Contenu du sommaire : Chercheurs à la barre

Revue Socio Mir@bel
Numéro n° 3, septembre 2014
Titre du numéro Chercheurs à la barre
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial

    - Michel Wieviorka p. 5 accès libre
  • Le dossier

    • Chercheurs à la barre : Les sciences sociales saisies par la justice - Laëtitia Atlani-Duault, Stéphane Dufoix p. 9 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les chercheurs en sciences sociales sont de plus en plus souvent confrontés à l'épreuve de la justice, soit du côté de l'accusation, soit du côté de la défense. Ils peuvent s'y retrouver accusés pour incompétence, diffamation ou entrave à la justice pour ne pas vouloir révéler leurs sources. Ils peuvent aussi y intervenir en tant que témoins experts pour aider les juges à prendre une décision. Dans un cas comme dans l'autre, de nombreuses questions surgissent sur le statut du chercheur. La tendance croissante à les traduire en justice ne démontre-t-elle pas un manque de protection de la profession ? Par ailleurs, la participation à la justice au titre de témoin expert ne fait-elle pas entrer en contradiction le « vrai » du chercheur et le « vrai » du juge ?
      Social scientists have been lately more and more often confronted to justice, either on the side of the accusation, or on the side of the defence. They may be accused of incompetence, libel or refusal to disclose important data or the names of their sources. They may also intervene in trials as expert-witnesses in order to help judges to come to a decision. Either case entails numerous questions about the status of social scientists. Doesn't the fact that they are increasingly prosecuted demonstrate a lack of protection for those who practise this profession? Moreover, doesn't the participation in trials as expert-witnesses knock together the « truth » of the scholar and the « truth » of the judge?
    • Face to face with England's libel laws - Stephen Ellis p. 49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La loi de diffamation en Angleterre, créée dans l'intention de protéger les victimes contre la publication d'attaques injustifiées, est susceptible d'être utilisée par des personnes suffisamment aisées pour se procurer des services juridiques chers comme moyen d'intimidation des chercheurs. Dans la pratique, cette loi restreint donc la liberté d'expression des chercheurs dans le domaine du politique. Cet article témoigne de l'expérience de l'auteur après sa poursuite pour diffamation par l'ancien président du Liberia, Charles Taylor.
      The English law of libel, which is intended to protect people against publication of scurrilous and unjustified attacks against them, can be used by those rich enough to pay for expensive legal services as a means of intimidating researchers. In practice, it has a restrictive effect on the freedom of expression of researchers into current affairs. This article relates the author's own experience of being sued for libel by the former President of Liberia, Charles Taylor.
    • Etre à la barre, être accusé(e) - Catherine Lutard-Tavard p. 63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sans pour autant qu'il s'agisse d'un choix délibéré, le sociologue est amené à travailler sur des sujets plus polémiques que d'autres. Ce fut mon cas avec l'analyse des nationalismes yougoslaves des années 1990, thème qui déchaînait les passions même en France. Sur la base d'une expérience personnelle (une plainte pour diffamation), cet article met en évidence le déplacement de la science vers la justice, les conditions de la contestation du droit à la polémique et montre comment les ajustements judiciaires, de plus en plus nombreux, se révèlent dangereux pour le développement de la recherche et tout particulièrement sur des sujets « sensibles ».
      Without it being a deliberate choice, the sociologist can be led to work on a subject which is more polemical than others. This happened to me with the analysis of the nationalisms in Yugoslavia in the 1990s – a theme which led to passionate debates even in France. On the basis of a personal experience (a lawsuit for defamation), this article shows the move from science to justice, the conditions to challenge the right to be polemical and shows how legal adjustments, which are increasingly numerous, prove harmful for the development of research and, in particular on ‘sensitive' issues.
    • Retour sur expérience - Jean-François Gossiaux p. 79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur rapporte son expérience de «témoin de la défense» dans un procès intenté par des «scientifiques» à l'encontre d'une autre scientifique, dans le contexte du conflit yougoslave.
      The author recounts his experience as ‘witness for the defence' in a lawsuit brought by ‘academics' against another (female) academic in the context of the Yugoslav conflict.
