Contenu du sommaire : États neutres et neutralité dans la Première Guerre mondiale - II
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 160, janvier-mars 2015 |
Titre du numéro | États neutres et neutralité dans la Première Guerre mondiale - II |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
États neutres et neutralité dans la Première Guerre mondiale - II
- La fin d'une illusion ? Le droit de la neutralité maritime à l'épreuve de la Première Guerre mondiale - Éric Schnakenbourg p. 3-18 Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, le droit de la neutralité est un sujet de réflexion important. Des conférences internationales permettent de définir un cadre légal devant assurer la sauvegarde des droits des non-belligérants dans un futur conflit. Mais dès août 1914, les parties en guerre commencent à prendre des mesures portant atteinte aux droits des neutres et de la neutralité. L'extension des marchandises comprises dans la catégorie de la contrebande et l'établissement d'un blocus particulièrement rigoureux rendent très difficile la pratique de la navigation et du commerce neutre. Si le droit de la neutralité tel qu'il existait en 1914 a bel et bien été violé, il ne disparaît pas et demeure une référence tout au long du conflit. En fait, le cadre juridique de la neutralité est soumis à l'épreuve du défi technologique et de l'intensité de la guerre moderne qui révèlent davantage ses carences que sa nullité intrinsèque.In the years preceding World War One, the law of neutrality was key topic. International meetings defined a legal framework which guaranteed the safeguarding of the rights of non-belligerents in a forthcoming conflict. But as early as August 1914, the warring parties started to adopt measures which directly harmed the rights of neutrals and the law of neutrality. The growing number of merchandises considered as contraband and the measures relating to a particularly strict blockade hindered the practice of neutral shipping and trade. If the law of neutrality as it was defined in 1914 was well and truly violated, it did not disappear however and continued to be a reference throughout the war. The legal framework of neutrality had to face the ordeal of the improvement of technological warefare and of the unknown intensity of a modern conflict which revealed more its deficiencies than its lack of legal value.
- Des neutralités imbriquées : l'Italie et les Balkans (août 1914 - mai 1915) - Fabrice Jesné p. 19-38 Il est bien connu que la décision italienne d'entrer en guerre aux côtés de l'Entente résulte du choix d'un très petit groupe de décideurs. Le présent article se concentre en revanche sur les ambitions balkaniques de Salandra et de Sonnino (août 1914 – mai 1915). Les neutralités de l'Italie et des pays balkaniques sont imbriquées, car tous entendent choisir le moment de leur entrée en guerre en vue d'en retirer un profit maximal. En outre, l'Italie agit en garante de la neutralité de l'Albanie, en vue de protéger cette dernière des revendications de ses voisins. Contrairement à la neutralité de principe des pays du nord de l'Europe, celle de l'Italie est calculée, même si la majorité de la population italienne demeure opposée à l'entrée en guerre.It is a well known fact that Italy's decision to enter the Great War on the Entente's side emerged from a very restricted group of decision makers. This article focuses on the ambitions of Salandra and Sonnino in the Balkan area from August 1914 to May 1915. The neutrality of Italy and the Balkan countries were closely connected, since they all aimed at choosing the right moment for entering the war, in order to gain maximal profit from it. Moreover, Italy acted as a warrant of Albania's neutrality to protect it from its neighbors' territorial claims. As opposed to northern Europe countries, which remained neutral on principle, Italy chose to observe a carefully planned neutrality, although a majority of the Italian population remained strongly opposed to war.
- Fondements et modalités de l'impartialité du Saint-Siège pendant la Première Guerre mondiale - Jean-Marc Ticchi p. 39-51 Bien que le concept de « neutralité » soit fréquemment utilisé pour qualifier l'attitude du Vatican durant la Première Guerre mondiale, les contemporains ont reproché au pape son parti-pris pour l'une ou l'autre puissance. Cette incompréhension résulte de la position de « puissance morale » qu'occupait le Vatican dans le concert international et de son souci de demeurer impartial entre les parties au conflit, préférant condamner les crimes des belligérants de façon générale sans désigner l'un d'entre eux pour ne s'aliéner ni les opinions publiques ni les gouvernements.
