Contenu du sommaire : Varia

Revue Raisons Politiques Mir@bel
Numéro no 56, décembre 2014
Titre du numéro Varia
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Varia

    • Deux sophismes à propos des personnes morales - Philip Pettit, Deniz Ozyildiz, Benjamin Boudou p. 5-23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article identifie puis critique deux sophismes, ou erreurs de raisonnement, qui peuvent émousser la consternation que nous devrions sentir devant le scénario d'un monde entièrement privatisé. Ces deux erreurs s'appliquent aux entreprises, mais touchent plus généralement notre compréhension de ce qu'est et ce que fait une personne morale. La première erreur consiste à dire que les personnes morales ne sont pas plus que des réseaux d'accords relativement stables avantageux pour les parties contractantes. L'erreur ou le sophisme se trouve dans la supposition que l'idée que les personnes morales constituent des agents comme vous et moi n'est pas à prendre au sens propre. Le second sophisme implique une erreur inverse. Il part du principe que les personnes morales sont bien des agents comme vous ou moi, et qu'à ce titre elles peuvent revendiquer les droits que nos lois attribuent aux personnes physiques. D'une part l'auteur défend l'idée que les personnes morales sont des agents– agents qui ont des capacités typiques des personnes naturelles – et qu'en tant que tels ils nous posent des problèmes politiques particuliers. D'autre part, sous peine de trahir l'idée d'égalité entre les individus, l'auteur montre qu'il ne faut donner aux personnes morales que les droits qui sont dans l'intérêt des personnes naturelles. Les personnes morales ne peuvent avoir aucune revendication propre.
      Two fallacies about corporations This paper seeks to identify and criticize two fallacies or mistakes that might dull our sense of dismay at the scenario of a fully corporatized world, weakening our commitment to guard against it. These two fallacies apply to commercial bodies but more generally to our sense of what is and what do corporate bodies. The first fallacy is that corporations are networks of individual – to – individual, relatively enduring arrangements, and they exist because of serving the contracting parties better than more regular, episodic contracts. The mistake or fallacy here is the assumption, quite common in economics circles, that there is no literal sense in which corporations constitute agents like you and me. The second fallacy is common within legal rather than economic traditions of thought and involves an error of the opposite kind. It holds that corporations are indeed agents like you and me, not just impersonal contractual arrangements. But it maintains that they are personal agents and that they have a just claim to the rights that our constitutions give to natural persons like you and me. The authors argues against the first fallacy that corporate bodies are agents – agents indeed that have capacities characteristic of natural persons – and that they do raise a challenge for us as citizens who have to make our lives in their company. Against the second he argues that, on pain of betraying the ideal of individual equality, we should only give corporate bodies the rights that it is in the interest of the community of natural persons to bestow; they do not have any independent claims in their own name.
    • La représentation politique et les « effets de subjectivation » : Comment poser la question de la légitimité démocratique après le tournant constructiviste ? - Lisa Disch, Rostom Mesli, Benjamin Boudou p. 25-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article pose la question suivante : comment construire un critère normatif adapté au tournant constructiviste des théories de la représentation ? Pour répondre à cette question, je prends appui sur la recherche empirique menée aux États-Unis sur le policy feedback qui élargit la réflexion à propos de la légitimité démocratique. Plutôt que de s'interroger sur la nature de la relation entre les représentants et les représentés (est-elle concrètement adéquate, délibérative, suffisamment réactive, etc. ?), ce travail se concentre directement sur les « effets de subjectivation » créés par les actes de représentation, sur la manière dont ils se forment, renforcent ou affaiblissent certains groupes politiques.
      Political representation and “subjectivation effects”: Posing the question of democratic legitimacy after the constructivist turn. This article poses the following question: how to construct a normative criteria following the “constructivist turn” in theories of political representation. To respond to this question, I take direction from empirical research conducted in the United States on “policy feedback” which broadens the scope of inquiry into democratic legitimacy. Rather than focus on the quality of the relationship between representative and represented (e.g. empirically adequate, deliberative, responsive), this work directs attention to the “subjectivation effects that acts of representation create – to their formation and empowerment or disempowerment of political groups.