    • L'ethnologue comme témoin expert : témoignage - Richard Price p. 83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article rend compte des expériences personnelles d'un ethnologue devant les cours, surtout la Cour interaméricaine des droits de l'homme, sise à San José au Costa Rica, où il a participé deux fois pour défendre les droits des Marrons saamaka du Suriname, avec qui il travaille depuis cinquante ans.
      This article describes the personal experiences of an anthropologist as expert witness, particularly his appearances before the Inter-American Court of Human Rights in Costa Rica, where he twice testified on behalf of the Saamaka Maroons of Suriname, with whom he has worked for fifty years.
    • Prévenir ou punir ? : Expertise et justice préventive dans la "guerre contre la terreur" aux Etats-Unis : l'affaire Mehanna - Nadia Marzouki p. 103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'étude du procès de Tarek Mehanna, un jeune Américain d'origine égyptienne, condamné en avril 2012 à dix-sept ans de prison pour conspiration terroriste, cet article analyse le rôle des experts et des spécialistes de sciences sociales dans la construction juridique de la catégorie de terrorisme. Il ne s'agit pas de tenter de mesurer l'influence des témoins experts sur le droit, mais plutôt d'analyser la façon dont opère la logique politique de prévention du terrorisme, dès lors que celle-ci oriente aussi bien l'activité des spécialistes de sciences sociales, que celle des juges et des avocats. Cet article examine également les débats relatifs à l'interprétation du premier amendement dans le contexte de la guerre contre le terrorisme, et les luttes en cours pour établir des distinctions entre la libre expression et la pensée dangereuse, entre la pratique religieuse libre et la pratique radicale et suspecte.
      Based upon a study of the trial of Tarek Mehanna, a young American of Egyptian descent, who was convicted of terrorist conspiracy in April 2012 and sentenced to seventeen years and a half in prison, this article examines the role of experts and social scientists in the legal construction of the category of terrorism. The object of this paper is not to attempt to measure the influence of expert witnesses on law, but, rather, to understand how the political logic of preventing terrorism functions. This logic, I will argue, informs the practice of social scientists, judges and lawyers. This article also explores the debates about the interpretation of the First Amendment in the context of the War on Terror. It analyses the current struggles to establish distinctions between what counts as free speech and what is seen as constituting dangerous thought, or between free religious practice and practice that is deemed radical and suspect.
    • Jouer l'expert à la barre : L'épistémologie sociale de Steve Fuller au service de l'Intelligent Design - Volny Fages, Arnaud Saint-Martin p. 137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Fin 2005, à Harrisburg en Pennsylvanie, le procès Kitzmiller et al. v. Dover Area District oppose des parents d'élèves soutenus par l'American Civil Liberties Union au Board of Education du district de Dover. L'objet du contentieux est l'introduction de références à la théorie antidarwinienne de l'Intelligent Design dans l'enseignement de biologie. Ce procès, qui fait suite à de nombreux autres relatifs à l'enseignement de la théorie de l'évolution aux États-Unis, charrie des enjeux épistémologiques forts. S'il est démontré à la barre que l'Intelligent Design est une science, même marginale, celui-ci devrait alors pouvoir être enseigné. Plusieurs « métaexperts » sont donc invités à témoigner afin de permettre de déterminer le statut épistémologique de cette théorie, mêlant ainsi luttes épistémologiques, batailles politiques et construction d'une jurisprudence. Cet article se concentre sur le témoignage du sociologue et philosophe des sciences Steve Fuller, pour le compte de la défense (de l'Intelligent Design). Il s'agit ici d'entrer dans le détail de l'argumentation de Fuller et de la replacer dans son contexte intellectuel, historique et socio-politique. Théâtral, excessif, outré, le cas Fuller nous permet, au travers d'une situation de dispute, de proposer une réflexion sur la responsabilité politique et morale des experts universitaires, et en particulier du domaine des Science and Technology Studies, intervenant hors de la sphère académique.
