Contenu du sommaire : Simulations de négociation : quels apports pour la recherche et la pratique ?

Revue Négociations Mir@bel
Numéro no 22, juillet 2014
Titre du numéro Simulations de négociation : quels apports pour la recherche et la pratique ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Simulations de négociation: quels apports pour la recherche et la pratique ?

    • Pourquoi rejouer Copenhague ? Ouvrir le débat sur les apports des simulations pour la recherche, la formation et la pratique des négociations - Sébastien Treyer p. 5-16 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En s'appuyant sur l'exemple d'une simulation des négociations climatiques internationales organisée à Sciences Po en 2011, cet article vise à explorer les différents types de liens entre recherche, pratique et simulations des négociations, et à ouvrir un espace de débat sur les questions théoriques, méthodologiques mais aussi déontologiques que de tels liens posent. À partir d'un état du débat sur les retombées scientifiques potentielles des simulations, et d'une analyse des principales questions analytiques soulevées par la simulation à vocation à la fois pédagogique et heuristique organisée à Sciences Po, cet article propose des questions structurantes pour le débat sur les liens entre simulation, formation, recherche et pratique des négociations, et introduit les quatre articles de ce dossier.
      Using the example of a simulation of international climate negotiations organized in Sciences Po Paris in 2011, this article explores the different interactions between simulations, research and real negotiations. It thereby aims at opening a space for debate on theoretical, methodological but also deontological questions raised by these interactions. It first presents a state of the debate on potential scientific lessons to be drawn from simulations, and an analysis of the main analytical questions arising from the simulation organized in Sciences Po, that had both a pedagogical and heuristic aim. It then defines key questions structuring the debate on links between simulations, education, research and the practice of negotiations. It finally presents the four articles of this special issue.
    • Réaliser la gravité d'enjeux abstraits à travers une simulation : comprendre COP-RW comme un rite de passage - David Goutx p. 17-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis plus de trente ans, des simulations sont organisées pour former les négociateurs aux subtilités des relations internationales. Bien conçues, elles permettent aux joueurs de faire l'apprentissage des mécanismes de la négociation, d'acquérir des expériences fictives de référence et de s'exercer à la mobilisation de ces compétences complexes, dans des situations réalistes.Le rôle pédagogique joué par les émotions dans l'engagement des joueurs dans la simulation est bien connu : apprentissage efficace et mémorisation à long terme des compétences acquises.Toutefois, ces analyses confrontant l'évaluation des joueurs avant et après le jeu ne rendent pas compte de ce qui se passe pendant le jeu, et ce faisant, ne nous éclairent pas sur ce que les joueurs apprennent du déroulement de la simulation elle-même. La plupart des participants à ces simulations, expriment d'ailleurs leur frustration face à ce qu'il reste du jeu quand le jeu cesse. Nous tentons dans le présent article de rendre compte de cette « matière noire » de la simulation qui échappe aux observations ante post d'une simulation.Après avoir montré que COP-RW fut plutôt une simulation qu'un jeu pédagogique, nous analysons comment le jeu a malgré tout traversé et débordé la simulation, et comment sa fidélité à la réalité a créé un « espace de liminalité » ouvrant pour la plupart des joueurs des perspectives sur les enjeux de la négociation sur le changement climatique et sur eux-mêmes. Nous montrerons que ces joueurs ont vécu COP-RW comme un rite de passage leur permettant de saisir et d'assumer une responsabilité à agir.
