Contenu du sommaire : Gouverner les hommes et les ressources. Dynamiques de la frontière interne

Revue Autrepart Mir@bel
Numéro no 30, 2004
Titre du numéro Gouverner les hommes et les ressources. Dynamiques de la frontière interne
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'organisation de la mobilité dans les sociétés rurales du Sud - Jean-Pierre Chauveau, Jean-Pierre JACOB, Pierre-Yves Le Meur p. 3-23 accès libre
  • Gouvernement de la nature et gouvernement des hommes dans le Gwendégué (centre-ouest du Burkina Faso) - Jean-Pierre JACOB p. 25-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article propose une analyse de la dynamique et des formes de production de l'ordre social chez les Winye du Burkina Faso, à partir d'une étude de la distribution des droits sur les ressources naturelles. Il montre que c'est à travers l'implantation d'autels liés à l'espace et d'un régime diversifié de la propriété faisant des ressources une possession à la fois commune et privée que se résolvent les questions d'action collective qui permettent la mise en place et la reproduction d'une société de la frontière.
    The article examines the dynamics and forms of production of the social order in the Winye of Burkina Faso. The analysis is based on a study of the distribution of rights over natural resources. Issues of collective action that allow a frontier society to establish itself and reproduce are shown to be resolved by means of setting up altars associated with a particular space and a diversified property regime that makes resources a possession that is at once common and private.
  • Lorsque le Far East n'était pas le Far West. La dynamique de l'appropriation foncière dans un ancien « no man's land » de basse Côte d'Ivoire - Jean-Philippe Colin, Georges Kouamé, Débégnoun Soro p. 45-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ce texte traite des conditions d'émergence et de transfert des droits sur la terre dans un contexte de véritable micro-frontière interstitielle, dont la colonisation s'est opérée en dehors du rapport autochtones/migrants qui tend à structurer la question foncière en Côte d'ivoire. L'analyse historique des conditions de la colonisation agricole montre que ce contexte ne renvoie cependant pas à un véritable vide institutionnel, dans la mesure où des principes partagés par les pionniers de différentes origines permirent de réguler l'accès initial à la terre. Par la suite, le caractère de frontière a facilité les transactions foncières, dans la mesure où le droit du pionnier sur la terre ne venait pas d'un héritage coutumier et lui permettait donc de disposer de la terre en tant que bien propre. Contrairement à ce que l'on observe fréquemment en zone forestière de Côte d'Ivoire, ces ventes de terre peuvent être considérées comme «complètes». Les conditions initiales d'accès à la terre (pas de détenteurs coutumiers de droits fonciers, pas de tutorat, droit fondé dans le défrichement), l'absence d'enjeu foncier autochtone et le caractère de ventes complètes des transactions foncières sont autant d'éléments qui contribuent à expliquer l'absence de remise en cause des droits fonciers, y compris dans le contexte socio-politique actuel.
    This paper deals with the way in which land rights and their transfer emerged in a context of interstitial microfrontier, whose colonisation process fell outside the autochthonous people/migrants relationship system which tends to govern land rights in Ivory Coast. Historical analysis of how agricultural colonisation took place shows that this context is not, however, linked to any real institutional vacuum, in that principles shared by the pioneers of different origins exert a regulatory effect on initial access to land. The frontier character has consequently facilitated land transactions, in that the pioneer's rights over land did not stem from any customary inheritance. It therefore enabled him to transfer land as his own property. Such land transactions can, in contrast to what is often observed in the forest zones of Ivory Coast, be considered as “full” sales. The initial conditions governing access to land (absence of customary holders of land rights, no trusteeships, rights founded on the fact of land clearance), the absence of any local land ownership issues and the nature of land transactions as outright sales are all factors that explain why these land rights are not called into question, even in the current socio-political situation.
  • La grammaire rituelle des hiérarchies : migrations et chefs de terre dans une société segmentaire (Burkina Faso) - Richard Kuba p. 63-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article se propose d'explorer la relation entre hiérarchie rituelle et droits fonciers dans un contexte régional qui a été peu influencé par les transformations du paysage politique de l'époque coloniale et est négligé par l'État national et les intervenants au développement. Face à une situation historique faite de forte mobilité, de fluidité et marquée par une logique inclusive, la société phuo faisait, et fait encore, usage d'une pluralité de ressources argumentatives dans les questions de maîtrise de la terre. Le principe du premier arrivé sur un lieu joue un rôle, ainsi que les relations hiérarchiques entre les lignages qui sont caractérisés par leur spécialisation rituelle. Ces spécialisations se transmettent par héritage en ligne paternelle. Mais certaines compétences peuvent être cédées et même mises en gage auprès d'autres lignages qui peuvent accéder par ces moyens au culte de la terre. Les différentes modalités de transfert du culte de la terre donnent à certains chefs de terre une légitimité précaire et contestée, comme c'est le cas dans l'étude de cas présentée dans cet article.
