiger afin d'exploiter les données accumulées durant son périple sur le Beagle ? Faut-il voir en lui un Galilée qui aurait d'abord craint d'être persécuté par ses opposants, ou un scientifique avant tout soucieux de mener à bien d'autres tâches qu'il aurait eu d'abord à cœur de terminer ?
      In the late 1830s, Darwin had already conceptualized the general outlines of the mechanism of natural selection, a pillar of his theory of evolution. Yet, he only published On the Origin of Species twenty years later, when the young naturalist Alfred Russell Wallace, who had developed similar ideas, was going to be the first to claim the discovery of the mechanism of natural selection. The reason why Darwin took so long to publish his views on evolution has spilled a lot of ink among historians, biographers and commentators. The most common explanations mention Darwin's fear of the possible reactions of the society of his time, whether those of his fellow scientists, of the religious authorities of the moment or, more precisely, of his wife who was more pious and more attached to traditional forms of spirituality. Was Darwin afraid of the materialistic implications of his own theory and did such fears continue to haunt him later, leading him to a more moderate form of agnosticism rather than to more militant, conspicuous forms of atheism, such accusations having often been addressed to the agnostics at the time? Or more prosaically, did Darwin prefer to write other books in order to exploit the data collected during his journey on the Beagle? Was he afraid, in the same way as Galileo, of being persecuted by his opponents, or was he mainly concerned about carrying out other tasks that he had at heart?
    • Le corps créole, fonction de la relation dans Drums and Colours de Derek Walcott - Jason Allen p. 162-175 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En s'appuyant sur les écrits d'Édouard Glissant, et sur sa « poétique de la Relation », cet article postule que la corporalité du personnage créole, constituant le cœur même de la signification de l'œuvre théâtrale Drums and Colours de Derek Walcott, participe de la construction d'un espace à la fois discursif et esthétique à partir des données de la colonisation : c'est dans un tel espace que sont constitués le lien et la relation de l'être caribéen avec l'Autre. Par ailleurs, la construction de l'espace chez Walcott suppose une confrontation avec les inscriptions mnésiques liées à la disparation ontologique des corps dans le « gouffre » de la Traite transatlantique mais aussi, à terme, une sublimation de cette mémoire par la revendication d'une esthétique de la Relation, résultante de cette fréquentation du Gouffre.
      With the aid of Glissant's theoretical writings on the “poetics of Relation,” I argue that the corporeality of the Caribbean Creole, which I view as the heart of signification in the play Drums and Colours, is, for Derek Walcott, essential in the construction of a discursive and esthetic Caribbean space and that, in Walcott's vision, it is through the construction of such a space that the Caribbean subject can establish relation with his former coloniser, his Other. Furthermore, the construction of such a space in Walcott's theatrical poetics involves an exploration of the psychic inscriptions caused by the ontological disappearance of the body in the “abyss” of the Middle Passage but also, ultimately, a sublimation of these memories and imprints into an aesthetic of Relation, a result of the knowledge of the experience of the “abyss” survived and remembered.
    • Multi-layered self-reflexivity in Will Self's Great Apes - Sandrine Sorlin p. 176-188 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le roman de Will Self, les chimpanzés ont supplanté les humains sur l'échelle de l'évolution. Par un jeu de miroirs réfléchissants qui opère au niveau linguistico-cognitif et narratologique, Great Apes offre une parodie des comportements humains à travers ceux des chimpanzés. Self met en lumière ici le pouvoir métaphorique qu'a la science-fiction de déconstruire nos catégories familières et nos cadres établis et en même temps il en expose toutes les limites, reflétant dans l'écriture l'aporie à laquelle les scientifiques sont parfois confrontés dans la constitution du savoir.
      Apes have supplanted humanity on the evolutionary tree in Great Apes. Through mirror effects that take place at the linguistic and narrative level, it is a parody of human behaviour that the novel offers in its depiction of the apes' mores. Self demonstrates the metaphorical power of the science fiction genre in its deconstruction of our familiar categories and established frameworks but at the same time he highlights its very limits, reflecting in his writing the aporia to which scientists are sometimes confronted to in their production of knowledge.
    • In memoriam Luce Bonnerot (1922-2014) - Alain Jumeau p. 189-191 accès libre
  • Comptes rendus

  • Notes de lecture