Contenu du sommaire : Afriqu'Orient
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 90, été 2014 |
Titre du numéro | Afriqu'Orient |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Afriqu'Orient : des relations à explorer - Sébastien Abis, Karine Bennafla p. 9-21 Si l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, d'une part, et l'Afrique subsaharienne d'autre part font chacune l'objet d'une littérature abondante, force est de constater que les relations entre ces deux aires régionales constituent, elles, un thème peu exploré et peu analysé . Cet « angle mort », ou du moins délaissé, de la recherche peut paraître étonnant. Et sans aucun doute regrettable car des dynamiques politiques, économiques, diplomatiques et militaires s'y déploient pour le meilleur et pour le pire.
- Une production islamique de la mondialisation : Les relations Afrique-monde arabe à l'ère du transnationalisme contemporain - René Otayek p. 23-37 Les relations entre l'Afrique subsaharienne, singulièrement la zone sahélo-saharienne, et le « monde arabe » s'articulent autour de dynamiques de transnationalisme aussi complexes que protéiformes, de plus en plus marquées par la récurrence de la référence islamique. L'action des Etats et celle des réseaux de toutes natures, le commerce des biens de salut et la circulation des hommes et des services reconfigurent ainsi l'oumma comme communauté imaginée et dessinent une production islamique de la mondialisation.
- L'Afrique subsaharienne et le monde arabe : des espaces agricoles déconnectés - Mihoub Mezouaghi p. 39-59 La déconnexion des économies agricoles africaine et arabe, confrontées à une crise agricole structurelle, se traduit par des flux commerciaux bilatéraux limités et concentrés sur un nombre restreint de produits. Leur dépendance alimentaire au marché mondial tend à s'accroître. La croissance démographique, le changement climatique, l'instabilité politique et la libéralisation économique débridée sont autant de facteurs aggravants du déficit agricole.La faiblesse des échanges agricoles entre l'Afrique subsaharienne et le monde arabe résulte principalement de leurs structures économiques, des défaillances des politiques agricoles, de régimes commerciaux non incitatifs et de la faible qualité des infrastructures de transport. Le déficit logistique accroît considérablement la marginalisation de ces espaces agricoles par rapport à l'économie internationale et affecte la compétitivité des producteurs agricoles en générant des surcoûts de production et de transaction.Pour autant, la menace de l'insécurité alimentaire, d'une part, et la contrainte de la concurrence internationale, d'autre part, ont favorisé des flux d'investissement, leviers potentiels d'une meilleure intégration des espaces agricoles. Dans un contexte marqué par une croissance soutenue du continent africain et par une situation d'excès de liquidités financières dans le monde arabe, de nouvelles dynamiques financières et productives sont de nature à accroître les échanges agricoles, à participer à une valorisation des terres agricoles et à favoriser le développement et l'internationalisation des industries de transformation.Néanmoins, faute d'une approche intégrée et stratégique des relations agricoles entre les pays d'Afrique subsaharienne et les pays arabes, ces dynamiques relèvent davantage d'une logique opportuniste d'états voulant réduire leur insécurité alimentaire et d'entreprises cherchant à développer des niches d'exportation. Cette logique ne peut suffire à inverser la logique structurelle et institutionnelle de déconnexion des espaces agricoles.