    The article explores the relation between ritual hierarchy and land rights in a regional situation which was little influenced by the political changes brought on in the colonial era and to which neither the State nor agents involved in development have paid much attention. Phuo society was faced with a historical situation marked by considerable mobility and fluidity, and by an ethos of inclusion. It used, as it still does, a wide stock of argumentative resources regarding jurisdiction over land. The principle of “first comer” at a given place plays a role, as do hierarchical relationships between lineages, who are characteristically highly specialised in their rituals. These specialisations are handed down the generations through the paternal line. However, certain competences can be transferred or even put up as pledges to other lineages who can gain access in this way to the cult governing land rights. The various modalities of transferring the cult of the land give some land chiefs a legitimacy that is unstable and contested, as in the case study described in this article.
  • Aux frontières du territoire. Idéologie territoriale et dynamiques foncières au Busoga (Ouganda) - Alain François p. 77-95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les logiques qui président à la construction du territoire et de la frontière s'inscrivent irrémédiablement dans le champ des idéologies. Ainsi, c'est à partir d'une étude de cas prise chez les Basoga du sud-est de l'Ouganda que nous entendons montrer le cadre conceptuel et métaphorique à partir duquel les populations socialisent la nature et construisent leurs imaginaires spatiaux et territoriaux au regard desquels prennent sens les rapports fonciers, et la signification que peut recouvrir dans ce cadre la « marchandisation » en cours de ces rapports. Une attention particulière est portée à l'impact de ces idéologies sur la gestion des friches agricoles, l'atomisation des unités de production, la recolonisation de terres abandonnées ainsi que sur les transactions monétaires et les contrats agraires.
    The logics that govern the construction of territory and frontier fall irrevocably into the sphere of ideologies. A case study conducted among the Basoga of south-eastern Uganda serves as a means of highlighting the conceptual and metaphorical framework on which basis populations socialise nature and construct their spatial and territorial imagination. This imagining structures land relationships and deeply influences the meaning that ongoing merchandisation of these relationships can embrace. Special attention is paid to the impact of these ideologies on the management of fallow land, the atomisation of production units, the recolonisation of abandoned land and on monetary transactions and agricultural contracts.
  • La réforme agraire mexicaine comme processus de frontière : Logiques d'autonomisation, ancrage de l'État et production institutionnelle dans la région des Tuxtlas - Éric Léonard p. 97-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Entre 1920 et le début des années 1980, la réforme agraire mexicaine a conduit à la redistribution de près de la moitié des terres du pays. Elle a aussi été au centre du processus de construction et de reproduction du système politique et de l'ancrage de l'État en milieu rural: sa mise en œuvre a permis la constitution de nouvelles collectivités paysannes et une recomposition des territoires politiques au profit de catégories d'acteurs qui cherchaient à s'émanciper des anciennes structures politico-foncières représentées par la communauté indienne et l'hacienda. Cet article décrit la situation de co-production de la politique foncière, en prise avec les logiques d'autonomisation des acteurs locaux, et sous des formes qui évoquent le processus de frontière interne analysé par Kopytoff dans les contextes africains. Il propose également un élargissement de ce modèle en accordant une attention particulière au rôle joué par l'État et ses représentants dans le déroulement du processus. La réforme agraire mexicaine peut être lue en effet comme résultant de deux logiques de frontière superposées: de la part des acteurs ruraux, la recherche de «frontières interstitielles» pouvant supporter les dynamiques de scission travaillant les communautés paysannes; et de la part de l'État, la construction d'une «frontière politique interne» lui permettant de placer ces communautés dans sa sphère de contrôle. Ces deux logiques se sont renforcées mutuellement jusqu'à ce que l'épuisement des espaces à coloniser remette en question leurs complémentarités fonctionnelles.
    The Mexican agrarian reform between 1920 and the beginning of the 1980s led to the redistribution of nearly half the country's land. Such change was also at the core of the process of construction and propagation of the political system and the consolidation of the State's presence in the rural world. Its implementation paved the way for the establishment of new collective farming structures and a reconfiguration of political territories for the benefit of categories of actors seeking to free themselves from old political and land ownership structures represented by the Indian community and the hacienda system. This article describes the background to the co-production of the land-rights policy, closely linked to the logic of autonomisation of local actors, and realised in forms that recall the internal frontier process analysed by Kopytoff in African contexts. The paper suggests a widening of this model by focusing in particular on the role played by the State and its representatives during the course of the process. The agrarian reform in Mexico can be interpreted as resulting from two superimposed frontier logics. On the part of the rural actors, the search for “interstitial frontiers” capable of withstanding the divisive dynamics at work in farming communities; and for the State, the construction of an “internal political frontier” enabling it to draw these communities within its sphere of control. These two logics reinforce each other up to the point where depletion of spaces to colonize calls their functional complementarities into question.