      At the end of 2005, in Harrisburg, Pennsylvania, the case of Kitzmiller et al. V. Dover Area District opposed parents of students supported by the American Civil Liberties Union to the Board of Education of the Dover district. The object of the litigation was the introduction of references to the anti-Darwinian theory, Intelligent Design, into the teaching of biology. This trial, which followed on numerous other trials concerning the teaching of the theory of evolution in the United States, concerns important epistemological issues. If it is proved in court that Intelligent Design is a science, even if marginal, then it ought to be possible to teach it. Several ‘meta-experts' were therefore invited to testify to enable the epistemological status of this theory to be determined; thus epistemological conflicts, political battles and the construction of a jurisprudence were all intertwined. This article concentrates on the testimony of Steve Fuller, sociologist and philosopher of science, on behalf of the defence (of Intelligent Design). The aim here is to examine Fuller's argument in detail and to set it in its intellectual, historical and socio-political context. Dramatic, excessive, controversial – Fuller enables us, through a dispute, to propose a consideration of the political and moral responsibility of academic experts, and in particular in the field of Science and Technology Studies, operating outside the academic sphere.
    • La science sans expertise : réponse à Fages et Saint-Martin - Steve Fuller p. 165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ma réponse à l'article de Fages et Saint-Martin remet en question leur prémisse selon laquelle ma défense publique de l'Intelligent Design (ID), que ce soit au cours du procès qui a fait date aux États-Unis, en 2005, ou dans mes écrits ultérieurs, a été une catastrophe. J'admets que mes collègues des Science and Technology Studies (STS) ont dans l'ensemble condamné mes choix et mes actions. Toutefois, leur réaction n'est en rien surprenante, dans la mesure où les STS ont renoncé à leurs ambitions épistémologiques les plus courageuses depuis qu'elles ont perdu les « science wars » des années 1990. De plus, le soutien que j'apporte à l'ID n'est en rien arbitraire : il découle directement d'une thèse que j'ai soutenue bien avant de lui apporter mon soutien, à savoir que l'establishment scientifique est suffisamment autoritaire pour rendre nécessaire un programme de discrimination positive qui permettrait de mettre en discussion des positions alternatives suffisamment développées. Le ferme enracinement de l'ID dans l'histoire des sciences fait l'affaire, surtout si l'on considère que les thèses de l'ID concernent les explications ultimes plutôt que l'explication de faits particuliers. De plus, le fait que l'ID soit un mouvement financé de manière « privée » ne devrait pas être particulièrement perturbant, si l'on considère que la Fondation Rockefeller a réussi à elle seule à réorienter l'ensemble de la recherche scientifique au xxe siècle. La seule chose qui, en fin de compte, peut sembler surprenante à ceux qui ne sont pas familiers de la théologie qui sert de soubassement à la théorie de l'ID, c'est peut-être les similarités qu'elle entretient avec les prétentions quasi divines du transhumanisme contemporain.
      My response to Fages and Saint-Martin contests their premise that my public defence of Intelligent Design (ID), both in a landmark 2005 US court case and in subsequent writings, has been a disaster. I admit that my Science and Technology Studies (STS) colleagues have largely condemned my actions. However, this response is not surprising, since STS has been in retreat from its boldest epistemological claims since having lost the Science Wars of the 1990s. In addition, my support of ID is not arbitrary, but draws on my prior arguments that the scientific establishment is sufficiently authoritarian to require an ‘affirmative action' programme to give voice to reasonably well-developed alternative positions. ID's firm roots in the history of science fits the bill, especially if ID's claims are understood to be about ultimate explanations rather than accounts for particular facts. Moreover, the fact that ID is a ‘privately' funded movement should come as no surprise, given the precedent set by the Rockefeller Foundation for re-orienting scientific inquiry in the 20th century. What may be surprising to those unfamiliar with ID's background theology is its similarity to the god-like aspirations of contemporary transhumanism.
