Contenu du sommaire : Les agriculteurs dans la France contemporaine

Revue Sociétés contemporaines Mir@bel
Numéro no 96, 2014
Titre du numéro Les agriculteurs dans la France contemporaine
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction : Les agriculteurs dans la France contemporaine - Céline Bessière, Ivan Bruneau, Gilles Laferté p. 5-26 accès libre
  • L'embourgeoisement agricole : Les céréaliers du Châtillonnais, de la modernisation agricole à nos jours - Gilles Laferté p. 27-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À travers une étude de cas, marquée par la double originalité d'une revisite et d'une ethnographie collective, il s'agit de réévaluer la position sociale contemporaine de certaines franges des agriculteurs dans la structure sociale. En effet, l'étude s'intéresse non pas aux paysans empaysannés, ni à la bourgeoisie agricole établie de longue date, deux figures aux antipodes d'une catégorie socioprofessionnelle très éclatée, mais aux enfants de la modernisation agricole qui connaissent une mobilité sociale ascendante depuis plusieurs décennies. L'augmentation des revenus, du patrimoine à la fois foncier puis immobilier, l'occupation des postes politiques ou encore la modification de l'habitat, tout comme les choix scolaires des enfants, concourent à interpréter ce processus comme un embourgeoisement. Après la « dépaysannisation », l'embourgeoisement est défini ici comme un processus d'accumulation d'abord du capital économique puis du capital culturel et social, processus guidé par une reconnaissance de la légitimité d'un ordre social et du mode de vie des dominants.
    Agricultural Embourgeoisement Châtillonnais Grain Farmers, from Agricultural Modernization to this Day. Using a doubly distinctive case study consisting of both a revisit and collective ethnography, this article aims to reevaluate the contemporary social position of a particular minority of farmers in the social structure. The study is not concerned with the entrenched peasantry or the well-established farming bourgeoisie, the polar-opposite figures of a very fragmented socio-professional category, but instead with the children of agricultural modernization who have experienced ascendant social mobility since the 1950s. Rising income levels, the accumulation of land and housing, and holding elected positions, in combination with home renovations and choices made in their children's educations, lead us to interpret these processes as embourgeoisement. Following the period when farmers abandoned ways of farming marked by the peasant condition, here we define the ensuing embourgeoisement as a process of accumulation, first of economic capital then of cultural and social capital – a process guided by recognition of the legitimacy of a given social order and the lifestyle of the dominant classes.
  • Déplacement social et entrées en agriculture : Carrières croisées de deux jeunes urbains devenus maraîchers - Jean-Baptiste Paranthoën p. 51-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir du cas de l'installation de deux maraîchers issus de la « petite bourgeoisie parisienne », l'article se propose d'étudier les aménagements successifs et les modalités d'ajustement dans l'analyse de la mobilité sociale. À priori improbables, ces modes d'entrée « atypiques » en agriculture sont rendus possibles par la convergence de l'enseignement général et de l'enseignement agricole et leur valorisation par les membres contestataires de la profession agricole et des consommateurs attachés à la qualité des produits. La comparaison des deux carrières de déplacement fait apparaître l'importance de la contextualisation et de la périodisation des ressources mobilisées pour comprendre comment l'entrée en agriculture peut paradoxalement participer à prolonger l'indétermination des devenirs sociaux.
    Social Displacement by Entering the Agriculture. Crossed Careers of Two Ex- Urban People, Now Market Gardeners. Based on the case study of two market gardener's set up from the Parisian “petite bourgeoisie”, this article aims to study the successive “solutions” and adjustment modalities in the social mobility analysis. Thought as unlikely situations, these atypical ways of entry in agriculture are made possible by the convergence of general and agricultural fields of education and their optimization by agricultural professional challengers and consumers concerned about quality. The comparison of these two mobility careers highlights the importance of resources contextualization and periodization to understand how paradoxically, entrance in agriculture contributes to extend indeterminacy of futures.