  • En marge de la loi et au coeur de la politique locale. Colonisation agraire des forêts classées au nord Ghana - David Andrew Wardell, Christian Lund p. 117-134 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les réserves forestières correspondent à la création politique de frontières entre l'habité et l'inhabité, partant de l'idée que la mise en réserve est indispensable à la protection de l'intégrité des ressources naturelles. La politique forestière du Ghana d'après l'indépendance a été caractérisée par la centralisation, l'exclusion et une législation restrictive. Toutefois, les terres dont s'est emparé le gouvernement n'ont pas toujours été à proprement parler acquises par celui-ci; par conséquent, le foncier a toujours appartenu, et appartient encore aux propriétaires originels, bien qu'on leur en refuse formellement l'accès. Les pratiques de gestion des ressources forestières au nord Ghana diffèrent de façon radicale des politiques affichées. Une forme d'arrangement plus subtile, négociée et influencée par le politique continue de prévaloir aujourd'hui. Les autorités administratives et politiques ont longtemps toléré que certaines zones de réserves forestières soient (re)colonisées par les agriculteurs locaux. La frontière est poreuse et fournit un contexte générateur de rentes monétaires et politiques aux hommes politiques lorsqu'ils protègent et admettent l'exercice de droits attribués aux acteurs par les autorités coutumières. Ainsi se met en place un système foncier complexe, «feuilleté», étroitement lié aux questions de politiques locales, qui participe d'une re-définition continuelle de la légalité et des droits à la propriété.
    Forest reserves are a political creation of frontiers between the uninhabited and the inhabited based on the idea that reservation is necessary for the protection of the integrity of natural resources. Forest policy in post-Independence Ghana has been characterised by centralisation, exclusion and restrictive legislation. However, the lands seized by government for reserves were not always properly acquired, and consequently land was, and is, still owned by the original owners, though they have formally been denied access to their property. The actual governance of resources of the forest reserves in northern Ghana differs quite dramatically from declared policies. A much more subtle, negotiated and politically sensitive form of arrangement has prevailed and prevails today. Administrative and political authorities have long tolerated that significant areas of the forest reserves have been (re-)colonised by local farmers. The frontier is porous and provides a context for monetary and political rent seeking for political agents when protecting and indulging people's exercise of rights granted them by customary authorities. This creates a complex layered tenure system tightly connected to issues of local politics and produces a continuous re-definition of legality and property rights.
  • Les frontières de l'orpaillage en Afrique occidentale - Tilo Grätz p. 135-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article explore la situation de frontière pionnière mise en place par des orpailleurs en Afrique de l'Ouest. Depuis les années 80, la vague de l'orpaillage liée à la mise en valeur des nouveaux gisements ou la revalorisation des anciens sites d'or, permet d'observer l'émergence d'une culture des camps miniers itinérants. Selon l'état des ressources, les orpailleurs ainsi que les commerçants qui leur sont associés se déplacent d'un site à l'autre, établissant en permanence des nouveaux campements, transportant et reproduisant des normes et règlements d'une communauté particulière, s'adaptant partiellement aux conditions locales. Les caractéristiques de ce type de frontière sont les changements économiques locaux rapides, la forte mobilité des acteurs dans l'espace et dans les hiérarchies sociales, les relations souvent conflictuelles des orpailleurs avec l'État central et les sociétés rurales avoisinantes. L'article discute également les particularités de ces frontières aurifères en rapport avec les frontières de la colonisation agraire.
    This article explores the pioneer frontier situation created by gold diggers in West Africa. Since the 1980s, a wave of gold digging and panning, linked to the development of new deposits or revival of old extraction sites, has provided the opportunity to observe the emergence of a culture of itinerant gold-digger camps. Depending on the state of resources, the gold-diggers and the associated traders move from site to site, continually establishing new camps, transporting and reproducing the standards and regulations of a particular community, adapting partly to local conditions. This type of frontier is characterised by rapid changes in the local economy, high spatial and social mobility of participants and often conflict-ridden relations gold-diggers have with the central government and neighbouring rural societies. The article also discusses the specific character of these frontiers of gold-exploitation in comparison with those associated with agrarian colonisation.
  • Notes de lecture - p. 151-160 accès libre