    • Réponse à la réponse de Fuller - Volny Fages, Arnaud Saint-Martin p. 179 accès libre
    • L'histoire et la justice - Annette Wieviorka p. 183 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les procès des grands criminels nazis intéressent vivement les historiens. D'abord parce qu'ils appartiennent à l'histoire. Deux d'entre eux, le grand procès de Nuremberg et celui d'Adolf Eichmann à Jérusalem sont constamment convoqués et ont été la source de qualifications juridiques nouvelles, de concepts, de stéréotypes. Les historiens y jouent un rôle tout à fait marginal. Il est impératif de distinguer deux types de justice qui s'appliquent aux acteurs de l'histoire. Une justice transitionnelle, qui fait partie de l'arsenal permettant de passer d'un état de guerre à un état pacifié, de (re)construire un vivre ensemble, que ce soit un vivre ensemble entre États après une guerre entre nations ou un vivre ensemble au sein du même État après une guerre civile. Ainsi peut-on inscrire les procès de Nuremberg dans l'histoire du droit international et dans celle de la mise sur pied d'un nouvel ordre international après la Seconde Guerre mondiale. Desmond Tutu et Nelson Mandela surent inventer avec la commission vérité et réconciliation une nouvelle modalité pour rendre justice, modalité qui s'est répandue de par le monde. Au fur et à mesure que l'on s'éloigne des événements, les conditions d'établissement de la vérité par les juges se modifient et leur travail s'apparente toujours davantage à celui de l'historien. À Nuremberg, il n'était pas nécessaire de rappeler l'atmosphère d'une guerre qui était dans chaque esprit et présente dans le paysage en ruines de la ville. D'où le recours aux historiens et aux archives, puisqu'il n'y a parfois plus de témoin.
      Historians take a keen interest in the trials of the major Nazi criminals. Firstly because they are part of history. Two of them, the major Nuremberg trials and that of Adolf Eichmann in Jerusalem are constantly referred to and have been the origin of new legal standards, concepts and stereotypes. The historians' role therein has been negligible.It is essential to distinguish two types of justice which apply to the actors of history. A transitional form of justice which is part of the means enabling the transition from a state of war to one of peace and the (re)construction of a harmonious ‘living together', whether it be between States after a war between nations, or living together in the same state after a civil war. Thus the Nuremberg trials are now part of the history of international law and of the implementation of a new international order after World War Two. Desmond Tutu and Nelson Mandela were instrumental in setting up the Truth and Reconciliation Commission which is an innovation in rendering justice – a method which has spread throughout the world.As we move further away from the events in time, the conditions for establishing the truth by judges change and their work becomes increasingly comparable to that of historians. In Nuremberg, it was not necessary to recall the atmosphere of a war; it was in everyone's thoughts and omni-present in the devastated landscape of the town. This explains the resort to historians and to archives since there are sometimes no more witnesses.
    • La science à la barre - Rainer Maria Kiesow p. 199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La relation entre droit et science forme une histoire complexe. Le droit, une science ? La science, un combat d'arguments comme dans le droit ? Et la vérité là-dedans ? De nos jours les illusions et les espérances dans le domaine du droit et des sciences se trouvent radicalisées par la prolifération des expertises scientifiques dans les procès. La question de la science dans le droit ou du droit dans la science est ainsi procéduralisée dans un champ de lutte qui voit nécessairement à la fin une décision surgir. Cette décision juridictionnelle ne peut être qu'ignorante de la vérité scientifique car le juge tranche dans une nuit de non-savoir que le scientifique expert ne pourra pas éclairer, sauf s'il se mettait lui-même à la place du juge. Ce serait la fin du droit, l'incertitude enfin tuée. La vérité aurait gain de cause. Mais avec la vie humaine, qui est disputée dans les procès, s'agit-il d'avoir (scientifiquement) raison ?
      The relation between law and science forms a complex history. Is law a science? Is science a battle of arguments like law? Where does the truth lie? Today illusions and hopes in the field of law and the sciences have been radicalised by the proliferation of scientific expertise in trials. The question of science in law or of law in science is thus subject to procedures in a struggle which will necessarily see a decision at the end. This judgement can only be one which is ignorant of the scientific truth because the judge decides in the dark, an ignorance on which the scientific expert cannot shed light, except if he were to put himself in the judge's seat. This would be the end of law, dealing a mortal blow to uncertainty. Truth would win the day. But with the human life which is at issue in the trials, is it a question of being (scientifically) right?
    • De quel(s) droit(s) la justice internationale est-elle faite ? : Deux moments de la constitution hésitante d'une justice de l'après-conflit - Sandrine Lefranc, Guillaume Mouralis p. 209 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article met en regard deux moments clés de (re)configuration d'une justice d'après-conflit : la naissance d'une justice pénale internationale pendant et après la Seconde Guerre mondiale (procès de Nuremberg) et le développement récent de la « justice transitionnelle ». Dans ces deux contextes, se noue une relation particulière entre pratiques professionnelles et savoir académique. De cette relation – largement négligée par la recherche jusqu'ici – dépend pour une part importante le type de réponse institutionnelle apportée à la question des crimes de masse.
