Contenu du sommaire : Le travail contre nature ?
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 80, hiver 2014 |
Titre du numéro | Le travail contre nature ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Le travail contre nature ? Syndicats et environnement
- Éditorial - Romain Felli, Fabrice Flipo, Anahita Grisoni, Edouard Morena p. 7-12
- Le mouvement des « green bans » : Pouvoir ouvrier et militantisme environnemental dans l'Australie des années 1970 - Verity Burgmann, Romain Felli p. 13-23 L'arme ultime des syndicats de travailleurs reste le refus de travailler. Dans les années 1970 en Australie, cette arme a été utilisée par des syndicats radicalisés afin de faire avancer des causes qui dépassaient largement l'intérêt immédiat de leurs membres et mettaient en avant la « responsabilité sociale et environnementale du travail ». En décrétant des boycotts pour raisons écologiques, sociales et urbanistiques, le syndicat de la construction à Sydney a créé une forme inédite de lutte écologique radicale en provenance de la classe ouvrière.
- Les causes environnementales en Égypte : De l'échec de la politisation par le haut au succès des mobilisations par le bas - Clément Steuer p. 24-33 L'Égypte – du fait des graves problèmes de pollution auxquels elle est confrontée, et de la vigueur des luttes sociales qui rythment son actualité depuis désormais une bonne décennie – a connu des modalités originales d'articulation des causes sociales et environnementales. Alors que la stratégie de politisation par le haut des questions écologiques, portée par le parti des Verts (Hizb Al-khodr) depuis la fin des années 1980, a rapidement fait long feu, on a vu se multiplier ces dernières années, dans un contexte de montée de la contestation politique et sociale, des mouvements de protestation localisés rassemblant de larges secteurs de la population autour d'enjeux environnementaux. L'un de ces mouvements, organisé à Damiette en 2008, a même pu acquérir une visibilité nationale et obtenir en quelques mois d'importantes concessions de la part du gouvernement.
- Les débats sur le « développement durable » au Brésil et en Argentine : l'émergence d'une perspective de transformation sociale - Bruno Dobrusin, Edouard Morena p. 34-43 L'Amérique latine s'appuie depuis plusieurs années sur un modèle de développement extractiviste, que l'arrivée des partis de gauche au gouvernement ne remet pas en cause. Bruno Dobrusin tente ici de donner quelques explications du soutien dont jouissent ces politiques, notamment chez les syndicats. Il met en avant les possibilités alternatives explorées par la Confédération des travailleurs Argentins (CTA), et met en évidence leurs limites.
- Organisation du travail et politique nucléaire - Larry Savage, Dennis Soron p. 44-50 Larry Savage et Dennis Soron nous dévoilent dans cet article que la question du nucléaire n'est pas spécifiquement française. Il se produit autour de cet outil un attachement assez particulier, qu'on trouve dans peu d'autres domaines, mis à part peut-être la terre. Les auteurs montrent aussi que les réserves sont ancrées dans la perspective bien concrète de pouvoir perdre son emploi.
- Improbables mais fécondes : les rencontres entre scientifiques critiques et syndicalistes dans les « années 1968 » - Renaud Bécot, Céline Pessis p. 51-66 Ce qu'il est convenu d'appeler le « consensus fordiste » désigne un régime économique reposant notamment sur une forte croissance, obtenue au moyen de « la science », générant des gains de productivité qui étaient largement partagés avec les travailleurs. Comme le présentent d'autres articles dans ce numéro cet arrangement institutionnel a joui d'une forte légitimité, engendrant ainsi une grande stabilité. Les années 1968 sont en France et dans d'autres pays industrialisés le moment d'une remise en cause qui à certains égards pouvait être jugée salutaire. Les formes concrètes prises par les mouvements sociaux ont conduit des populations habituellement séparées à se rencontrer et à échanger. Renaud Bécot et Céline Pessis examinent le cas des scientifiques critiques et des syndicalistes et exposent l'existence de différents lieux de rencontre, de la santé au travail aux alternatives rurales.
