Contenu du sommaire : Le patrimoine industriel
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 192, 2e trimestre 2014 |
Titre du numéro | Le patrimoine industriel |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial. Privé, Public, Surveillance - Michel Kail p. 5-10
Le patrimoine industriel
- Le patrimoine industriel : mémoire sociale ou produit innovant ? - Margaret Manale p. 11-14
- Quel patrimoine industriel pour quelle vision de l'histoire ? : Le cas de la Grande-Bretagne - Ophélie Siméon p. 15-30 Le présent article examine l'historicité de la notion de patrimoine industriel à travers l'exemple de la Grande-Bretagne, premier pays à l'avoir popularisé. À partir des années 1950, l'émergence de la notion et son acceptation croissante sur la scène internationale permettent de transcender les hiérarchies historiques et esthétiques, pour faire du bâtiment industriel un monument à part entière. Les politiques de patrimonialisation privilégient cependant des sites datant de la première révolution industrielle, en premier lieu sur des critères architecturaux. Ce faisant, elles entérinent une vision de l'histoire souvent idéalisée, concentrée sur l'âge d'or de l'industrialisation plutôt que son déclin, dont il convient d'interroger les ambiguïtés.The present article examines the notion of industrial heritage and its history in the British context where it first gained momentum. Emerging from the 1950s and gaining gradual acceptance on the international scene, the notion succeeded in subverting historical and aesthetical hierarchies, thus estabishling industrial sites as fully-fledged monuments. Heritage policies however focus mainly on landscapes dating back from the First Industrial Revolution, according to architectural criteria mainly. This tends to favour an idealistic view of history, eschewing the later phases of industrial decline in favour of a ‘golden age' – a vision whose ambiguities we need to assess.
- Les usines Völklingen, patrimoine sans mémoire ? - Margaret Manale p. 31-48 Les usines métallurgiques de Völklingen dans la Sarre ont été le premier site industriel intact à recevoir de l'Unesco, en 1994, le titre de « patrimoine mondial ». La place ainsi accordée dans la mémoire collective à ce lieu-témoin de la technique répond à son importance pour le monde d'aujourd'hui. Toutefois, le traitement muséologique de ce site et sa reconversion touristique ont conduit à escamoter quelques aspects pour le moins discutables de ce passé. En effet, pendant la seconde guerre mondiale, les usines fondées et exploitées par la famille Röchling à Völklingen ont été au centre d'événements qui ont valu à leurs dirigeants d'être condamnés pour crimes de guerre en 1949 : emploi d'une main d'œuvre d'esclaves, avec actes de violence barbare. Notre étude porte sur la distorsion entre la vision de l'histoire que les documents d'archives offrent de ce procès et celle, œuvre des héritiers, qui est aujourd'hui accessible à tous sur Internet.In 1994, the Iron and Steel Works at Völklingen in the Saar region of Germany became the first intact industrial site selected for the Unesco « World Heritage » list. The rank assigned this monument in collective memory is emblematic of the importance of technology in the modern world. However, museification and the touristic reconversion of this site have been instrumental in deflecting attention from a number of rather questionable aspects of its recent past. During the Second World War, this industrial complex, founded and exploited by the Röchling family, was the stage for events that led to the factory directors' being convicted for war crimes in 1949, on the grounds of having used forced labour with barbaric acts of violence. Our study concerns the discrepancies between the vision of history which derives from the archival material of the military trial and the most recent version of this same period presented online by the successors to the Völklingen Steel Works.
- La cheminée d'usine entre « totem et tabou » : effacement versus appropriation d'un symbole du passé industriel - Vincent Veschambre p. 49-68 À travers cet article, nous cherchons à montrer que les anciennes cheminées d'usine représentent un bon analyseur de la manière dont sont traitées les traces de l'activité industrielle. Premières exposées aux démolitions, bien souvent disparues de nos paysages urbains sous prétexte de mise en sécurité des sites, elles mobilisent dans certains contextes particuliers l'attention de promoteurs de la mémoire ouvrière et industrielle. Elles peuvent également être conservées comme artefact esthétisé et neutralisé dans certains quartiers aujourd'hui gentrifiés.
- Métamorphoses du capital et résurgences mémorielles : la patrimonialisation impossible de la Société Métallurgique de Normandie - Stéphane Valognes p. 69-90 Cet article revient sur le processus décisionnel ayant abouti à la démolition des installations productives de l'ancienne Société Métallurgique de Normandie, voici 20 ans, et la sauvegarde d'un réfrigérant comme « bâtiment mémoire ». L'objet de cet article est de donner à voir les jeux d'acteurs, les intérêts sociaux et économiques, ainsi que les catégories utilisées par les différents protagonistes, ayant abouti à l'absence de constitution d'éléments significatifs des installations productives en « patrimoine industriel ».This article examines decision making, twenty years ago, to destroy the unique steel industry plant in the West of France, the Société Métallurgique de Normandie. The objective of the article is to analyze social and economic interests, categories, and actors interactions leading to the absence of “ industrial heritage ” on this site, except a cooling tower.
