Contenu du sommaire : Qu'a-t-on appris sur la croissance cyclique ?
Revue | Cahiers d'économie politique |
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Numéro | no 67, automne 2014 |
Titre du numéro | Qu'a-t-on appris sur la croissance cyclique ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- What have we learned on growth cycles analysis ? - Michaël Assous, Muriel Dal-Pont Legrand p. 7-14
- Man and machine in macroeconomics - Kevin D. Hoover p. 15-34 Les aperçus historiques des manuels de macroéconomie tournent généralement autour de Keynes. Keynes est crédité d'avoir fondé la macroéconomie, et d'être à l'origine de ses principaux développements jusqu'au début des années 1970, y compris les grands modèles macro-économétriques habituellement qualifiés de « keynésiens ». L'histoire de la macroéconomie est ainsi pensée comme un moyen de renforcer ou de contredire Keynes (par le monétarisme ou la nouvelle macroéconomie classique, par exemple). En vérité, la véritable histoire est plus compliquée et comporte deux fils distincts. Keynes fut important, mais les premiers macro-économétriciens, Ragnar Frisch et Jan Tinbergen, se révélèrent peut-être plus importants encore. Frisch et Tinbergen recoururent à des métaphores physiques ou mécaniques dans lesquelles les quantités agrégées étaient primordiales. La vision qu'avait Keynes de la macroéconomie était plutôt « médicale ». Elle s'appuie sur la psychologie humaine et les décisions individuelles et elle considère l'économie comme un système organique. Alors que les décideurs et les conseillers économiques ne peuvent opérer, selon Keynes, que dans le système économique, Frisch et Tinbergen posèrent les bases d'une approche de contrôle optimal de la politique économique où le décideur se situe hors du système. La nouvelle macroéconomie classique a réalisé un amalgame déconcertant des métaphores médicale et mécanique.The potted histories of macroeconomics textbooks are typically Keynes-centric. Keynes is credited with founding macroeconomics, and the central developments in the field through the early 1970s, including large-scale macro-econometric models are usually termed “Keynesian.” The story of macro-economics is framed as support or opposition (e.g., by monetarism or the new classical macro economics) to Keynes. The real story is more complicated and involves at least two distinct threads. Keynes was important, but perhaps more important for the detailed development of the field were the early macro-econometricians – Ragnar Frisch and Jan Tinbergen. Frisch and Tinbergen adopted physical or mechanical metaphors in which aggregate quantities are central. Keynes's vision of macro-economics is better described as “medical.” It is based in human psychology and individual decision-making and sees the economy as an organic system. Whereas policymakers and economic advisers in Keynes view can operate only within the economic system, Frisch and Tinbergen laid the basis for an optimal-control approach to economic policy in which the policymaker stands outside the system. Recent new classical macro-economics has adopted an uneasy amalgam of the medical and mechanical metaphors. JEL classification : B22, B23
- Cycles « versus » growth in Schumpeter : A graphical interpretation of some core theoretical remarks - Niels Geiger p. 35-54 Les théories des cycles et de la croissance de Schumpeter comportent deux formes de superposition distinctes. La première est bien connue. Il s'agit de celle exposée sous forme graphique dans l'ouvrage Business Cycles [1939] correspondant à la superposition de différentes ondes, ou cycles, de périodes différentes. Bien que la connexion entre ces ondes d'ordres différents ne soit pas élaborée en détail, force est de constater qu'un élément de combinaison de la croissance (Kondratieff) et de mouvements cycliques, comme les cycles économiques « ordinaires » (Juglar), est bien présent.Un autre argument, plus rarement discuté encore dans la littérature, est la séparation technique stricte entre le trend de la croissance et les ondes cycliques dans les économies réelles. C'est un peu comme si l'interprétation générale de l'énoncé de Schumpeter était fondée sur la représentation graphique mentionnée précédemment. L'argument permettant de distinguer entre croissance sous-jacente d'un côté, et éléments cycliques de l'autre, est notamment avancé par Schumpeter dans deux articles [1927 ; 1935] qui ne donnent pas de représentation graphique des éléments clés de l'analyse. Cet article vise à proposer une représentation graphique détaillée et conforme au raisonnement de Schumpeter, de manière à mettre en évidence une possible imprécision présente dans Business Cycles.Schumpeter's business cycle and growth theory encompasses two distinct types of