      For more than thirty years now, simulations have been organized to train negotiators in the subtleties needed for international relations. If well thought, they enable players to experience the ins and outs of negotiation, to acquire some frame of reference in a fictional setting and to get used to mobilising these skills in realistic situations. The role played by emotions in the involvement of players in the simulation is well known: a better learning experience and a longer term retention of the skills learned. However, these analyses contrasting the players' evaluations before and after the game, do not give an account of what happens during the game and thus give us no clue about what the players learn of the evolution of the simulation itself. Most of the participants in these simulations express their frustration even at how little is left of the game itself once it ceases. We are trying, in this article, to portray as faithfully as possible the simulation's “dark matter” which is not taken into account by any of the usual methods when testing the effectiveness of a simulation. After showing how COP-RW was more a simulation than a pedagogical game, we analyze how the dynamics of gaming transformed the simulation and how its adherence to reality created a “liminal space” opening new perspectives for most players on the stakes of these negotiations, climate change and themselves. We will show that the COP-RW participants perceived this simulation as a rite of passage, enabling them to take on and fully assume their responsibility to act.
    • Can Games Really Change the Course of History? - Lawrence Susskind, Todd Schenk p. 29-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les exercices de simulation sous forme de jeu de rôle (SJR), et les jeux sérieux en général, peuvent être des outils puissants de formation, dans des situations très diverses, qu'il s'agisse d'enseignement ou de négociations à très forts enjeux. Dans certains cas, elles peuvent avoir un impact sur le résultat de négociations réelles. Cependant, selon notre expérience, les exercices de simulation SJR ne peuvent avoir un tel impact qu'à certaines conditions : elles doivent être réalistes et refléter la dynamique des situations réelles ; un animateur compétent doit activement aider les participants à assimiler les résultats de la simulation ; les participants doivent avoir partagé des instructions générales qui établissent le contexte et des instructions spécifiques confidentielles leur permettant de jouer leur rôle de manière appropriée ; et surtout, les exercices de simulations doivent être joués par les participants aux négociations réelles. Même quand les exercices de simulation n'ont pas d'impact sur les négociations réelles, elles peuvent produire des enseignements cruciaux et transmettre des compétences importantes en matière de négociation.
      Role-play simulation (RPS) exercises, and serious games in general, can be powerful educational tools in a wide range of situations, from the classroom to the high-stakes negotiating table. In some situations, they can even alter the outcome of real-world negotiations. However, in our experience RPS exercises can only have a direct impact on actual negotiations when certain conditions are met: They must be realistic and reflect the dynamics of the real-world situation; a skilled facilitator must be on hand to help the parties digest the outcomes; participants should have shared ‘general instructions' that establish the context and role-specific ‘confidential instructions' that help them play their roles properly; and, importantly, exercises should be played by the actual participants in parallel real-world negotiations. Even when RPS exercises do not impact real-world negotiations, they can convey critical insights and teach important negotiation skills.
    • The Interaction between Negotiation Research and Simulations: The Caucasus and the Nagorno-Karabakh Conflict - Charlotte Hille p. 41-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En s'appuyant sur des expériences d'un cours universitaire, cet article analyse comment des jeux de simulation peuvent produire une valeur ajoutée par rapport aux techniques traditionnelles d'enseignement à l'Université, en combinant théorie et expérience pratique comme outil d'apprentissage. L'échange entre littérature scientifique et pratique, entre étudiants et praticiens en formation continue, est au cœur de ce cours. Une autre spécificité de ce cours repose sur la combinaison entre professeurs qui enseignent les aspects académiques et intervenants invités qui conduisent les négociations de paix pour leur propre pays. À la fin du cours est organisé un jeu de simulation sur la négociation et la médiation dans le conflit insoluble sur le statut du Nagorno Karabakh, situé dans la région du Caucase. Ce conflit peu connu met aux prises de multiples parties, telles que des États, un État de facto, et des organisations internationales intergouvernementales. Ce conflit met en jeu également des différences culturelles telles que l'ethnicité, la langue, et l'histoire avant et pendant la période soviétique. Des médiateurs professionnels sont impliqués en tant que superviseurs pendant la simulation. Celle-ci consiste en 10 sessions parallèles de 30 étudiants chacune. Ceci permet de produire des résultats différents, à partir du même cas de négociation, et de les comparer entre eux avec les étudiants, dans un objectif d'apprentissage.
