Contenu du sommaire : Varia
Revue | Le Mouvement social |
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Numéro | no 244, juillet-septembre 2013 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Politiques sociales et marché(s). Filiations et variations d'un registre transnational d'action, du BIT des années 1920 à la construction européenne et à la Chine contemporaine - Thomas Cayet, Paul-André Rosental p. 3
- Du BIT à la politique sociale européenne : les origines d'un modèle - Lorenzo Mechi p. 17-30 Entre les deux guerres, le BIT poursuivit l'objectif d'intégration économique du Vieux Continent, dans le but de favoriser la croissance, grâce à un processus de rationalisation, et ainsi de produire les ressources nécessaires pour la diffusion de réformes sociales. Quand, après la Seconde Guerre mondiale, l'intégration économique fut effectivement amorcée, le BIT contribua à faire prévaloir cette conception, qui imprégna fortement les traités des communautés européennes. Ces derniers reflètent donc une forte confiance dans l'effet positif des dynamiques du marché et comportent une dimension sociale très réduite, limitée à des mesures visant à stimuler la mobilité de la main-d'œuvre et à rendre plus performant le marché du travail européen. En synergie avec les politiques interventionnistes nationales, cette approche joua effectivement le rôle envisagé dans l'entre-deux-guerres : elle contribua à alimenter la croissance des Trente Glorieuses et à permettre la construction des États-providence européens. À partir des années 1980, dans un contexte caractérisé par des politiques macroéconomiques de plus en plus centrées sur la rigueur financière et la discipline budgétaire, elle a commencé pourtant à montrer toutes ses limites et son incapacité à garantir des niveaux satisfaisants d'emploi.From the International Labour Office to European social policies: Origins of a Paradigm
In the interwar period, the International Labour Office (ILO) aimed at economic integration in Europe with the assumption that a rationalisation process would be induced, thus stimulating economic growth and providing the necessary resources for widespread social reforms. When, after World War II, economic integration was actually initiated, the ILO hung on to this concept, whose influence can be seen in the treaties that established the European Communities. Consequently, those treaties are characterised by a strong faith in the positive impact of market dynamics and have very little social dimension, as they only aimed at improving manpower mobility and bolstering the competitiveness of the European labour market. Working in synergy with national interventionist policies in the 1950s and 1960s, this approach actually produced the results that had been anticipated in the interwar years. It contributed to growth in the post-WWII expansion period and played a part in the creation of the European welfare states. From the 1980s onwards, in a macroeconomic context growingly characterized by fiscal austerity and discipline, this approach nonetheless began to meet its limits, as it proved increasingly unable to ensure satisfactory employment levels. - La sécurité sociale au péril du vieillissement. Les organisations internationales et l'alarmisme démographique (1975-1995) - Matthieu Leimgruber p. 31-45 Cet article analyse les constellations d'intérêts, les circulations d'experts et les va-et-vient entre le national et l'international qui ont présidé à l'écriture de plusieurs rapports clés sur le vieillissement élaborés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale durant la première moitié des années 1980. Cette cartographie démontre comment ces organisations multilatérales ont contribué à façonner une conception alarmiste du vieillissement et de son impact sur les systèmes de retraite afin de légitimer des réformes controversées de la sécurité sociale. De manière plus générale, cette étude de cas souligne les modalités d'action et de mobilisation de ces organisations internationales dans une période marquée par une profonde remise en cause de l'expansion de la sécurité sociale.Social Security and the Perils of Ageing. International Organisations and Demographic Alarmism, 1975-1995This article analyses the constellations of interests, the circulation of experts and the constant toing and froing between national and international levels that led to the elaboration of several key reports on ageing by the International Monetary Fund and the World Bank during the first half of the 1980s. The present cartography demonstrates how these multilateral organisations contributed to shape an alarmist conception of the ageing process and its impact on old-age provision systems, in order to justify controversial social security reforms. More generally, this case study also underscores the ways of action and mobilisationof these international organisations, in a period that witnessed a radical questioning of expanding social security programmes.
