Contenu du sommaire : Sorel méconnu
Revue | Mil neuf cent |
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Numéro | no 32, 2014 |
Titre du numéro | Sorel méconnu |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Avant-propos
- Avant-propos - Jacques Julliard p. 3-5
Dossier
- De l'ingénieur au philosophe social - Willy Gianinazzi p. 7-10
- Penser à l'épreuve des conflits : Georges Sorel ingénieur hydraulique à Perpignan - Alice Ingold p. 11-52 Cet article apporte des éléments inédits d'archives sur les années d'ingénieur de Sorel, lorsqu'il est la tête du Service hydraulique des Pyrénées-Orientales (1880-1892). C'est précisément à ce poste, qui le place au cœur de conflits de compétences entre administration et justice, que Sorel articule une série de questions cruciales sur le droit : sa place à côté d'autres formes de régulation sociale, la pluralité de ses sources et la vocation politique du droit privé. Sorel mêle une critique de la politique hydraulique à une analyse des nouvelles formes d'intervention – administrative et réglementaire – de l'État. Il dénonce les idéologies qui soutiennent cette politique : le scientisme et la « fraternité » née de l'idéalisme de 1848. Sa défense de la mission du droit privé comme rempart à « l'arbitraire administratif » repose sur une analyse économique. On ne prend pleinement la mesure de son œuvre écrite qu'en la rapportant à cette expérience de vie durant laquelle Sorel a été un acteur de premier plan dans des conflits aux enjeux économiques et politiques énormes.Thinking through conflicts
This article draws on recently uncovered archives documenting the years when Sorel worked as an engineer, namely as head of the Hydraulic Service for the East-Pyrenees (1880-1892). Occupying that position enabled him to witness conflicts between the domains of administration and justice, which led him to articulate a series of crucial law-oriented questions: how does law relate to other forms of social regulation, what were the types of sources one could draw from, and what were the political implications of resorting to private law? Criticizing French hydraulics policy allowed him to analyze the new forms of state intervention – administrative and regulatory. He denounced ideologies which supported that type of policing – scientism and the “fraternity” born of the idealism of 1848. According to him, the mission of private law was to work against “arbitrary administrative action”, an idea he defended using an economics-based outlook. Sorel was a primary stakeholder in some of the major economic and political conflicts of his time. It is only after considering his life experience that one can really appreciate his written work. - Georges Sorel, observateur critique des chemins de fer français - Georges Ribeill p. 53-67 Affranchi à partir de 1892 du devoir de réserve, Georges Sorel, au fil de divers comptes rendus de lecture et de quelques écrits personnels, nous livre de façon plus ou moins élaborée ses analyses et jugements critiques sur le système ferroviaire institutionnel français. Plutôt que de se positionner dans le débat politique majeur de son temps sur la question du rachat, s'insurgeant contre les transgressions coutumières du droit que pratique en coulisse une bureaucratie administrative toute-puissante, Sorel attend du recours à un nouvel acteur dans le système, « l'expert », la garantie d'un fonctionnement plus démocratique.Georges Sorel, critical observer of the French railway system
Freed from his professional duty to maintain confidentiality from 1892 onwards, Sorel gave us, through various reading reports and personal notes, his more or less elaborate analysis of and critical point of view on the institutional side of the French railway system. Instead of picking a side in the major political debate of his time regarding the state purchase of railway lines, he raged against the customary transgressions of the law by an almighty bureaucratic administration; he hoped that the intervention of a new player in the system, in the form of the “expert”, would guaranty a more democratic way of functioning within institutions. - Volonté, effort et valeur : La psychophysiologie du travail dans la réflexion économique de Georges Sorel - Marco Saraceno p. 69-92 À la fin du xixe siècle, en appliquant les lois énergétistes à l'étude du corps, la psychophysiologie a montré que l'efficacité du travail humain est déterminée par l'effort qui oriente l'énergie vers un but voulu. La volonté apparaît comme une fonction économique qui gère l'activité selon le rapport entre la valeur du but et l'effort demandé pour l'atteindre. À la même période, Sorel, lecteur assidu de la science de son époque, évoque l'effort producteur de valeur comme marque du destin révolutionnaire du prolétariat. En suivant les références à la psychophysiologie, il est montré que la centralité de l'effort dans la philosophie du travail de Sorel n'est pas le signe d'une réduction de l'économie à un volontarisme moral, mais la trace d'une conception pragmatique de l'action.Will, effort and worth