superposition. The first one is well known from its graphical representation provided in Schumpeter's Business Cycles [1939], namely the superposition of different waves or cycles of varying magnitude. There already is an element of combination of growth (Kondratiev) and cyclical movements such as “ordinary” business cycles (Juglar) here, although the connection between these waves of different order is not elaborated. Another point which is much more rarely discussed in the literature is Schumpeter's strict technical separation between a growth trend and cyclical waves in real-world economies. It appears as if the general interpretation of Schumpeter's statement here has also been influenced by the aforementioned graphical representation. The argument for the distinction between underlying growth on the one hand, and cyclical elements on the other, is put forward strongly in two papers [1927 ; 1935] especially, but lacks a graphical sketch of the core ideas by Schumpeter himself. The present paper aims at proposing just this by interpreting Schumpeter's logic, thereby illustrating the model in more detail and hinting at a possible inaccuracy in the Business Cycles graph.JEL classification : B15, B25, E32
- Modeling the interaction of cycles and growth in the fifties : two Schumpeterian attempts - Alain Raybaut p. 55-80 La macro dynamique d'après-guerre, considère généralement les cycles et la croissance, comme deux phénomènes distincts, ce qui implique l'existence d'une dichotomie stricte entre les analyses des dynamiques de court et de long terme. Dans cet article nous mettons l'accent sur deux exceptions des années cinquante : la tentative singulière de A. Smithies et l'approche de Goodwin. Ces deux contributions se réfèrent explicitement à la conception schumpétérienne d'une dynamique unifiée en termes de croissance cyclique modélisée à partir des avancées de l'analyse macroéconomique d'après-guerre. Cependant, elles ne parviennent pas à dépasser les difficultés inhérentes à une analyse unifiée des cycles et de la croissance, soulignées notamment par Pasinetti. D'un côté, l'introduction d'effet de cliquet dans la fonction d'investissement ou de consommation ne suffit pas, contrairement aux affirmations de Smithies à produire une explication endogène des cycles et de la croissance. D'un autre côté, l'approche non linéaire prônée par Goodwin ouvre une perspective prometteuse, mais sa démarche visant à combiner macroéconomie keynésienne et points de vue schumpétériens reste encore embryonnaire.In post-war macroeconomics, economic dynamics generally refers to two distinct phenomena, economic growth and business cycles, which implies the existence of a strict dichotomy between short run and long-run analysis. In this paper we focus on two original exceptions to this prevailing view during the fifties : the attempt made by A. Smithies using ratchet effects, and the nonlinear approach initiated by Goodwin. Both explicitly refer to Schumpeter's view on cyclical growth combined with postwar macroeconomic advances. However, they did not really succeed to overcome the major difficulties of a unified analysis of cycles and growth, stressed notably by Pasinetti in 1960. On the one hand, the introduction of ratchet effects into consumption or investment functions does not provide, contrary to Smithies's claim, an endogenous explanation of cycles and growth. On the other hand, Goodwin's nonlinear approach provides a promising perspective, but, in the fifties his attempt to connect a Keynesian framework with Schumpeterian insights remains rather tentative. JEL classification : B20, B16, B22, E12, E32
- Kuznets versus Kondratieff : An essay in historical macroeconometrics - Claude Diebolt p. 81-117 L'application de l'analyse spectrale au domaine cliométrique a été jusqu'à présent restreinte. Dans cet article, elle est employée pour déterminer, en comparaison internationale, la périodicité des séries du PIB sur le long terme. Après avoir rappelé la méthodologie spectrale (I), nous examinerons les séries retenues, le traitement de ces séries et les résultats de l'analyse cliométrique (II). Nous montrons ensuite les perspectives macroéconomiques de ce type d'approche et synthétisons un résultat majeur, à savoir l'existence d'un cycle intermédiaire unique de type Kuznets, en contradiction avec le discours académique relatif à la datation des fameux cycles de type Kondratieff.Spectral analysis has had limited applications in cliometrics to date. In this paper, it is used to determine, through international comparisons, the frequency of GDP series in the long run. A reminder of the spectral methodology (I) is followed by successive examinations of the series chosen, the treatment of these series and the results of the cliometric analysis (II). We show then the macroeconomic perspectives of this type of approach and we synthesise a new major result, i.e. the existence of a single intermediate Kuznets type cycle, in contradiction with the discourse around the dating of the famous cycles of Kondratieff type. JEL classification : B15, B16, B22, B23, B41, C1, C22, C32, C82, E01, E32, N10