- Les investissements saoudiens dans la Corne de l'Afrique : l'exemple de Mohamed Al Amoudi, homme d'affaires saoudien en Ethiopie - Romain Calvary p. 61-74 Alors que les investissements du Golfe, en particulier saoudiens, dans la Corne de l'Afrique sont en augmentation, cet article propose une analyse du parcours et des activités économiques de l'homme d'affaires saoudien Mohammed Al Amoudi en Ethiopie, premier investisseur étranger dans ce pays. Cet article s'inscrit notamment en faux contre certaines analyses, qui en se focalisant sur les relations d'Etats à Etats, interprètent cette intensification des flux économiques comme étant le seul fruit d'une « stratégie » délibérément suivie par Riyad. L'étude du parcours personnel de Mohammed Al Amoudi montre au contraire que ses investissements en Ethiopie sont le fruit d'une démarche personnelle et répondent d'une rationalité économique. Le succès de ses activités repose en grande partie sur les bonnes relations qu'il entretient avec le pouvoir politique éthiopien et sur le réseau personnel dont il dispose sur place. Du fait des relations anciennes entre la Corne de l'Afrique et la péninsule arabique, Al-Amoudi a ainsi pu s'appuyer sur ses liens personnels avec l'Ethiopie, son pays d'origine, pour y investir et prospérer dans ses affaires. Aujourd'hui, le renforcement de ces flux économiques repose sur la capacité et la volonté de l'Etat saoudien de renforcer ses relations diplomatiques avec l'Ethiopie, afin d'offrir un cadre et des garanties aux investisseurs qui ne disposent pas des mêmes appuis. Riyad pourra en cela s'appuyer sur Al-Amoudi, qui n'hésite pas à jouer, dans l'intérêt des deux partis, un rôle d'intermédiaire dans les relations diplomatiques et économiques.
- Les origines africaines du droit au Maghreb - Safa Ben Saad p. 75-84 La méthodologie comparative permet de classifier les systèmes juridiques en différentes « familles ». Les systèmes juridiques des pays du Maghreb sont classifiés comme des systèmes mixtes. L'étude juridique du droit maghrébin s'inscrit généralement dans l'étude de l'histoire du droit musulman et de l'influence du droit civil. Pourtant, ces axes ne sont pas les seuls explorables ; juristes et historiens omettent souvent de replacer le Maghreb dans son milieu géographique et culturel africain et de voir en quoi ces régimes mixtes maghrébins le sont aussi par la présence d'autres influences, notamment africaines.
- Liens bancaires et financiers entre le monde arabe et l'Afrique subsaharienne - Estelle Brack p. 85-104 Cet article dresse un panorama du développement bancaire et financier dans les pays arabes et africains liés par une histoire et des influences communes, et pointe l'attrait grandissant du monde subsaharien pour les acteurs arabes (banques marocaines, banques du Proche et Moyen-Orient, fonds d'investissement). Si des différences culturelles ou de niveau de développement perdurent, ces deux aires exercent des attraits réciproques et illustrent de façon assez marquée ce que peut être la coopération Sud-Sud entre acteurs privés.
- L'Algérie et la sécurité au Sahel : lecture critique d'une approche paradoxale - Louisa Dris-Aït Hamadouche p. 105-121 L'Algérie est profondément impliquée dans la sécurité du Sahel dont dépend sa propre sécurité. Ce constat résume l'intérêt de l'Algérie pour le Sahel mais pas sa politique étrangère, dont la perception, les principes, les instruments et la mise en œuvre sont intimement liés à des considérations politiques internes. En effet, si le socle normatif qui fonde la politique étrangère algérienne lui confère une identité et une histoire fortes, il peut par ailleurs devenir une contrainte. Ainsi, la difficulté de concilier les bouleversements régionaux avec les constantes idéologiques et avec les évolutions politiques internes soumet la politique sahélienne de l'Algérie à des paradoxes impactant son efficience.
- De l'Egypte à l'Ethiopie, quand la puissance se déplace en Afrique nilotique - Pierre Blanc p. 123-139 « L'Egypte est un don du Nil ». Cette formule qui nous vient d'Hérodote a été encore vraie dans la période contemporaine, tellement l'Egypte a fait de ce fleuve l'allié de son développement. Profitant de son avance politique et militaire et de ses atouts géostratégiques, le pouvoir central égyptien a pu valoriser les ressources qu'offre le fleuve en termes de sécurisation alimentaire et énergétique. Mais l'affirmation des Etats en amont du bassin du Nil modifie aujourd'hui le statu quo. Sortie de ses vicissitudes d'un « présent historique » à tout le moins tragique, l'Ethiopie est à l'avant-garde des Etats d'amont qui remettent en cause l'avantage de l'Egypte. En surplomb de la question de l'eau, c'est tout un réaménagement du rapport de force qui se noue dans le bassin du Nil, et c'est donc en ces termes que nous décryptons ici la donne hydropolitique ; en sachant que les rapports de puissance n'ont pas forcément le dernier mot dans les relations internationales.