At the end of the 19th century, psychophysiology served to apply the laws of energy to the study of the body. It stated that effort – by orienting energy towards a given goal – determined the efficiency of human work. Volition therefore appeared as an economic variable through which to manage activity, according to the ratio between the worth of a goal and the effort required to achieve it. At the same period, Sorel, a fervent reader of the scientific literature of his time, spoke of the worth producing potential of effort as evidence of the proletariat's revolutionary destiny. By identifying the references to psychophysiology in Sorel's work, this article aims at showing that the central value that he gives to the concept of effort in his philosophy of work does not equate to his reducing economics to a moral voluntarism, but rather that it speaks of his pragmatic conception of action. - Introduction au pragmatisme de Georges Sorel - Tommaso Giordani p. 93-110 L'article souligne la profonde affinité conceptuelle entre la première épistémologie sorélienne des années 1888-1894 et la conception pragmatiste de la connaissance. Il examine ensuite l'évolution de l'opinion de Sorel sur le pragmatisme dans les années 1906-1914, alors que l'intérêt en France pour la philosophie américaine, non circonscrit au milieu universitaire, est à son comble. Les sources italiennes qui font connaître le pragmatisme à Sorel sont importantes pour expliquer sa méfiance initiale pour la nouvelle philosophie. La fertilité philosophique de l'engagement pragmatiste de Sorel apparaît à travers un bref examen du développement, dans un sens historiciste, de l'épistémologie présente dans son ouvrage de 1921, De l'utilité du pragmatisme.Introduction of Sorel's pragmatism
The article tries to shed light on Sorel's engagement with pragmatism. I begin by highlighting the profound conceptual affinity between Sorel's early epistemology and the pragmatist theory of truth, in order to then examine the evolution of Sorel's opinion on pragmatism during the crucial years between 1906 and 1914, in which a widespread interest in pragmatism, going beyond the usual academic circles, gripped the French intellectual world. I underline the importance of Sorel's Italian sources in order to explain his initial dislike for the American philosophy. I end by underlining the philosophical fertility of his engagement with pragmatism through an examination of the historicist development of pragmatist epistemology that Sorel articulates in his 1921 De l'utilité du pragmatisme. - De la valeur démonstrative du mot « science » chez Georges Sorel - Alexandre Moatti p. 111-122 L'utilisation du mot science est très fréquente chez Sorel, philosophe formé à la science et qui garde sa vie durant un rapport particulier avec elle : nous émettons ici l'idée que cette référence permanente a une fonction démonstrative dans sa philosophie politique. Est notamment pointée négativement chez lui une science affublée de divers adjectifs : sérieuse, pratique, bourgeoise – l'objectif pour lui est de discréditer les philosophes socialistes modérés, auxquels il s'oppose. Il entreprend de pister à travers les âges ce courant d'une science galvaudée, et relit l'histoire des sciences à la lumière de la démonstration contemporaine qu'il entend faire. C'est une véritable trame qu'il tisse ainsi dans son œuvre.Of the demonstrative value of the word “science” in Sorel's work
The word “science” is used very often in Georges Sorel's work. He was trained in hard sciences and kept a peculiar relationship with them throughout his life. Our hypothesis is that this relentless referencing to “science” served a demonstrative purpose in Sorel's political philosophy. He gave a negative account of “science” by qualifying it with various adjectives: “serious”, “practical”, “bourgeois”. His goal was to discredit the moderate socialist philosophers he opposed. He tried to trace the history of a worn-out science movement through the ages, and reread the history of sciences in the light of the contemporary demonstration he intended to make – a thread he wove throughout his entire work. - L'institution et l'esthétique : Sorel, Vico et Croce - Eric Brandom, Claude Orsoni p. 123-145 Cet artcle défend l'idée que, dans la pensée sociale de Sorel, la production artistique, de même que la catégorie de l'esthétique dans sa philosophie, revêtent beaucoup plus d'importance qu'on ne l'a pensé jusqu'à présent. Giambattista Vico est le principal auteur sur lequel s'appuie Sorel pour introduire l'esthétique dans l'analyse de la réalité sociale. L'intérêt pour Vico, que Sorel partageait avec Benedetto Croce, nous montre que le cadre de référence déterminant de la célèbre exposition du mythe dans les Réflexions sur la violence n'est autre que l'esthétique crocienne de l'expression. Le mythe, comme on peut le voir dans les Réflexions, transpose à l'institution la définition esthétique de l'esprit par Croce. En reprenant à son compte l'esthétique de Croce comme clef pour l'intelligence de l'activité créatrice comme telle, Sorel détache sa propre théorie sociale de son fondement matérialiste, permettant ainsi de mettre d'autant plus facilement le mythe au service de la rénovation nationale.Institutions and aesthetics