- L'Espagne devant la guerre mondiale, 1914-1919. Une neutralité profitable ? - Jean-Marc Delaunay p. 53-69 L'Espagne n'a participé à aucune des deux guerres mondiales. Sagesse d'un pays naguère au cœur de l'histoire ou marginalisation d'une nation décadente, marquée par une guerre civile permanente et des aventures ultramarines incertaines ? La neutralité déclarée en 1914 ne fut une surprise pour personne, même pas pour la France et la Grande-Bretagne, ses partenaires coloniaux. Le royaume d'Alphonse XIII, qui dut travailler économiquement de façon quasi exclusive pour l'effort de guerre des Alliés occidentaux, fut aussi un champ clos de manœuvres en tous genres (espionnage, sabotage, corruption) où la propagande des belligérants se développa sur fond de division idéologique des autochtones. L'Allemagne – même vaincue – allait profiter assez largement d'une méfiance cordiale historique envers les Français et les Britanniques. L'après-guerre démontra que cette neutralité, affublée de multiples adjectifs, ne fut guère profitable à l'Espagne, sauf à ses financiers.Spain did not take part in either of the two World Wars. Was it a wise stance for a country which had been at the center of history for centuries or was Spain becoming a marginalized decadent nation, marked by an everlasting civil war and uncertain overseas conflicts? Its neutrality was declared in 1914 and was no surprise to France or Britain, its two partners in colonialism. The kingdom of Alphonse XIII, which was obliged to work economically almost exclusively for the Allied war effort, was also a closed field for manoeuvers of all kinds (spying, sabotaging, and corruption). In Spain the belligerents' propaganda developed along the ideological lines which already divided the Spanish. Even in defeat, Germany was to benefit widely from a historical hearty mistrust of the French and the British. Post-war years showed that this neutrality was not profitable to Spain, except for its financial circles.
- La neutralité scandinave durant la Première Guerre mondiale : un pari plutôt risqué ? - Maurice Carrez p. 71-93 Dans l'optique d'une guerre courte, le statut de pays neutre, réaffirmé par les trois États scandinaves en 1914, semblait constituer une protection suffisante. Mais avec le prolongement du conflit, le blocus naval imposé par les belligérants se durcit, provoquant dans ces pays une grave crise économique et sociale. La montée du mécontentement menaça aussi la stabilité politique. Néanmoins, cette situation entraîna une démocratisation progressive de ces pays, annonciatrice des grandes réformes des années 1930. La neutralité ne fut donc pas en soi une panacée, mais les difficultés éprouvées lors de la Première Guerre mondiale ouvrirent la voie à des transformations nécessaires.In the perspective of a short war, the three Scandinavian countries reaffirmed their commitment to neutral status, which seemed to be sufficient protection for them in 1914. Yet as the conflict dragged on, the naval blockade imposed by belligerents hardened, generating serious economic and social crises in the Scandinavian countries. Moreover, the growing discontent threatened political stability. However, this situation led to a gradual democratization of these countries, heralding the great reforms of the 1930s. Neutrality was thus not a panacea, but the difficulties experienced during World War I paved the way for necessary transformations.
- Les « buts de guerre » de la Perse neutre pendant la Première Guerre mondiale - Oliver Bast p. 95-110 Comme la Perse, qui s'est proclamée solennellement neutre au début de la Grande Guerre, est devenue malgré tout l'un des théâtres du conflit, l'historiographie la représente comme un pion dépourvu de toute volonté propre dans le jeu des puissances belligérantes. La consultation des sources persanes permet de dresser un tableau diffèrent. À l'inverse des analyses habituelles, cet article se propose d'examiner la politique étrangère poursuivie par la Perse durant la guerre ainsi que dans l'immédiat après-guerre sans traiter la partie persane en quantité négligeable. Il conclut que, loin d'avoir été des hommes naïfs et stupides, ou, pire encore, de simples instruments entre les mains des Britanniques, les diplomates persans de l'époque ont su habilement poursuivre une politique étrangère délibérée et concertée visant à la réalisation de buts de guerre, ou plutôt, de buts de paix, précis et très ambitieux.Although Persia had declared its neutrality at the beginning of World War I it soon became a battleground, which wreaked havoc on an already weak state. Persia's inability to prevent the violations of her neutrality means that the existing literature mostly focuses on the policies of the belligerent powers toward Persia, and not on Persia's own policy. This article draws on Persian sources in order to invert the prevailing perspective. Examining the responses of Persia's foreign policy makers to the severe war challenges that they faced, this articles reaches the conclusion that Persia's leading war-time statesmen, contrary to their usual portrayal, were neither helpless victims, nor the corrupt executive agents of foreign powers. They were shrewd tacticians aptly pursuing a concerted foreign policy aimed at attaining a set of clearly defined war, or rather, peace aims.
- Conclusions - Robert Frank p. 111-115
- Notes de lecture - p. 121-128
- La fin d'une illusion ? Le droit de la neutralité maritime à l'épreuve de la Première Guerre mondiale - Éric Schnakenbourg p. 3-18