Contenu du sommaire : La radicalité ouvrière en Europe

Revue Quaderni Mir@bel
Numéro no 84, printemps 2014
Titre du numéro La radicalité ouvrière en Europe
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • La radicalité ouvrière en Europe : polysémie des termes et disqualification politique - Geoffrey Geuens, Jeremy Hamers p. 5-11 accès libre
    • Corporate personhood as inhuman: the paradigm of asbestos cases and Dracula - Bennett Carpenter, Frans-Willem Korsten p. 13-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Partant d'un arrêt de la Cour Suprême des Pays-Bas qui fait suite à une plainte introduite par un ouvrier de l'amiante, ce texte interroge le déséquilibre originel qui sous-tend toute relation entre deux personnalités radicalement différentes, l'ouvrier et l'entreprise, dont la première est dotée d'une identité physique alors que la seconde ne l'est pas. Cet article propose d'analyser quelques tenants et aboutissants en termes de responsa­bilité, d'héritage et de subsistance, de cette inégalité qui fonde le champ de tension entre l'instance employante et celui qu'elle emploie. Plus particulièrement, la figure romanesque de Dracula, dont le succès est contem­porain de l'émergence de l'entreprise commerciale, sert ici à problématiser l'étrangeté pourtant culturellement assimilée de cette instance hybride qui s'est imposée en tant qu'absolue nécessité et monstruosité tout à la fois: une combinatoire d'anthropomorphisme et de sa plus simple négation.
      On the basis of a recent verdict of the Dutch Supreme Court known as the “Asbestos-arrest”, this article reflects on the original unbalance which underlies every relation and conflict between a worker and a corpora­tion, both embodying two but radically different forms of personhood. To question this fundamental inequality in terms of accountability, subsistence and identity, this text argues that the figure of Dracula, which had its first heyday simultaneously to the emergence of the business corporation, captures this inequality in such a way that the issue is both addressed as problematic and made acceptable, revealing further on a smokescreen that hides the real problem: a corporation is non-human and thus, contrary to the worker, can't be killed. ?
    • Communiste, social révolutionnaire, antisémite : D'un usage détourné de la radicalité ouvrière par les mouvements terroristes d'extrême gauche allemands - Martin Jander p. 27-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours des années soixante-dix, plusieurs groupes terroristes d'extrême-gauche voient le jour en Alle­magne. Par leurs actions et leurs communiqués, les fondateurs de ces groupes tentent de se placer dans le sillage de la tradition de la radicalité ouvrière profondé­ment ancrée dans l'histoire allemande depuis le début du vingtième siècle. Malgré leur volonté de mobiliser les ouvriers et de recruter de nouveaux membres dans les sphères laborieuses, ils ne parviennent pas à initier un front de lutte commun. En retournant aux racines idéologiques de cet échec, cet article conteste l'idée communément admise que les groupes terroristes d'extrême-gauche allemands étaient avant tout so­ciaux-révolutionnaires et marxistes. Un retour précis aux premiers déterminants idéologiques de la gauche extra-parlementaire démontre en effet qu'un rattache­ment à la tradition de la radicalité ouvrière a, en réalité, servi à taire les tendances nationalistes, communistes d'État et antisémites que cette même gauche avait héritées du régime Est-allemand des années cinquante.
      In the seventies, several leftwing terrorist groups emerged in the FRG. Their different statements and some of their concrete actions were indicative of their founders' desire to put themselves in the wake of a deeper German tradition of the “Arbeiterradikalismus” (“workers' radicalism”). But despite the attempts of these groups to ring up collectivities of workers, no real collaboration between the terrorists and the work­ers occurred. Building on a history of the origins of these attempts (in the extra-parliamentary opposition e.g.), this article challenges the idea, German leftwing terrorism should mainly be seen as a social revolution­ary Marxist movement. Further on, it shows that these attempts were made to hide a real link of German leftwing terrorism to nationalist, communist and anti-Semitic ideas that first came up 1950-1953 in the GDR and which were partly adopted by some parts of the extra-parliamentary opposition in the FRG. ?