This paper argues that artistic production bears much more weight in Georges Sorel's social thought, as the category of the aesthetic does in his philosophy, than has previously been understood. Giambattista Vico is the central figure on whom Sorel draws to bring aesthetics into analysis of social reality. The interest in Vico that Sorel shared with Benedetto Croce allows us to see that the decisive referential frame for the famous presentation of myth in Reflections on violence is Croce's aesthetics of expression. Myth, as it appears in Reflections, transposes Croce's aesthetic definition of spirit onto the institution. In adopting Croce's aesthetic as a way of understanding creative activity as such, Sorel cut his own social theory from its materialist basis, making it all the easier to draft myth into the service of national renewal. - Georges Sorel, l'intempestif : Au prisme des stratégies contemporaines - Piotr Laskowski, Anna Blumsztajn p. 147-180 L'objet de cet article est de présenter Sorel comme un penseur intempestif qui a exploré des territoires philosophiques redécouverts par les théories radicales contemporaines. L'ontologie pluraliste de Georges Simondon et de Gilles Deleuze, dérivée des écrits d'Henri Bergson et de William James (qui ont influencé Sorel comme Deleuze), fournit un cadre pour l'analyse de la philosophie de la science chez Sorel et de deux concepts clés de sa pensée politique : la « diremption » et la « Cité ». La conception antagonique de la politique de Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, inspirée d'Antonio Gramsci, sert de fondement pour une relecture du concept de violence chez Sorel. L'universalisme d'Alain Badiou est invoqué en référence au mythe sorélien, et enfin l'analyse du concept de grève générale chez Sorel est éclairée par l'idée de la suspension et de l'arrêt présente dans les écrits de Walter Benjamin et de Giorgio Agamben.Sorel as untimely thinker
The aim of this paper is to present Sorel as untimely thinker who explored philosophical territories rediscovered by the current radical theories. Pluralist ontology of Simondon and Deleuze, derived from writings of Bergson and James (who influenced Sorel and Deleuze alike), serves as a context for the analysis of Sorelian philosophy of science and two key concepts of his political thought: diremption and cité. Mouffe and Laclau's antagonistic outlook on politics inspired by Gramsci provides the background for re-reading of Sorel's concept of violence. Badiouan universalism is invoked in reference to Sorelian myth, and finally the analysis of Sorel's concept of general strike is informed by the idea of suspension or stoppage found in the writings of Benjamin and Agamben.
Documents
- Georges Sorel et l'histoire des religions : Lettres de Georges Sorel à Salomon Reinach (1911-1921) - Hervé Duchêne p. 181-206 Cette correspondance inédite avec le spécialiste de l'histoire des religions Salomon Reinach témoigne de l'intérêt que Sorel a porté pour toute une série de questions religieuses érudites, dont, entre autres, le thème du sacrifice rituel chez les Anciens.Georges Sorel and the history of religions
This hitherto unpublished correspondence with religious historian Salomon Reinach testifies to Sorel's erudite interest for religious history. In his presentation, Hervé Duchêne shows how, despite the formal politeness of this seemingly neutral scientific correspondence, the authors had two radically different approaches to the history of religions. - Orpheus et la critique des religions (1910) - Georges Sorel p. 207-217 Présenté par Hervé Duchêne, le texte est la transcription d'un manuscrit inédit en français, dont la traduction en italien a paru dans le Giornale d'Italia en décembre 1910. Il s'agit d'une discussion autour de la réception de l'Orpheus. Histoire générale des religions, de Salomon Reinach.Orpheus and the critic of religions (1910)This text, with an introduction by Hervé Duchêne, is a transcript of the original manuscript of an article published in Italian in Giornale d'Italia, in December 1910. Commenting on the weakness of the arguments of catholic critics against Orpheus: A general history of religions, Sorel gave his own analysis of the importance and the significance of S. Reinach's work.
- Georges Sorel et l'histoire des religions : Lettres de Georges Sorel à Salomon Reinach (1911-1921) - Hervé Duchêne p. 181-206
Enquête
- Georges Sorel aujourd'hui - p. 219-233 Nous avons demandé à un certain nombre de philosophes, de politologues et d'historiens de la pensée politique de nous dire comment ils situent Sorel et, le cas échéant, quel rapport personnel ils entretiennent avec lui. Nous inaugurons ici une enquête qui s'étendra sur plusieurs numéros. Pour commencer, Alain de Benoist a bien voulu répondre à notre questionnaire.Georges Sorel today
We have asked several philosophers, political scientists and historians of political thought to tell us how they would qualify Sorel's work and how they related to him in their own work. In doing so, we are launching an inquiry that will run for several issues. First of all, Alain Benoist agreed to answer our questionnaire.
- Georges Sorel aujourd'hui - p. 219-233
Lectures
- Lectures - p. 235-246