      This article compares two key instances in the (re)-configuration of post-conflict justice: the creation of an international criminal justice after World War Two (the Nuremberg trials) and the recent development of Transitional Justice. In both these contexts a special relationship is established between professional practices and academic knowledge. It is this relationship – widely ignored by research to date – which to a large extent conditions the type of institutional response to the question of mass crimes.
    • L'Entretien
    • Le débat
  • Varia

    • La marge au centre : Sur les réseaux, la cocaïne et le crime transnational à Bissau - Henrik E. Vigh p. 289 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la récente prolifération du trafic de cocaïne à l'intérieur de – ou transitant par – la Guinée-Bissau, un petit pays d'Afrique de l'Ouest de la Haute-Guinée. En se fondant sur une étude ethnographique des réseaux de jeunes et des réseaux patrimoniaux à Bissau, la capitale du pays, cet article élucide les interactions existant entre les formations locales de pouvoir et les réseaux criminels internationaux. Il clarifie la manière dont Bissau s'est développée en une plateforme de transbordement pour la contrebande de cocaïne, permettant son acheminement depuis l'Amérique du Sud jusqu'en Europe, et montre comment les réseaux patrimoniaux locaux se sont ajustés au trafic de cocaïne, y voyant une formidable opportunité face à l'absence de perspective de développement économique. Cet article montre par conséquent la manière dont la Guinée-Bissau est passée du statut d'espace sordide de la marginalité géopolitique à celui de noyau central de la circulation mondiale des drogues.
      This article investigates the recent proliferation of cocaine trafficking in and through Guinea-Bissau, a small West African country on the Upper Guinea Coast. Taking its point of departure in an ethnographic study of youth and patrimonial networks in Bissau, the country's capital, the article elucidates the interplay between local formations of power and global criminal networks. It clarifies how Bissau has developed into a transhipment hub for the smuggling of cocaine from Latin America to Europe, and shows how local patrimonial networks have adjusted to the cocaine trade as a golden opportunity in a place of otherwise barren prospects. The article thus shows how Guinea-Bissau has gone from being an abject space of geo-politically marginality to becoming a central node in the global movement of drugs.
    • Discriminations : égalité, reconnaissance et retours du refoulé - François Dubet p. 315 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'expérience des discriminations ne dépend pas seulement de l'intensité des discriminations subies : elle dépend aussi de leur enchâssement dans les inégalités sociales et des conceptions de la justice sociale qu'ont les individus. Cette expérience est d'autant plus vive que les individus adhèrent à l'égalité des chances méritocratique. Mais les personnes discriminées réclament, à la fois, un traitement égalitaire équitable et une reconnaissance de la dignité des identités qui appellent les discriminations. Cette double logique n'a pas les mêmes conséquences sur la société majoritaire : le combat pour l'égalité s'inscrit dans le modèle méritocratique majoritaire alors que la demande de reconnaissance met à mal les conceptions dominantes de la « nature » et de la nation qui fondent les cadres de la vie sociale ordinaire.
      The experience of discrimination does not depend uniquely on the intensity of the discrimination suffered: it also depends on it being embedded in social inequalities and on the conceptions which people have of social justice. This experience is further sharpened by the fact that people adhere to the meritocracy of equality of opportunity. But those who suffer discrimination demand both equitable equality of treatment and a recognition of the dignity of the identities which are the source of the discrimination. This dual rationale does not have the same consequences on the majority society: the struggle for equality is in line with the meritocracy model of the majority whereas the demand for recognition creates difficulties for the dominant conceptions of ‘nature' and the nation which are the basis of the framework of ordinary social life.