- L'évolution des dissonances du syndicalisme français aux prises avec l'énergie électronucléaire et sa critique sociale - Mikaël Chambru p. 67-77 Après avoir retracé l'engagement des syndicats dans le processus de nucléarisation de la France, Mikaël Chambru propose d'étudier l'évolution des relations d'interdépendances entre les organisations syndicales et la mouvance antinucléaire. Tout d'abord, il décrypte la brèche introduite dans cet engagement par l'irruption du phénomène antinucléaire au tournant des années 1970. Ensuite, il retrace les dissonances provoquées au cours des décennies suivantes par les processus croisés de convergence et de discordance entre ces deux protagonistes contestataires. Enfin, il explore les potentialités contemporaines d'une convergence ouvrant la voie d'une transition vers une société postnucléaire.
- Le CHSCT-environnemental au croisement du droit à la santé et des mobilisations environnementales - Louis-Marie Barnier p. 78-86 Parmi les revendications de la CGT figure l'élargissement à l'environnement du champ de compétence des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), annonçant la prise en charge de cette dimension par les militants de terrain. La nouvelle loi d'avril 2013, qui crée un droit d'alerte environnemental pour les CHSCT ouvre à une telle perspective. C'est autour de la perception de l'environnement comme une donnée fondamentale de la santé au travail que s'opère cette jonction entre syndicalisme et écologie. Mais ceci exige du syndicalisme une transformation profonde de sa relation avec la société, quand il accepte le regard social sur les conditions et objectifs de production, lorsqu'il considère le mouvement associatif comme des partenaires dans sa confrontation avec les employeurs, ou en envisageant la santé au travail comme composante de la santé publique. Cet article se conclut par la nécessité pour le syndicalisme de se penser comme mouvement social.
- Solidaires, syndicat de transformation sociale et écologique : Entretien avec Annick Coupé - Simon Cottin-Marx, Fabrice Flipo p. 87-99 Annick Coupé est une figure emblématique du milieu syndical. Elle a été longtemps la porte-parole de Solidaires, une organisation créée dans les années 2000, avec la volonté de construire un instrument de lutte, à la différence des grandes centrales qui tendaient à la cogestion ou l'accompagnement. Plus ouvert que d'autres sur les questions écologiques, l'entretien avec Annick Coupé montre aussi les limites dans lesquelles peuvent être accueillies les revendications dans ce domaine, par un syndicat de salariés.
- CGT et RACF : tensions sur la transition écologique - p. 100-103 Nous présentons ici deux prises de position, l'une syndicale et l'autre associative, sur la question de la transition énergétique, afin de montrer concrètement comment s'organisent les argumentations. D'un côté la CGT, de l'autre le Réseau action climat France, qui est la plate-forme des associations qui luttent contre le changement climatique. Les points de tension sont manifestes, mais on devine des convergences possibles. On note du côté de la CGT un attachement au nucléaire, clairement récusé du côté associatif, et moins marqué du côté de la CFDT, comme l'indiquent en creux les critiques adressées par la CGT. Le fait de vouloir baisser la consommation d'énergie est envisagé avec méfiance par la CGT, alors qu'il est la clé de l'autre côté. On note dans le communiqué associatif l'absence de toute considération explicite relative aux conditions de travail (formation etc.) dans lesquelles la transition énergétique aurait lieu, ce qui ne peut que nourrir la méfiance du côté syndical. L'association veut des objectifs généraux ambitieux mais se soucie assez peu des conditions humaines qui permettraient de le rendre possible. Des convergences pourraient sans doute se nouer sur les questions de transition, en s'inscrivant dans une perspective de long terme.