  • Des exploitations agricoles au travers de l'épreuve du divorce : Rapports sociaux de classe et de sexe dans l'agriculture - Céline Bessière, Sibylle Gollac p. 77-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'augmentation des séparations conjugales touche toutes les catégories socioprofessionnelles, y compris les agriculteurs. Cet article s'appuie sur un corpus d'une vingtaine de dossiers judiciaires de divorces impliquant un agriculteur ou une agricultrice entre 2009 et 2011. Il examine les modalités selon lesquelles les exploitations agricoles résistent (ou non) au divorce. L'analyse se concentre sur les disparités entre agriculteurs. Les dossiers judiciaires de divorce témoignent de l'existence de groupes sociaux d'agriculteurs inégalement dotés en capitaux économiques, culturels et sociaux, au sein desquels les séparations conjugales n'ont pas les mêmes conséquences. L'article met également en lumière le fait que l'institution judiciaire ne reconnaît pas la contribution économique (productive ou aujourd'hui de plus en plus souvent financière) des femmes dans les exploitations agricoles. Ainsi, la perpétuation de la domination masculine, selon des modalités renouvelées, participe à la reproduction de rapports de classe dans l'agriculture.
    Can French Farms Get Over Divorces? Class and Gender in Agriculture. In France, the number of partnership dissolutions is rising in all social/professional groups, including farmers. This paper is based on a corpus of twenty judiciary files of divorces implying a male or female farmer between 2009 and 2011. We study how farms can get over divorces. The analysis focuses on disparities between farmers. Divorce judiciary files are a good place to observe the diversity of socio-economic positions of farmers who have uneven economic, social and cultural capitals to face the event of divorce and its consequences. The article also highlights the fact that family justice does not recognize female domestic partners' economic contribution to farms. This contribution is not only productive but more and more often financial today. Thus, masculine domination perpetuates itself, and contributes to the reproduction of class hierarchies in agriculture.
  • Des « paysans » chez les cheminots : Sorties partielles de l'agriculture et logiques distinctives en milieu industriel - Julian Mischi p. 109-136 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une enquête de terrain menée dans une région rurale française, cet article analyse la situation de cheminots issus de familles agricoles. À l'encontre de la confusion entre départ de la profession agricole et exode rural, il envisage une sortie de l'agriculture qui ne s'accompagne pas (ou peu) d'une mobilité géographique et éclaire l'interdépendance entre agriculteurs et ouvriers dans le même territoire. Analyser des trajectoires de cheminots issus du monde paysan dévoile l'aspect composite des socialisations populaires en milieu rural, marquées par des tensions entre héritages familiaux agricoles et sociabilités professionnelles industrielles. Après une mise en perspective socio-historique des processus de mobilités de l'agriculture vers l'industrie, nous analysons en quoi la proximité avec l'univers agricole alimente des jeux de réputation et des stratégies distinctives au sein d'un atelier SNCF et de son syndicat CGT. Une étude de cas vise ensuite à cerner les processus de socialisation ouvrière et militante d'un « cheminot paysan » devenu syndicaliste.
    “Peasants" Among Railway Men : Partially Leaving Farming and Distinctive Rationales in the Industrial Milieu. Based on field research conducted in a rural area of France, this article analyses the situation of railway workers from farming families. Going against the frequent tendency to lump departure from farming together with rural exodus, this article envisages a departure from farming without a (significant) geographical move and sheds light on the interdependence between farmers and workers in the same geographical space. Analyzing the trajectories of railway workers from farming backgrounds reveals the composite facet of rural working-class socialization, which is marked by tensions between family farming legacies and forms of sociability among industrial workers. After providing a socio-historical background on the processes of mobility between agriculture and industry, the article analyzes how proximity with the farming world feeds into reputation issues and particular strategies in a workshop of the SNCF (the French national train network) and in its union, the CGT. The case study that follows aims to tease out the socialization process, as worker and as activist, of a “farmer-railway man” who joined the union.