- L'Iran et l'Afrique : une coopération à l'épreuve des faits - Alhadji Bouba Nouhou p. 141-151 L'accord conclu le 24 novembre 2013 à Genève entre l'Iran et le groupe « 5+1 » (France, Russie, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Chine et Allemagne) sur la levée progressive des sanctions contre Téhéran est perçu comme de bon augure par l'Afrique. Cependant, si la coopération irano-africaine a été sérieusement affectée par les sanctions, peut-elle pour autant retrouver sa référence de base construite sur la solidarité tiers-mondiste et sur une perception binaire « opprimés » versus « oppresseurs » ? Quelle sera la réaction des Etats du Golfe, dont certains, comme l'Arabie saoudite, restent opposés à toute offensive diplomatique de la part de l'Iran ?
- Afriqu'Orient : des relations à explorer - Sébastien Abis, Karine Bennafla p. 9-21
Variations
- La justice chariatique en Syrie « libérée » : un modèle juridique consensuel ? - Stéphane Valter p. 155-174 Dans certaines zones de Syrie tenues par les rebelles, le besoin de régulation donne lieu à la mise en place d'une justice chariatique. Cet article présente cette situation et en analyse les modalités d'application. Il s'agit de montrer que la sharî‘a, concernant surtout les peines corporelles, n'est pas toujours appliquée dans sa version la plus tolérante, et qu'elle est au centre d'enjeux de pouvoir entre rebelles, en tenant compte du fait que la vengeance expéditive l'emporte souvent sur toute idée d'application d'une soi-disant justice (islamique ou non). Une réflexion sera enfin engagée quant aux ressorts d'une violence juridique pour laquelle, dans de nombreux cas, aucun motif raisonnable ne peut être discerné.
- Jacques Chevallier, l'Algérien : « Français, écartelé entre l'Afrique et l'Amérique, mon rêve a été de me créer une patrie à moi. C'est en Algérie que je me la suis faite ». - Corinne Chevallier p. 175-194 L'itinéraire politique de Jacques Chevallier, l'ancien maire d'Alger, est atypique à l'époque de l'Algérie coloniale. Partisan du dialogue entre Européens et nationalistes algériens dès les années 50, pour la reconnaissance des droits des Algériens puis d'une Algérie algérienne à terme où Pieds-noirs et Algériens auraient eu leur place, l'homme fut incompris et rejeté par sa communauté, malgré une popularité initiale. Cet article se veut une interprétation de cet échec à travers le parcours de l'homme et de l'histoire complexe des Pieds-noirs.
- Démilitariser Gaza, sans plus : un piège ? - Robert Bistolfi p. 195-200 Alors que les ruines de Gaza fument encore, un premier bilan politique montre qu'Israël n'a pas atteint ses objectifs et que la Hamas a conforté son autorité sur fond d'impuissance de l'Autorité palestinienne. Même si ses appuis occidentaux demeurent, Israël connaît une profonde détérioration de son image sur le plan international. Un aggiornamento de la politique israélienne n'est cependant pas à attendre. L'intervention à Gaza visait d'abord et surtout à empêcher le rapprochement inter-palestinien qui se dessinait. Cet objectif de division de l'adversaire demeure central pour un gouvernement israélien qui poursuit sa politique de colonisation et refuse la « solution à deux Etats ». Le second objectif qui en découle pour lui est de parvenir à tout prix à une démilitarisation de Gaza, et ce qu'il n'a pu obtenir par les armes sera maintenant recherché à travers une intervention internationale qui sécuriserait Israël sans qu'il ait à payer le prix politique de la paix. S'il est de plus en plus évident qu'une solution du conflit conforme au droit international ne pourra qu'être imposée par la « communauté internationale », il ne faudrait pas que cette intervention ait pour objectif premier, sinon pour but unique, de réduire la capacité de résistance du Hamas. En d'autres termes, toute action concernant Gaza devrait avoir pour pendant des pressions fortes sur Israël, touchant à la colonisation et à l'enclenchement d'un vrai processus de négociation en vue d'une paix juste.
- Notes de lecture - p. 201-205
- La justice chariatique en Syrie « libérée » : un modèle juridique consensuel ? - Stéphane Valter p. 155-174