      Based on experiences from an academic-level course, this article analyses how simulation games can offer an added value to the traditional teaching methods at University, combining theory and practical experience as a learning tool. Central in this course is the exchange between literature and practice, between regular students and practitioner students. Another aspect that is unique in this course is the combination of professors who teach the academic aspects of the course with guest lecturers who are conducting the peace negotiations on behalf of their country. At the end of the course a simulation game on negotiation and mediation in the intractable conflict over the status of Nagorno Karabakh, situated in the Caucasus, takes place. In this little known conflict multiple parties are involved, such as states, a de facto state and international intergovernmental organisations. Cultural differences as ethnicity, language, and history before and during the Soviet Union play a role in the conflict. Qualified mediators are involved as supervisors during the simulation. The simulation consists of 10 parallel sessions of 30 students each. This makes it possible to have different outcomes, based on the same negotiation case and compare the outcomes of the negotiations with the students as a learning tool.
    • Simuler les résultats des concertations environnementales - Guy-El-Karim Berthomé p. 53-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les résultats qui peuvent être atteints à l'issue des concertations environnementales intéressent politiques et gestionnaires (Ansell et Gash, 2008). Les exercices de simulation sont un moyen d'amener les parties prenantes de ces processus à mieux anticiper leurs trajectoires et leurs issues possibles. À la différence des outils de simulation d'accompagnement plus qualitatifs, les outils de simulation mathématiques parviennent plus difficilement à faire la preuve de leur adéquation avec ce que l'on observe sur le terrain. Cet article présente un modèle de simulation mathématique fondé sur des données de terrain, qui constitue une avancée en la matière. En effet, la capacité de ce modèle à reproduire par simulation l'issue des concertations constatée sur le terrain est validée sur plusieurs cas d'étude.
      Politicians and administrators are interested in the outcomes that can be achieved at the end of participatory planning processes (Ansell and Gash, 2008). Simulation exercises are a way to allow stakeholders to visualize the potential paths and outcomes of these processes. But unlike the more qualitative support tools of simulation, the mathematical models of simulation are still unable to demonstrate their adequacy for field observations. We are presenting a field funded model that should be a step forward in this regard, insofar as its ability to digitally reproduce the observed outcomes of environmental collaborative management processes is validated by several case studies.
    • Sécurité psychologique des participants et apport des simulations de négociation pour la recherche et la pratique : des objectifs irréconciliables ? - Laurence de Carlo p. 69-80 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce dossier spécial a réuni cinq articles d'auteurs français, néerlandais et états-uniens qui se sont penchés sur un thème peu traité dans le champ de la négociation : l'apport potentiel des simulations de négociations à la recherche et à la pratique. Chaque article a développé une analyse approfondie d'expérience(s) de simulations complexes. Dans cette conclusion, je vais soulever une dimension abordée de manière plus ou moins explicite et directe dans ces articles, soit la sécurité psychologique des participants aux simulations. Il ne va donc pas s'agir ici d'une synthèse du dossier spécial mais plutôt d'une mise en lien des articles dans une problématique particulière.
      French, Dutch and US authors contributed to this special issue through five articles. They developed a new theme in the negotiation field : the added value of simulations for research and practice. Each article developed a deep analysis of one or several complex experiences. In this conclusion, I will discuss the psychological security of simulations' participants. This approach to analysis was treated in a more or less explicit and direct way by the authors. Therefore, this conclusion is not a summary account of the special issue. It creates links between the articles through a specific question.
  • Varia

    • Négocier dans l'espace carcéral : la relation entre détenus et surveillants en maisons d'arrêt - Fatima El Magrouti p. 81-96 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des négociations entre détenus et surveillants structurent le quotidien carcéral. Sans elles, l'ordre pénitentiaire serait probablement imparfait voire impossible. L'objectif est de parvenir à aménager les règles de détention de sorte que les détenus bénéficient de conditions d'incarcération plus favorables et les surveillants le calme dans leur quartier de détention. L'article détaille ces négociations, risquées mais nécessaires au maintien de l'ordre carcéral.