- Patrimoine industriel et régénération urbaine en Italie : l'émergence de nouveaux paysages urbains - Massimo Preite, Ida Ricci p. 91-112 Les expériences de quatre villes italiennes illustrent le rôle essentiel joué par la requalification du patrimoine industriel dans la création de nouveaux paysages urbains : Sesto San Giovanni (province de Milan), Roma-Ostiense, Carbonia (Sardaigne) et Ivrea (province de Turin) constituent les cas d'étude pour évaluer, de façon comparative, quatre réponses différentes aux questions posées par la réutilisation des grands sites de l'industrie : le choix entre conservation et transformation, le rapport entre passé industriel et nouvelles fonctions, le rôle de la planification urbaine et surtout celui des architectes dans l'émergence d'images identitaires pour la ville de demain. Le succès de ces sites urbains reconvertis semble déterminé par la qualité des espaces publics créés qui bénéficie à la communauté locale et intègre le neuf à l'ancien, l'innovation à la tradition.The experiences of four Italian cities illustrates how important the reconversion of industrial heritage proves to be when creating new urban landscapes : Sesto San Giovanni (province of Milan), Roma-Ostiense, Carbonia (Sardinia) and Ivrea (province of Torino) are the cases compared here, each having given a different response to the questions that arise in the context of reusing major industrial sites : the choice of conservation or transformation, the relation between industrial history and the new functions assigned the site, the role played by city planning and above all that of the architects in designing images and identities for the city of tomorrow. The success of these reconverted urban sites seems to depend closely on innovating high quality public spaces for the local community, on integrating the new and the old, modernity and tradition.
- L'héritage patrimonial de l'uranium : de la trace à la mémoire disputée - Sophie Bretesché p. 113-126 L'héritage industriel des sites uranifères constitue une question disputée qui convoque le rapport à la trace laissée par l'exploitation et la gestion à long terme que requièrent ces territoires. Cet article interroge les enjeux liés à la reconnaissance d'un patrimoine spécifique concernant les anciennes mines d'uranium. En effet, la question de l'héritage de l'uranium convoque deux récits distincts. Tantôt, il s'agit de faire reconnaître le risque inhérent aux sites au travers des traces et des restes issus de la période industrielle, tantôt le patrimoine culturel s'avère sacralisé au titre de l'histoire nationale qu'il incarne. Ainsi, la patrimonialisation entre en tension entre le sacre d'une époque industrielle révolue et la reconnaissance des traces d'une exploitation invisibles sur le territoire. La qualification du territoire s'avère par conséquent relever d'un travail de mémoire au sens de Ricœur afin d'établir une médiation entre passé et présent.Industrial heritage of uranium mines is a sensitive question dealing with both traces issued from operations and long term management of territories. This paper investigates the recognition of a specific heritage issued from former uranium mines. Indeed, the issue of the heritage of uranium mines is debated with two stories. On the one hand, risks of territories are related to traces and remnants from the industrial period. On the other hand, the cultural heritage of territories is highlighted to be part of the national history it embodies. Tensions between the two perceptions of the territories conduct to the need of qualifying territories. A memory work, within the meaning of Ricœur may establish a mediation between past and present.
- Héritage industriel et mémoire sensible : observations sur la constitution d'un « patrimoine sensoriel » - Nathalie Simonnot, Daniel Siret p. 127-142 À travers diverses manifestations et expositions, la notion de « patrimoine sensoriel » fait aujourd'hui son apparition dans différentes formes d'expressions de la mémoire industrielle des villes. Elle repose sur l'hypothèse qu'il existerait des caractéristiques sensorielles liées aux activités présentes ou passées d'une ville, qui en constitueraient un trait identitaire et qui devraient dès lors faire l'objet d'une conservation et d'une diffusion spécifiques. Le présent article propose de discuter la pertinence du rapprochement de ces deux termes en apparence antinomiques. Dans une première partie, nous confrontons la notion de « patrimoine sensoriel » aux catégories classiques d'analyse du patrimoine, et nous montrerons à quel point il est difficile d'élaborer cette notion. Dans une seconde partie, nous analysons les opportunités qu'offre la notion de « patrimoine sensoriel » pour les politiques publiques et la promotion identitaire des villes et des territoires industriels, dans le contexte d'un certain repli nostalgique de nos sociétés.Through a variety of events and exhibitions, the concept of “sensory heritage” has appeared in several forms of expression of the cities' industrial memory. It relies on the assumption that there would exist sensory aspects of a city related to its past or present activities, which would constitute its identity and therefore be subject to a particular conservation and diffusion. This paper will discuss the connection between these two apparently opposite notions. In a first part, we will compare the concept of “sensory heritage” with the conventional categories for heritage analysis, and we will show how difficult it is to establish this notion. In a second part, we will analyze the opportunities offered by the concept of “sensory heritage” for public policies and the promotion of the identities of cities and industrial areas, in the context of some nostalgic closure of our societies.
- Anthropologie, patrimoine industriel et mémoire ouvrière : Vers une recontextualisation critique - Laurent Bazin p. 143-166
Hors dossier
- Déraison de la raison technique - Stephano Isola p. 167-196 Nous examinons certaines manifestations concrètes ainsi que des racines historiques du royaume de séparations établi par la raison technique comme condition préalable pour qu'il soit possible de concevoir chaque problème humain en termes purement techniques. Dans la déraison inhérent à ce processus messianique d'artificialisation se montre l'agonie de la société industrielle, qui cherche à se perpétuer à travers le renouvellement incessant des vieilles coercitions sociales ainsi que le développement des contraintes technologiques de plus en plus envahissantes.We examine some concrete demonstrations as well as some historical roots of the kingdom of separations established by the technical reason as a prerequisite to make it possible to design each human issue in purely technical terms. In the unreason inherent in this messianic artificialisation process shows the agony of industrial society, that seeks to perpetuate itself through the unceasing renewal of the old social coercions as well as concocting increasingly pervasive technological constraints.
- Verdi, Wagner, Politique et Opéra. Ruminations bicentenaires - Mitchell Cohen , Françoise Bagot, Michel Kail p. 197-206
- Déraison de la raison technique - Stephano Isola p. 167-196
Note critique
- Comptes rendus - p. 215-226
- Aux origines du transcendantalisme américain : un autre regard sur l'écologie d'aujourd'hui - Mathieu Blesson p. 207-214