- Réforme du droit et contestation sociale sans État de droit : le laboratoire chinois - Leïla Choukroune, Chloé Froissart p. 47-65 Au cours des trente dernières années de réforme et d'ouverture, la Chine a progressivement mis en place un système juridique moderne au cœur duquel figure la garantie d'un certain nombre de droits fondamentaux. Cette importante transformation du régime influence aujourd'hui profondément les rapports sociaux. Qu'il s'agisse des salaires, des plans de restructuration, des délocalisations ou des heures supplémentaires impayées, les demandes formulées par les ouvriers chinois reposent sur un « langage des droits » lui-même fondé sur une base législative et réglementaire connue des travailleurs. Au centre de cette dynamique nouvelle et complexe entre reconnaissance des droits et absence d'État de droit, deux phénomènes méritent de retenir tout particulièrement l'attention : l'émergence, d'une part, d'une « public interest litigation » à la chinoise et, d'autre part, la mise en place progressive d'une forme originale de négociations collectives. Cet article se propose d'aborder ces deux formes de mobilisation en les mettant en perspective dans le contexte d'un État autoritaire, certes confronté à la nécessité de réformes, mais pas encore disposé à remettre en cause les fondements de son existence. Les avancées et limites du droit chinois apparaissent ainsi à la mesure des contradictions et hésitations du régime de Pékin.Legal Reforms and Social Protest in a State with No Rule of Law: the Chinese Experiments
Over the past 30 years of reform and opening-up, China has gradually implemented a modern legal system, which essentially guarantees a number of fundamental rights. This significant transformation of the regime underlies social relations in today's China. Chinese workers' demands, whether over wages, restructuring plans, relocations or unpaid overtime, are formulated in a “language of rights” that is based on a set of rules and laws known to the workers. At the centre of these new and complex dynamics between the acknowledgement of new rights and the absence of a rule of law, two phenomena deserve particular attention: on the one hand, the emergence of a sinicised “Public Interest Litigation” system, and the gradual establishment of an original form of collective negotiation on the other. The present article addresses these two forms of mobilisation by replacing them in their context: the authoritarian Chinese state has no choice but to implement some reforms, yet is not ready to question the very foundations of its existence. Accordingly, the advancements and limitations of Chinese law appear in the light of the contradictions and hesitations of the Beijing regime. - Le droit d'auteur et la Première Guerre mondiale : un exemple de coopération transnationale européenne - Isabella Löhr p. 67-80 Les débats actuels concernant le droit de la propriété intellectuelle sont fortement marqués par l'influence d'organisations internationales telles que l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ou encore l'Union européenne. Les organisations internationales sont en fait des acteurs décisifs dans l'élaboration et l'application du droit de la propriété intellectuelle depuis la fin du XIXe siècle. La convention de Berne, qui fut signée en 1886 par les principaux États européens actifs dans le commerce des livres afin de réguler les échanges internationaux de bien culturels, en est le meilleur exemple. Il faut pourtant s'interroger sur le devenir d'une semblable organisation internationale, fondée sur des principes de coopération réciproque et pacifique entre les États et les acteurs de la société civile, lorsqu'un conflit – la Première Guerre mondiale – transforme les principaux États membres en belligérants. On montrera comment la convention de Berne a pu résister aux politiques commerciales contraignantes et à la propagande de guerre des États européens, grâce à l'émergence d'une coopération entre les éditeurs, les auteurs, les juristes et le Bureau de Berne, afin de passer outre le conflit. À partir de l'exemple de la convention de Berne, cet article avance l'idée que le commerce des livres en Europe s'est trouvé intégré dans des structures institutionnelles – tant sur le plan social que sur le plan politique et légal – qui faisaient écho à l'enchevêtrement transfrontalier de ce qu'on appelle « l'espace culturel européen », ce qui a permis de conserver les solidarités de l'internationalisme culturel d'avant-guerre.The Rights of Authors during World War I: An Example of Transnational Cooperation
Current debates on how to handle intellectual property rights have been strongly shaped by international organisations such as the World Trade Organisation, the World Intellectual Property Organisation or the European Union. In fact, international organisations have been key actors in shaping and implementing intellectual property rights since the late 19th century. This is best exemplified by the Berne Convention, which was signed in 1886 by Europe's major book-trading countries toregulatethe cross-border trade in cultural goods. But what becomes of such an international organisation, based on principles of mutual and peaceful cooperation between states and actors from civil society, after a conflict such as the First World War transforms its major member states into enemies? The present article will show how the Berne Union succeeded in resisting the restrictive trade policies and wartime propaganda of European states, thanks to the emergence of a coalition between publishers, authors, legal experts and the office of the Berne Union, which aimed to keep war out. The article argues that, through the Berne Union, the European book trade was embedded in social, political and legal institutional structures that reflected the border-crossing entanglement of what is called “European cultural space” – thereby preserving the solidarities of pre-war “cultural internationalism”. - Complices de Hitler ou victimes de Staline ? Les déplacés baltes en Allemagne de la sortie de guerre à la guerre froide - Juliette Denis p. 81-98 Cet article retrace la structuration et le sort des réfugiés baltes présents en Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale en confrontant les archives soviétiques, occidentales et la voix des réfugiés. La réputation collective du groupe, déterminante pour ses perspectives migratoires, évolue au gré du rapport de force entre l'URSS et ses anciens alliés. La transition de la Seconde Guerre mondiale à la guerre froide définit alternativement les Displaced Persons (DPs) baltes comme « complices de Hitler » et « victimes de Staline ». Les institutions internationales, les commandements des zones d'occupation occidentales en Allemagne et les autorités soviétiques alimentent les controverses qui se soldent par l'émigration massive des DPs vers l'Ouest. Dans ce processus, les DPs baltes apparaissent non seulement comme l'objet de politiques antagonistes, mais également comme l'instrument d'un conflit idéologique. Par la voix de leurs représentants ou par des démarches collectives, ils parviennent à se positionner dans les conflits de la guerre froide naissante et à forger une identité qui favorise leur émigration à l'Ouest.Hitler's accomplices or Stalin's victims? Baltic displaced persons in Germany, from the end of World War II to the Cold WarBy comparing Soviet and Western archives, together with testimonies from Baltic refugees, this article describes the organisation and fate of Baltic displaced persons (DPs) who happened to be on German soil at the end of the Second World War. The collective reputation of the group, adetermining factor for its migratory prospects, altered as the relationship between the USSR and its former allies deteriorated. In the aftermath of the Second World War and with the escalation of the Cold War, Baltic countries were alternatively defined as “Hitler's accomplices” or as “Stalin's victims”. International organisations, along with the Western High Command in Germany and the Soviet authorities, participated in controversies that eventually led to the massive emigration of Baltic refugees to the West. In that process, the political antagonism surrounding DPs was coupled with an ideological conflict. Through their representatives and thanks to collective mobilisation, Baltic displaced persons managed to maintain their stance in the conflicts of the early Cold War and create a collective identity that facilitated their resettlement in the West.
- Notes de lecture - p. 99
- Informations et initiatives - p. 141-146