    • Passion de la langue et reconnaissance - Astrid von Busekist p. 49-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose trois paradigmes pour comprendre les politiques de la langue : l'utilité, la domination, la passion. Chacun de ces paradigmes correspond à des préférences politiques en France, en Europe, aux États Unis. La situation linguistique idéale ou juste est une situation de non-domination : elle peut être obtenue par une conjugaison sensible entre les paradigmes de l'utilité et de la passion, et notamment par une gestion multilingue dans les institutions intermédiaires : l'école, l'entreprise, les associations citoyennes. La démocratie linguistique demande que la parité de participation, quelle que soit la langue, l'emporte sur l'exigence d'apprentissage de la langue nationale ou officielle.
      Passion for language and recognition This article explores three approaches to language policies. Utility, domination, passion. Each paradigm matches policy preferences and political contexts in France, the US and the EU. (Linguistic) non-domination is assumed to be the ideal linguistic situation ; my claim is that it can be achieved through a mindful balance between utility and passion, in particular through a multilingual management in intermediary institutions (schools, workplace, civic associations). Linguistic democracy requires that parity of participation trumps unifying language policies.
    • Claude Lefort, pratique et pensée de la désincorporation - Gilles Bataillon p. 69-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment présenter l'oeuvre de Claude Lefort et tenter d'en donner une vue d'ensemble alors que celle-ci court sur plus d'un demi siècle et aborde des thèmes et des auteurs en apparence très variés ? Quel fil lie les différents moments de son oeuvre, comment s'est–elle construite, comment la lire aujourd'hui ? Par delà leurs singularités et les différences entre les sujets abordés Lefort pratique tout au long de son oeuvre un même style de pensée. Son souci de juger et de trancher entre le vrai et le faux, le juste et l'injuste, va de pair avec la volonté de faire droit à la complexité et à l'ambiguïté des phénomènes et des oeuvres qu'il interroge.
      Claude Lefort. Practice and thought of disincorporation
      How to present Claude Lefort's work and offer an overview, even if brief, of more than a half century of topics and authors quite different in appearance? What is the thread uniting the diverse moments of his work? How it was constructed ? How to read it currently? Beyond the singularities and discrepancies among the topics approached, Lefort adheres throughout his work to a constant way of thinking. His concern to judge and to choose between the true and false, the just and the unfair, goes hand in hand with the will to describe straightforwardly the complexity and ambiguity of phenomena and the works he interrogates.
    • De l'« éthique du care » à la « société du soin » : la politisation du care au Parti socialiste - Jean-Michel Chahsiche p. 87-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au printemps 2010, la première secrétaire du Parti socialiste défend dans une interview au journal Mediapart une « société du soin » qu'elle fonde sur l'éthique du care théorisée par la psychologue américain Carol Gilligan. La violence des réactions qui suivent cette première mention médiatique du care en France conduit à une série de prises de position publiques des acteurs de l'introduction initiale du concept en France. Alors que les introducteurs académiques initiaux dénoncent la « misogynie » des élites intellectuelles, politiques et médiatiques françaises et « l'amateurisme » du PS dans son utilisation du care, les artisans de la politisation du concept tentent d'apporter des correctifs aux premiers échos médiatiques. L'article se concentre sur la séquence de politisation du care au PS : nous reviendrons sur l'investissement politique du concept dans le cadre du Laboratoire des idées socialistes afin de rendre compte des formes et logiques de la soumission des intellectuels à la commande politique (1) par lesquelles les significations attachées à la notion de care se transforment radicalement (2) : éthique féministe opposée à la fois à la tradition déconstructiviste du féminisme français et à la théorie de la justice de John Rawls, le care devient au PS l'instrument théorique d'une rénovation de l'État-providence autour de la mission de services publics personnalisés.
      From “Ethic of Care” to “Welfare Society”: politicization of the ethic of care in French Socialist PartyIn an interview for on line newspaper Mediapart in spring 2010, First Secretary of the French Socialist Party Martine Aubry promotes a “society of care”, rooted in the ethic of care theorized by American scholar Carol Gilligan. Facing violent reactions in newspapers following this interview, actors of the introduction of the ethic of care in France adopted two distinct positions: the actors of the academic reception denounced the “misogyny” of the French political and intellectual elites as well as the “amateurism” of the PS on the matter, whereas actors of the political receptions tried to fix misunderstandings in the first public reactions. The paper focuses on the political sequence of the introduction, particulaly on the political investment of the ethic of care in the think tank Laboratory of socialist ideas. By looking into forms and processes through which scholars accept to submit themselves to a political command (1), one can highlights how the meanings of the ethic of care are radically transformed, depending on the social fields it is invested in (2) : first opposed to deconstructivist tradition of French feminism and John Rawl's theory of justice, the ethic of care becomes the theoretical instrument of a new conception of the welfare State in the Socialist Party.
  • Lecture critique

  • Recensions critiques