    • Luttes ouvrières et années de plomb en Italie : de la centralité ouvrière à l'occultation du conflit - Andrea Cavazzini p. 41-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « séquence rouge » italienne des années 1960-1970 est un banc d'essai fondamental pour l'étude des processus de radicalisation ainsi que des procédures organisées de leur refoulement. Cette intervention reconstruit le contexte d'origine et le développement des luttes ouvrières entre 1962 et 1969, précédé d'une phase d'exploitation extrêmement brutale, et étudie l'essor de la violence qui débouchera sur les « années de plomb » à partir de la dynamique bloquée du conflit social. En outre, l'étude de la reconstruction fantasma­tique de la séquence permet de cerner les dispositifs de construction d'une histoire officielle dont la visée est l'effacement du conflit comme horizon immanent et possibilité permanente des rapports sociaux.
      ?The Italian “Red Sequence” of the sixties and seventies can serve as a fundamental testing ground for the study of the radicalization processes and their denying. This article first aims at reconstituting the background that gave rise to the worker's struggle between 1962 and 1969. It subsequently analyzes the emergence of politi­cal violence that led to the Italian “Anni di piombo” (“Years of Lead”). Further on, the study of recent nar­ratives shows that the official historiography of those years feeds a denial of the conflict as a possible and lasting dynamic in social relations. ?
    • Italy and Greece, before and after the crisis: between mobilization and resistance against precarity - Alice Mattoni, Markos Vogiatzoglou p. 57-71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En examinant les formes de mobilisation et de résistance contre la précarité en Italie et en Grèce, avant et après la crise économique, cet article montre comment les mouvements de protestation impliquant des travailleurs précaires se sont progressivement transformés dans ces pays. D'une part, les actions les plus récentes entreprises par les travailleurs précaires visent à renégocier les modalités de leurs activités syndicales et politiques au sein même de leur espace de travail. D'autre part, le répertoire des actions est aujourd'hui plus large que dans le dernier cycle des mobilisations. Alors que les actions de protestation ont longtemps tenu le premier rôle, on assiste en effet depuis quelques années au développement d'actions moins controversées telles que la fourniture de services aux travailleurs précaires et la relance du mutualisme pensé comme modalité de résistance à la crise économique.
      ?This article discusses the forms of resistance and mobilization against precarity in Italy and Greece, before and after the economic crisis, showing how the protests involving precarious workers have undergone a gradual transformation in these two countries. On the one hand, the most recent actions organized by precari­ous workers seek to renegotiate the terms of their union and political activities within their own workspace. On the other hand, the repertoire of actions has become larger than in the last cycle of mobilizations which was characterized by protest, due to the emergence of less controversial set of actions such as the provision of services to vulnerable workers and the recovery of mutualism thought. ?
    • La radicalité politique au bout du travail : du suicide des ouvriers aux suicides en série des employés - Grégory Cormann p. 73-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En tant qu'il entraîne la fin de tout engagement, le suicide de l'ouvrier apparaît a priori comme l'acte de lutte le plus dépolitisé, tant dans les discours média­tiques que syndicaux. Partant du suicide d'un ouvrier métallurgiste du bassin sidérurgique liégeois, cet article entend passer outre à cette dépolitisation en réinscri­vant d'abord l'engagement fatal du corps de l'ouvrier dans une écriture active de l'histoire – la disparition se fait alors paradoxalement antidote contre l'oubli – ; en envisageant ensuite cet engagement autodestructeur et solitaire du corps comme un geste de reconstruction et de réappropriation d'une identité collective contestée par la violence sociale à laquelle le suicidaire tente d'apporter une ultime réponse.
      Since it interrupts every minimal possibility of social struggle, the suicide of the worker is commonly con­sidered by both the media and the trade unions as an apolitical act. Taking the recent suicide of a Belgian metallurgist as a starting point, this article questions the approach of the suicide as a pathologic reaction, by first considering this fatal act as a part of an active and mili­tant historiography (the disappearance thus becomes paradoxically a way of preserving a memory) ; second by understanding this self-destructive and solitary act as an action of reconstruction and reappropriation of a collective identity, the latter being exactly the target of a social violence the worker tries to deal with in a constructive way. ?
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