- L'engagement écologique des syndicats au prisme de la division Nord-Sud - Nora Räthzel, David Uzzell, Fabrice Flipo p. 105-110 Les syndicats du Nord sont mieux dotés, plus riches, plus industrialisés et tendanciellement plus éloignés de l'environnement que leurs homologues du Sud, sans que cette observation soit une règle absolue. Placés dans des conditions plus difficiles, moins dépendants de l'industrie pour leur mode de vie, les syndicats du Sud adoptent plus facilement des positions de rupture envers l'ordre capitaliste. Les alliances avec les écologistes se trouvent aussi facilitées par le fait que cet écologisme est souvent agrarien, composé de mouvements qui considèrent la nature comme un outil de travail essentiel, à la différence des écologismes du Nord qui sont généralement plus urbains.
- La stratégie syndicale d'une « transition juste » vers une économie durable - Romain Felli, Dimitris Stevis p. 111-118 Romain Felli et Dimitris Stevis retracent l'origine de la stratégie de « transition juste », que l'on trouve désormais très présente dans les prises de position syndicales, de l'échelle internationale à l'échelle locale (nationale). Ce mot d'ordre rappelle qu'en matière de transition écologique les changements peuvent tout à fait ne pas être « justes », les patrons peuvent par exemple utiliser le chantage à l'emploi pour obtenir des conditions de travail dégradées, au motif de l'écologie. Les auteurs mettent enfin en évidence l'existence de trois grandes stratégies syndicales, face à la question écologique : faire entendre la voix des travailleurs, défendre le rôle de l'État, perçu comme porteur de meilleures conditions de travail, et en appeler à un changement des modes de vie.
- Un nouveau syndicalisme : ralentir l'engrenage de la production - Brian Obach, Anahita Grisoni p. 119-131 Brian Obach met ici en scène la théorie de « l'engrenage de la production » (treadmill of production) de Allan Schnaiberg. Elle repose sur l'idée que la production est un processus dans lequel une diversité d'acteurs trouve son compte, et contribue donc à l'alimenter : l'État y trouve des recettes, les actionnaires des profits, les travailleurs des revenus. Mais dans le même temps cette même production dévore littéralement la planète, avec les conséquences que l'on connaît. Comment en sortir ? Obach ne croit pas aux mouvements de justice environnementale, qui sont importants mais resteront localisés et fragmentés. D'après lui, les mouvements de travailleurs incarnent la meilleure opposition à ce processus.
- Syndicalisme et écologie : en pratique : Table ronde avec Anabella Rosemberg (CSI) et Bernard Saincy (CGT) - Fabrice Flipo, Anahita Grisoni, Edouard Morena p. 132-151 Bernard Saincy est président d'Innovation sociale conseil, cabinet tourné vers le secteur associatif et l'économie sociale et solidaire. Ancien syndicaliste CGT qu'il a représentée au Grenelle de l'environnement en 2007, il a participé aux nombreuses réunions tenues à cette occasion entre les représentants syndicaux et les associations environnementales. Il est aujourd'hui un observateur des tendances à l'œuvre dans les mouvements environnementaux et syndicaux et des alliances qui peuvent s'y nouer. Anabella Rosemberg est responsable des questions d'environnement et de santé au travail à la Confédération syndicale internationale (CSI), elle a participé au sommet de Rio sur l'économie verte en 2012.
Thème et Livre
- Chili 1973. « On a décidé de faire la lutte armée » : Entretien avec José Maldavsky - Simon Cottin-Marx p. 153-166 Quand est-ce que la lutte armée est légitime ? C'est à partir de cette question qu'a été réalisé cet entretien avec José Maldavsky. Il partage avec nous une partie de son parcours : du Chili d'Allende à la résistance contre la dictature de Pinochet.
- À propos du livre de Simon Lemoine, Le sujet dans les dispositifs de pouvoir, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 - Jean Zaganiaris p. 167-168
- Chili 1973. « On a décidé de faire la lutte armée » : Entretien avec José Maldavsky - Simon Cottin-Marx p. 153-166