- Circulation du capital et explication du changement économique chez Marschak, Frisch et Leontief - Amanar Akhabbar p. 119-157 Nous analysons une série de modèles macro-économétriques développés dans les années de haute théorie par Marschak, par Frisch et par Leontief. Ces modèles ont en commun de fonder l'explication de la croissance, des cycles et des fluctuations (le « changement économique ») sur l'analyse de la circulation des biens de capital entre les producteurs. Cette approche désagrège la fonction de production macro économique en introduisant plusieurs producteurs et plusieurs biens de capital. Nous montrons que ces modèles offrent deux explications du changement économique : l'une par la diffusion du changement technique à travers le réseau d'échanges entre producteurs ; l'autre par les problèmes de coordination dans la circulation du capital. JEL classification : B22, B23, B24, B25We analyze a series of macro-econometric models developed in the years of high theory by Marschak, Frisch and Leontief. These models share an explanation of growth, cycles and fluctuations (“economic change”), based on the analysis of the circulation of capital goods among producers. They disaggregate the macroeconomic production function so as to introduce multiple producers and capital goods. We show that these models offer two main explanations of economic change : one is based on the spread of technological change through the producers' exchanges network ; the other is based on the coordination problems between producers in the capital circulation process.
- The law of diminishing elasticity of demand in Harrod's trade cycle - Michaël Assous, Olivier Bruno, Muriel Dal-Pont Legrand p. 159-173 Roy Harrod [1936a] introduit la loi de l'élasticité de la demande décroissante dans son ouvrage The Trade Cycle. Dans cet article, nous nous proposons de clarifier le rôle que ce dernier assigne à cette loi dans son analyse du cycle économique. L'étude de ses fondements microéconomiques et macroéconomiques permet dans un premier temps de reconsidérer l'un des mécanismes “stabilisateurs” clés à l'œuvre au cours du cycle. Dans un second temps, l'analyse révèle la manière dont Harrod mobilise la loi de l'élasticité de la demande décroissante pour fonder micro-économiquement une fonction d'épargne non linéaire et ainsi, conclure au caractère contracyclique du multiplicateur de revenu. L'article fait finalement état des principaux commentaires dont la loi de l'élasticité de la demande a fait l'objet à la fin des années 1930.In The Trade Cycle, Roy Harrod [1936a] propounded the Law of Diminishing Elasticity of Demand. The present paper tries to clarify the precise role Harrod assigned to this law in his The Trade Cycle Theory. We discuss the micro and macro foundations of the Law of Diminishing Elasticity of Demand and argue that it explains one of the main mechanisms that stabilize the economy during the trade cycle. In addition, we highlight how the Law of Diminishing Elasticity of Demand allowed Harrod to micro-found a nonlinear saving function that can give rise to an endogenous countercyclical value of the multiplier. The paper concludes by reviewing the main arguments related to the Law of Diminishing Elasticity of Demand proposed in the late 1930s. JEL classification : B22, E32
- Growth as an objective of economic policy in the early 1960s : the role of aggregate demand - Johannes A. Schwarzer p. 175-206 Cet article traite des discussions du début des années 1960 concernant la détermination d'un niveau de demande optimal susceptible de maximiser le taux de croissance. Ce débat eut lieu dans le contexte de la guerre froide où les décideurs, notamment aux États-Unis, étaient tenus de réaliser des taux de croissance supérieurs à ceux de l'Union soviétique. Supposant qu'une maîtrise appropriée de la demande pouvait infléchir le cycle économique, la régulation et la décision du niveau de la pression de la demande étaient considérées comme un instrument majeur de la politique économique. Aussi, le débat a principalement consisté à déterminer si l'économie pouvait ou non fonctionner en présence de fortes pressions inflationnistes et des niveaux de demande élevés, favorables à la croissance, ou si un certain ralentissement de l'économie et des tendances déflationnistes constituaient une condition préalable à une trajectoire de croissance prospère.This paper sheds light on economic policy discussions