  • Droit de suite

    • Démocratie de l'espace public - Nilüfer Göle p. 351 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article présente une analyse du mouvement du parc Gezi à Istanbul en 2013, et l'inscrit dans une réflexion plus générale et transversale sur les nouveaux mouvements de contestation, des printemps arabes aux indignés en Europe. L'auteur défend la thèse selon laquelle le mouvement du parc Gezi est à comprendre comme la réinscription du personnel dans l'espace public, une réinscription ancrée dans des micro-pratiques et dans une politique de la vie quotidienne. En ce sens, il est loin de se présenter comme un mouvement politique organisé. La place publique devient le lieu d'habitation de nouvelles formes d'expressions subjectives et de contestations globales. Les nouveaux imaginaires démocratiques sont déployés par le biais des performances personnelles, de l'art visuel et de l'usage de l'humour. L'art devient une partie intrinsèque d'une nouvelle culture publique contestataire et créative dans la mise en scène d'une nouvelle citoyenneté.
      The article presents an analysis of the Gezi Parc movement in 2013 and situates it in a more general and transversal reflexion on the new forms of contestation, ranging from arab spring to indignatos in Europe. The author defends the thesis according to which the Gezi Parc movement should be understood as the re-inscription of the personal in the public space, anchored in micro practices and politics of the every day life. In this sense, it does not present itself as an organized political movement. The public place, the public square becomes a place of habitation for new forms of personal-public expressions and global contestations. New democratic imaginaries are deployed by means of visual arts, individual and collective performances and the use of humor. Art becomes an intrinsic part of a new public culture and creative contestation in the enactment of new forms of citizenship in the public square.
    • La politique brésilienne dans une nouvelle ère ? - Bernardo Sorj p. 367 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les mobilisations de juin de l'année dernière ont lancé dans la rue des milliers de manifestants dans les villes du Brésil, en prenant par surprise tous les analystes politiques. Cet article ne prétend pas réaliser une description détaillée des événements. Notre objectif est d'analyser de manière critique les deux clés d'interprétation qui ont cherché à expliquer ce qui est arrivé. La première, dominante dans les médias et les commentaires des chercheurs en sciences sociales, a expliqué les manifestations par l'émergence d'un nouvel « acteur », les réseaux sociaux, manifestations qui se seraient caractérisées par leur imprévisibilité, leur décentralisation, et leur spontanéité. La seconde a cherché à appliquer les catégories de classes sociales et surtout la division droite / gauche, afin de comprendre les raisons et les orientations des manifestants.
      In June last year thousands of demonstrators took to the streets in the cities of Brazil in protest mobilisations which took all political analysts by surprise. This article does not attempt to give a detailed description of the events. Our aim is to make a critical analysis of the two key notions in the interpretations which endeavoured to explain what happened. The first, which dominated in the media and the comments of social science researchers, explained the demonstrations by the emergence of a ‘new actor', the social networks, which were characterised by their unpredictability, their decentralisation and their spontaneity. The second attempted to use social class categories and primarily the right/left division to gain an understanding of the reasons and orientations of the demonstrators.
    • La violence refusée des indignados espagnols - Jérôme Ferret p. 375 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article ne propose pas à proprement parler une étude de la mobilisation des « indignés » espagnols. Nous souhaitons simplement nous inscrire dans le sillage du numéro 2 de cette revue et éclairer un point particulier mais central évoqué en introduction du numéro, celui de la violence (Larzillière, Petric, Wieviorka, 2013 : 12). Nous nous centrons donc sur la gestion de la violence par les « indignés » espagnols, à la fois à l'intérieur de la mobilisation entre des usual suspects, des activistes potentiellement violents et des unusual suspects issus pour leur part d'autres mondes sociaux, et vers l'extérieur, ce qui suppose d'analyser dans une perspective constructiviste la politique médiatique des leaders « indignés » qui façonne la perception et le cadrage du mouvement mais aussi la politique de l'État et des acteurs répressifs.
      This text does not purpose a study of the Spanish “indignados” mobilization. We just want to clarify a particular focus mentioned in the introduction of the issue 2 of Socio about the violence (Larzillière, Petric, Wieviorka, 2013: 12). This paper only wants to focus on the management of violence by “indignados”, both inside mobilization between what Diani (2011) defines as usual suspects, potentially violent activists and unusual suspects from other social worlds and outward implying a constructivist perspective to analyze both the media policy of leaders shaping the perception and framing of movement but also the political, the State and law enforcement actors.
  • Résumés / Abstracts

    - p. 393
  • Biographies des auteurs

    - p. 406