      Negotiations between inmates and prison guards structured daily prison life. Without them, the prison order would probably be imperfect or impossible. The aim is to adjust the rules of detention so that prisoners enjoy more favorable conditions of incarceration and guards their quiet in cellblock. This article details these negotiations, risky but necessary to maintain the prison order.
    • Compromis et renoncement - Yves Lichtenberger p. 97-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entre la guerre et l'arrangement implicite, le compromis instaure une nature particulière de relations sociales. Il dessine un espace et un temps où l'acteur qui s'y engage s'accepte comme appartenant à un monde pluriel, partie prenante d'une histoire qui le dépasse, ni seul ni tout puissant, ni soumis ni impuissant. Aussi est-il important, au-delà de la description des processus d'échange et de négociation, de mettre l'accent sur ce qui caractérise plus profondément le compromis : un travail de reconfiguration identitaire et un dispositif d'orientation conjointe d'un futur commun entre partenaires opposés.
      Between war and implicit arrangement, the compromise creates a special kind of social relations. He designs a space and a time when the actor who commits accepts himself as belonging to a plural world, involved in an history which exceeds him, neither alone or omnipotent, nor subjected or powerless. It is therefore important, beyond the description of exchange and negotiation process, to emphasize what characterizes him deeper: an identity reconfiguration work, and a device of joint orientation of a common future between opposite partners.
    • « Un processus créatif dans lequel les communautés qui habitent dans des mondes différents vont pouvoir identifier une action compossible, c'est-à-dire possible dans chacun de leur monde » - Jean-Nicolas Bitter, Christian Thuderoz p. 111-120 accès libre
    • Le « troc à la muette » : une forme première de négociation - Guy-Olivier Faure p. 121-137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si toute négociation ne peut s'affranchir de communication, cette dernière n'implique pas inévitablement des échanges verbaux entre les parties. La nécessaire convergence peut être réalisée par d'autres moyens, notamment par la mise en œuvre d'un processus incrémental d'ajustement. Cet article analyse comment certaines parties, dans un contexte de défiance mutuelle, voire d'hostilité réciproque, peuvent néanmoins parvenir à un accord. Ce type de négociation connu sous l'appellation de « troc à la muette » (dumb barter) est en lui-même un paradigme doté d'une rationalité spécifique. Il est caractérisé par une asymétrie du rapport de forces, des différences culturelles majeures et enfin une difficulté logistique extrême pour atteindre le lieu physique de l'échange dans le cadre d'un processus à haut risque. Parfois appelé « échange silencieux », ce type de transaction a pu être observé dans différents endroits de la planète, notamment en Afrique de l'Ouest, et ce pendant plus de deux millénaires. Encore pratiqué de nos jours en certains lieux, il s'agirait du plus vieux mode d'échange connu à ce jour. Ce troc improbable mais qui a fait la preuve de son efficacité dans la longue durée permet de projeter un éclairage singulier sur la nature même de la négociation.
      Negotiation requires communication, but not necessarily verbal exchanges. Adjustments can be achieved incrementally by other means. This article will examine how some parties have managed to strike a deal in situations characterized by total distrust and even hostility, asymmetric power relations, major cultural differences, extreme logistical difficulties in reaching the place in which the trade is to be made, and several additional process risks by employing a type of bargaining known as “dumb barter.” This process presents a distinct paradigm with a specific and unique rationale. Sometimes called “silent trade,” it has been observed in many places (especially West Africa) for more than two millennia. It may well be the oldest form of trade negotiation and is still practiced in some parts of the world. An examination of this unlikely but real and effective process can also provide negotiation theorists with some useful insights into the fundamental nature of negotiation.