in the early 1960s about whether there is an optimal level of demand to maximise the rate of growth. This discussion was influenced by the Cold War, which urged policy makers particularly in the USA to achieve higher rates of growth than the Soviet Union. As it was assumed that good demand management can damp the business cycle, regulating and deciding upon the level of demand pressure in the economy was regarded as an important tool for economic policy. The main debate therefore evolved around the question whether or not the economy should be run at high demand pressure and inflation to foster growth or if some slack in the economy and deflationary tendencies are a prerequisite for a prosperous growth path. JEL classification : B22, E61, O40
- Stabilization policies and banking behaviors: a rereading of Minsky's conception of business cycles - Eric Nasica p. 207-229 Cet article se veut une contribution aux débats actuels sur l'efficience des politiques de stabilisation économique à travers l'analyse de la conception de Minsky des cycles d'affaires dans ses tout premiers travaux à la fin des années 1950. Le propos de l'article se décline en trois étapes. Premièrement, il s'est agi de déterminer comment la conception des cycles économique chez Minsky a été influencée par des modèles non linéaires avec plancher et plafond développés par Hicks dans les années 1950. Nous pensons que ces modèles fournissent un cadre théorique adéquat à l'analyse minskyenne des politiques de stabilisation qui agissent comme des « systèmes de régulation » dont le but est de contrecarrer et contenir l'amplitude naturellement explosive des fluctuations économiques. De surcroît, ils permettent une meilleure compréhension de sa théorie de l'instabilité financière. Contrairement à l'interprétation largement répandue, l'hypothèse de l'instabilité financière de Minsky ne peut se réduire à une conception endogène et financière des fluctuations économiques fondée uniquement sur le comportement des agents économiques privés : les pouvoirs publics, à travers les politiques de stabilisation, jouent aussi un rôle central dans l'explication de la forme des cycles économiques (section 2).Deuxièmement, le rôle central joué par les banques dans l'analyse des fluctuations chez Minsky est souligné. Nous mettons l'accent sur le fait que le comportement des banques est essentiellement guidé par une recherche permanente d'opportunités de profit dans la tradition d'auteurs comme Tobin et Schumpeter. Cet aspect est primordial pour comprendre la conception des cycles d'affaires de Minsky puisqu'il fournit une explication de la manière dont les comportements des banques affaiblissent l'efficience des politiques de stabilisation et, en conséquence, la forme des fluctuations économiques (section 3).La troisième étape (section 4) évalue la pertinence de l'approche de Minsky pour comprendre les récentes politiques de stabilisation pré- et post-crise.The aim of this paper is to add to current debates on the efficiency of economic stabilization policies through an analysis of the conception of business cycles developed by Minsky in his earliest work at the end of the 1950s. The argument is developed in three steps. First, how Minsky's conception of business cycles is influenced by the nonlinear models with floors and ceilings developed by Hicks in the 1950s is discussed. These models provide a relevant theoretical framework for Minskyan analysis of stabilization policies which act as ‘thwarting systems' and whose purpose is to counteract and contain the naturally explosive amplitude of economic fluctuations. They allow a better understanding of his theory of financial instability. Contrary to the generally widespread interpretation, the Minskyan Financial Instability Hypothesis cannot be reduced to an endogenous and financial conception of economic fluctuations founded only on the behavior of private economic agents : public authorities, through their stabilization policies, also play a central role in explaining the form of business cycles (Section 2).Second, the central role played by banks in Minsky's analysis of fluctuations is highlighted. We emphasize that the behavior of banks is guided essentially by a permanent quest for profit opportunities in the tradition of such authors as Tobin and Schumpeter. This feature is crucial for understanding Minsky's conception of business cycles since it provides an explanation for how banks' behaviors undermine the efficiency of stabilization policies, and therefore the form of economic fluctuations (Section 3).The third step (Section 4) is an assessment of the relevance of Minsky's approach for understanding recent pre- and post-crisis stabilization policies. JEL classification : B22, B26, B41, E12, E32, E52, E63, G01, G21